Le Kenya donne son feu vert à 58 projets d'OGM alors que les scientifiques poursuivent leurs recherches en biotechnologie en dépit des poursuites judiciaires et de la désinformation
Godfrey Ombogo, Alliance pour la Science*
En octobre 2022, le Kenya a levé l'interdiction de cultiver et d'importer des cultures génétiquement modifiées (GM), qui durait depuis dix ans.
Les scientifiques, qui considèrent les cultures génétiquement modifiées comme la réponse à l'insécurité alimentaire, ont salué cette décision.
Quatre variétés de cotonnier Bt ont été recommandées par le Comité National des Essais de Performance.
Toutefois, cette décision est contestée par des groupes de pression qui ont saisi la justice et obtenu une injonction, bloquant ainsi la mise en œuvre de la décision du gouvernement.
Bien qu'un jugement n'ait pas encore été rendu, la culture du cotonnier Bt se poursuit dans le pays et les scientifiques affirment que la demande de semences dépasse l'offre.
Le Dr Martin Mwirigi, de la KALRO, s'exprime lors de la réunion de sensibilisation aux biotechnologies agricoles avec la Kenya Editors Guild à Nairobi, Kenya, le 1er août. [Kenya Editors Guild]
« Lorsque le cotonnier Bt a été mis sur le marché pour la première fois, il y a eu une très forte demande, au-delà de nos attentes, après la première récolte, car il s'est très bien comporté », a déclaré le Dr Martin Mwirigi, directeur de l'Institut de Recherche en Biotechnologie de l'Organisation Kényane de Recherche sur l'Agriculture et l'Élevage (KALRO), lorsque les membres de la Kenya Editors Guild (KEG) ont rencontré des experts en biotechnologie à Nairobi, le 1er août 2023.
« La production de maïs au Kenya a diminué de 35 % entre 2018 et 2022 parce qu'il n'y a pas de variété tolérante aux insectes ou aux ravageurs sur le marché. »
Par ailleurs, les scientifiques locaux sont occupés dans les laboratoires, à faire ce qu'ils savent le mieux faire, car ils espèrent que les procès seront réglés assez rapidement pour qu'ils puissent contribuer à la sécurité alimentaire du pays grâce à la biotechnologie.
Selon l'Autorité Nationale de Biosécurité (NBA), le Kenya a approuvé 58 projets d'OGM – 40 pour une utilisation confinée en laboratoire ou en serre, 15 pour des essais confinés sur le terrain, et trois pour une dissémination dans l'environnement ou une culture commerciale.
« Toutes les technologies sont locales. On nous dit encore que Monsanto finance les OGM, mais Monsanto n'existe plus. Nous ne recevons qu'un soutien à la recherche, et il n'y a rien de mal à cela. »
Les trois OGM dont la culture commerciale a été approuvée sont le cotonnier Bt, commercialisé en janvier 2020, le maïs Bacillus thuringiensis (Bt), approuvé par la NBA en octobre 2022 et qui doit encore être soumis au National Variety Release Committee (NVRC), et le manioc résistant à un virus, qui fait l'objet d'essais de performance nationaux par le Kenya Plant Health Inspectorate Service (KEPHIS).
Quatre variétés de cotonnier Bt ont été recommandées pour la dissémination par le National Performance Trials Committee (NPTC).
Elles n'ont cependant pas encore été soumises aux tests de distinction, d'homogénéité et de stabilité (DHS).
À titre de comparaison, six variétés ont été soumises aux tests NPT et DHS, mais n'ont pas été homologuées en raison de procédures judiciaires en cours.
L'agricultrice Wambui Kimani lors de la réunion entre les professionnels des médias et les experts en biotechnologie à Nairobi, au Kenya, le 1er août 2023. [Kenya Editors Guild]
« Depuis mon enfance, mes parents étaient agriculteurs, je n'ai jamais vu de cultures de maïs traitées avec des produits chimiques pour tuer les parasites ou prévenir les maladies », a déclaré Mme Wambui Kimani, productrice de maïs à Juja, dans le centre du Kenya.
