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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le cotonnier Bt donne aux agriculteurs kenyans une raison de retrouver le sourire

22 Mai 2022 Publié dans #OGM, #Afrique

Le cotonnier Bt donne aux agriculteurs kenyans une raison de retrouver le sourire

 

Patricia Nanteza*

 

 

Image : Mme Patricia Nanteza visite une ferme de coton Bt au Kenya. Photo : Alliance pour la Science

 

 

« Waouh, waouh. » Je ne pouvais pas m'empêcher de dire « waouh » lorsque nous avons eu un premier aperçu d'un champ couvert de ce qui semblait être des fleurs blanches. Il semblait énorme, mais en réalité, il ne s'agissait que d'un hectare de cotonnier Bt génétiquement modifié. C'était quand même énorme, étant donné que l'agriculteur moyen en Afrique ne possède et ne cultive qu'un acre de terre (40 ares). Mais le plus impressionnant, ce sont les fleurs blanches, qui s'avèrent être des capsules de coton prêtes à être cueillies.

 

Nous sommes chez M. Johnson Mwai à Mbabaine, dans le comté de Kirinyaga, au centre du Kenya. Un rapide « bonjour » à son épouse, qui emballe du maïs dans des sacs, et notre visite commence. La ferme de 4 hectares de M. Mwai est bien entretenue. Des bruvellias bordent le périmètre et un terrain récemment labouré attend la pluie pour être semé en maïs. À une autre extrémité se trouvent des manguiers, mais la plus grande partie est consacrée au cotonnier – plus précisément au cotonnier Bt.

 

« Je cultive le cotonnier depuis 1963 et je ne peux pas m'arrêter », dit M. Mwai, 72 ans, avec un léger sourire. Mais j'ai quand même besoin de comprendre pourquoi il est passé du cotonnier conventionnel au cotonnier Bt. Il me dit que c'est grâce à M. Daniel Magondu, un stagiaire de l'Alliance pour la Science, leader paysan et notre guide pour la journée.

 

« Il nous a parlé des avantages de ce nouveau cotonnier », dit M. Mwai. « Il nous a dit que le cotonnier Bt ne sera pas attaqué par le ver de la capsule, ce qui nous donnera un rendement plus élevé et plus d'économies sur les pesticides puisque je traiterai moins. J'ai décidé de l'essayer. »

 

La variété de cotonnier Bt que M. Mzee Mwai et d'autres agriculteurs du Kenya cultivent a été mise en circulation par le gouvernement en 2020 dans le but de relancer l'industrie du coton. Cette variété a été génétiquement améliorée pour résister à l'infestation par le ver de la capsule africain, le ravageur du cotonnier le plus destructeur au Kenya. L'infestation par les ravageurs représente 45 % des pertes dans les exploitations.

 

 

M. Johnson Mwai, producteur kényan de coton Bt. Photo : Alliance pour la Science

 

 

Auparavant, nous avions visité la ferme de M. Bernard Wachira dans le village de Makuti, sous-comté de Kirinyaga. M. Wachira cultive du cotonnier Bt sur un acre [40 ares], consacrant le reste de ses terres aux mangues, au bruvellia et aux vaches. M. Wachira et M. Mwai sont représentatifs des autres producteurs de coton du comté. Ils pratiquent tous la polyculture et subdivisent leurs terres en petites parcelles pour y faire pousser diverses cultures. Cela garantit un flux continu de revenus et sert également d'assurance en cas d'échec d'une culture.

 

Miraa, le nom local du khat (Catha edulis), est une culture de grande valeur qui fournit un revenu pour les besoins courants tels que les soins de santé, la nourriture et l'éducation. Le maïs est un aliment de base et le cotonnier une culture de rente qui est récoltée quatre fois par an. Les bruvellias, avec leurs larges branches, offrent une ombre bienvenue contre la chaleur. Ils sont également utiles pour le bois de chauffage et la construction d'abris temporaires pour le bétail.

 

Le cadre typique de la ferme de Kirinyaga contredit l'idée selon laquelle l'agriculture génétiquement modifiée implique toujours des monocultures sur de grandes superficies et ne peut donc pas se développer sans éradiquer le système agricole mixte typique de l'Afrique, composé de petits exploitants.

 

 

Les grands avantages du Bt

 

Pour soutenir les agriculteurs comme M. Mwai et M. Wachira, le gouvernement distribue gratuitement des semences de cotonnier Bt par l'intermédiaire d'une société appelée Mahyco. Toutefois, selon M. Magondu, producteur de coton de longue date et défenseur de la biotechnologie, au Kenya, « les semences de cotonnier ont toujours été gratuites. Ce n'est pas particulier à la graine de cotonnier Bt ». Environ 1,5 kilogramme de semences est généralement nécessaire pour planter un acre [40 ares].

 

La grande différence se voit à la récolte. Les agriculteurs qui cultivent du cotonnier conventionnel récolteront 1.200 à 1.700 kg par hectare, tandis que ceux qui cultivent du cotonnier Bt récolteront 3.700 à 5.000 kg sur la même hectare. Le kilogramme de coton étant vendu 50 ksh, un cultivateur de coton Bt gagnera 185.000 ksh (1.600 USD), soit le triple du montant gagné par son homologue conventionnel.

 

Il convient de noter que le coton donne lieu à deux récoltes par saison, la seconde donnant un rendement plus élevé, de sorte qu'un agriculteur peut gagner en moyenne 3.240 dollars US par saison pour un hectare de coton Bt.

 

Comme tous les travailleurs, M. Wachira et M. Mwai sourient joyeusement lorsqu'ils parlent du jour de paie. « Ce n'est pas comme autrefois, lorsque nous vendions notre coton et attendions d'être payés des mois plus tard », nous dit M. Wachira. « Aujourd'hui, nous avons des jours de marché collectifs. Tous les agriculteurs de mon quartier apportent leur récolte à un endroit situé à l'extérieur de ma ferme et nous appelons les acheteurs. Ils viennent, pèsent et paient instantanément via Mpesa – un service de transfert d'argent par téléphone portable. » Le jour de notre visite, M. Mwai avait un magasin rempli de coton récolté et la ferme était florissante, l'incitant à en récolter davantage.

 

Bien qu'un producteur de coton Bt gagne 1.080 dollars de plus par hectare, ce n'est pas le seul avantage. Selon M. Mwai et M. Wachira, la germination des graines Bt est de près de 98 % si l'on ne met que deux graines par trou. Cependant, cinq à six graines de coton conventionnel sont généralement plantées par trou pour augmenter le taux de germination, qui n'est généralement que de 50 %. Un agriculteur conventionnel aura donc besoin de plus de graines au moment de la plantation.

 

Le Bt est également précoce, il fleurit à trois mois et est prêt à être récolté à cinq mois environ. En outre, le cotonnier Bt est tolérant à la sécheresse. MM. Magondu, Wachira et Mwai sont convenus que bien que le cotonnier soit généralement une culture tolérante à la sécheresse, la variété Bt peut survivre avec moins de précipitations que son homologue conventionnelle.

 

Le Bt ayant été conçu pour résister au ver de la capsule africain, il offre une résistance supérieure aux parasites. Néanmoins, les agriculteurs devront effectuer deux ou trois traitements contre les autres parasites au cours d'une saison, contre neuf à douze – ou chaque semaine pendant trois mois – pour les variétés conventionnelles. Par conséquent, les producteurs de coton Bt économisent de l'argent à la fois sur l'achat de pesticides et sur les coûts de main-d'œuvre pour les appliquer, la réduction des traitements étant bénéfique pour la santé des agriculteurs et de l'environnement.

 

 

La culture de l'homme âgé

 

M. Magondu nous a informés que le coton est désormais considéré comme une culture de vieux. Lorsque les égreneurs ont fait faillite en raison de la faible production, la plupart des agriculteurs se sont naturellement tournés vers de nouvelles cultures. Aujourd'hui, Kirinyaga est plus connu pour le riz que pour le coton. Les quelques personnes qui ont persisté dans la culture du cotonnier sont devenues des hommes âgés, M. Wachira étant le plus jeune à 54 ans. Tout ce qui peut réduire l'intensité du travail, comme la réduction des traitements, est le bienvenu. M. Mwai peut traiter un peu, mais doit généralement embaucher de la main-d'œuvre depuis que tous ses enfants ont quitté la ferme et gèrent leurs propres familles.

 

Les boursiers de l'Alliance for Science Global Leadership Patrick Muruiki et Kennedy Oguyi, ainsi que M. Magondu, formeront bientôt les agriculteurs au cotonnier Bt dans le but d'attirer les plus jeunes.

 

En quittant Kiriyanga, nous avons vu d'énormes étendues de terres en friche qui témoignent de la passion de M. Magondu pour encourager davantage d'agriculteurs à adopter le cotonnier Bt. « Comme le riz ne peut pas bien pousser dans les terres arides, le cotonnier est le meilleur atout de ces agriculteurs puisqu'il est tolérant à la sécheresse. J'ai maintenant quelques agriculteurs et je vais continuer à encourager les autres à adopter le cotonnier Bt », a déclaré M. Magondu.

 

Alors que nous laissons les villages derrière nous et approchons de la ville de Mwea, les égreneuses désaffectées sont un spectacle à la fois pitoyable et plein d'espoir. Espoir, car le gouvernement kenyan a soutenu la commercialisation du cotonnier Bt dans le but de relancer l'industrie du coton. Ainsi, même s'il faudra du temps pour rénover les usines d'égrenage et faire rugir les machines, la production va à nouveau s'accélérer, pour fabriquer des tissus à partir du coton produit dans le pays.

 

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* Source : Bt cotton gives Kenyan farmers a reason to smile again - Alliance for Science (cornell.edu)

 

 

 

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