« Mais aujourd'hui, la situation a changé en raison de la résistance du légionnaire d'automne, de la pyrale des tiges et de la maladie de la nécrose létale du maïs. »
Lorsqu'elle s'est lancée dans l'agriculture il y a huit ans, elle obtenait chaque saison des récoltes de maïs exceptionnelles, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, en raison des attaques fréquentes de ravageurs, des maladies et de l'imprévisibilité des conditions météorologiques.
Elle pense que la seule solution pour elle et les autres producteurs de la céréale de base du Kenya est le maïs Bacillus thuringiensis (Bt).
Cette variété génétiquement modifiée est tolérante à la sécheresse et résistante à des parasites et maladies.
Dix pays africains ont approuvé des cultures génétiquement modifiées : l'Afrique du Sud a approuvé le cotonnier, le maïs et le soja génétiquement modifiés, et le Nigeria, l'Éthiopie, le Kenya, le Soudan, l'Eswatini et le Malawi ont autorisé le cotonnier, le niébé et le maïs résistants à des ravageurs, ainsi que le manioc résistant au virus de la striure brune.
Cependant, Mme Wambui et d'autres producteurs de maïs au Kenya doivent attendre avant d'essayer la culture génétiquement modifiée en raison de quatre procès intentés contre la culture, l'importation et la commercialisation d'organismes génétiquement modifiés (OGM) au Kenya.
Trois variétés de maïs Bt ont été recommandées pour la dissémination, mais les procès bloquent leur présentation au NVRC pour examen, a déclaré M. Lucas Suva, inspecteur principal au Bureau de la Protection des Variétés Végétales du KEPHIS.
« Huit variétés de manioc génétiquement modifié sont actuellement sous NPT », a déclaré M. Suva lors de la réunion de la KEG.
Le Dr James Karanja de la KALRO. [Kenya Editors Guild]
Le Dr James Karanja, chargé de recherche à la KALRO, a déclaré que le maïs TELA Bt est la réponse à la situation d'insécurité alimentaire du Kenya, car il garantit un rendement de 10 sacs supplémentaires par acre [25 sacs ou 22,5 quintaux/hectare] sans utilisation de pesticides.
Il garantit également des grains de qualité et une réduction de la contamination par l'aflatoxine.
« La production de maïs au Kenya a diminué de 35 % entre 2018 et 2022 parce qu'il n'y a pas de variété tolérante aux insectes ou aux ravageurs sur le marché », a déclaré M. Karanja.
Les cultures génétiquement modifiées ont contribué à réduire la pauvreté et la faim, au bénéfice d'environ 18 millions de petits exploitants agricoles et de leurs familles, soit plus de 65 millions de personnes.
Selon l'Unité d'Analyse de la Sécurité Alimentaire et de la Nutrition (FSNAU), l'insécurité alimentaire est un problème récurrent, avec 3,2 millions de Kenyans dans les régions arides et semi-arides confrontés à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë en septembre 2022 [population totale selon la Banque Mondiale : 54,4 millions en 2021].
Néanmoins, tout n'est pas perdu, car les scientifiques kényans tirent parti de la technologie pour améliorer la situation, contrairement aux informations erronées des militants anti-biotechnologie selon lesquelles le Kenya importe des technologies OGM nuisibles.
Le Pr Richard Oduor, président du Kenya University Biotech Consortium (KUBICO) et directeur par intérim de la recherche, de l'innovation et de la vulgarisation à l'Université Kenyatta. [Kenya Editors Guild]
« Toute la technologie est locale. On nous dit encore que Monsanto finance les OGM, mais Monsanto n'existe plus. Nous ne recevons qu'un soutien à la recherche, et il n'y a rien de mal à cela », a déclaré le Pr Richard Oduor, président du Kenya University Biotech Consortium (KUBICO) et directeur par intérim de la recherche, de l'innovation et de la vulgarisation à l'Université Kenyatta.
Les pays en développement représentent 54 % des hectares consacrés aux cultures biotechnologiques dans le monde.
Le Pr Oduor a appelé les médias kenyans à éliminer la désinformation sur les OGM, affirmant que le pays resterait à la traîne alors que d'autres adoptent des technologies modernes pour résoudre des problèmes quotidiens tels que l'insécurité alimentaire.
En Afrique, au moins dix pays ont approuvé des cultures génétiquement modifiées : l'Afrique du Sud a approuvé le cotonnier, le maïs et le soja génétiquement modifiés, et le Nigeria, l'Éthiopie, le Kenya, le Soudan, l'Eswatini et le Malawi ont autorisé le cotonnier, le niébé et le maïs résistants à des parasites, ainsi que le manioc résistant au virus de la striure brune.
M. Abed Mathagu, responsable du programme de la Fondation Africaine pour les Technologies Agricoles. [Kenya Editors Guild]
« Cette technologie est coûteuse ; peu de gens veulent se lancer dans le développement de variétés génétiquement modifiées. De nombreux pays ont lutté pour créer des systèmes fonctionnels », a déclaré M. Abed Mathagu, chargé de programme, Affaires Réglementaires à la Fondation Africaine pour les Technologies Agricoles (AATF).
« Au cours des 20 dernières années, les pays africains se sont efforcés de mettre en place des cadres nationaux de biosécurité (CNB). »
« La désinformation et la mésinformation ont obscurci la perception du public, laissant les gens dans l'incertitude quant à la sécurité des produits biotechnologiques, en particulier des OGM. »
Selon l'Alliance pour la Science, en 2018, 18 millions d'agriculteurs dans 26 pays africains ont choisi de cultiver des plantes génétiquement modifiées.
Les pays en développement représentaient 54 % des hectares consacrés aux cultures biotechnologiques dans le monde.
Les cultures génétiquement modifiées ont contribué à réduire la pauvreté et la faim, bénéficiant à environ 18 millions de petits exploitants agricoles et à leurs familles, soit plus de 65 millions de personnes au total.
M. Canisius Kanangire, directeur exécutif de l'AATF. [Kenya Editors Guild]
Le directeur exécutif de l'AATF, Canisius Kanangire, a déclaré que pour le Kenya et l'Afrique en général, la filière biotechnologique est prête à fournir encore plus sur d'autres chaînes de valeur, ce qui constitue une étape importante vers l'amélioration de la sécurité alimentaire.
« Malheureusement, la désinformation et la mésinformation ont obscurci la perception du public, laissant les gens dans l'incertitude quant à la sécurité des produits biotechnologiques, en particulier des OGM », a déclaré M. Kanangire.
Il a appelé les professionnels des médias à participer au dialogue et à apporter des perspectives qui contribueront à informer, éduquer et enrichir la qualité des conversations sur les technologies scientifiques innovantes dans le domaine de l'agriculture.
M. Macharia Gaitho, rédacteur en chef à la retraite, a défendu les médias kenyans, affirmant qu'ils n'étaient ni pro- ni anti-OGM.
« Contrairement à la croyance populaire, les médias kenyans sont parmi les plus équilibrés et les plus professionnels au monde pour ce qui est de rendre compte de la science et de la politique. Nous sommes des touche-à-tout et des maîtres en la matière. Nous sommes neutres », a déclaré M. Gaitho.
« S'il vous plaît, donnez-nous les semences de maïs Bt. Nous sommes prêts à les recevoir. »
Après toutes ces discussions instructives, Mme Wambui, l'un des deux agriculteurs présents à la réunion, n'avait qu'un seul message à faire passer : « S'il vous plaît, donnez-nous les semences de maïs Bt. Nous sommes prêts à les recevoir. »
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* Godfrey Ombogo est consultant éditorial, rédacteur scientifique consultant et écrivain pour Media for Environment, Science, Health and Agriculture (MESHA) au Kenya. Il a été journaliste, sous-rédacteur et rédacteur chargé de l'assurance qualité au Daily Nation, The Star et The Standard, respectivement. Il a également écrit pour Talk Africa, une plate-forme de contenu multimédia en ligne.