Il ne s'agit pas seulement de glyphosate...
Willi l'agriculteur*
Lorsque je fais savoir que je suis agriculteur dans une assemblée de gens « normaux », il ne faut pas longtemps avant que le gros mot ne soit prononcé : GLYPHOSATE. Et là, c'est le délire. Que c'est une saloperie, que c'est encore autorisé, qu'on en trouve partout, dans le lait maternel, dans la bière, et même dans l'urine. Que c'est cancérigène et qu'on en trouve même dans la nappe phréatique. Ce n'est pas possible ! En fait, cela devrait être interdit immédiatement, mais Monsanto et tous les autres géants de la chimie sont connus pour être de connivence avec la politique et on peut soupçonner que les autorités sont également soudoyées. Et le fait que les études soient truquées, il y aurait suffisamment d'études correctes de Greenpeace qui prouveraient le contraire.
Ce n'est qu'un petit extrait des commentaires, la liste est loin d'être exhaustive. Et je suis là, j'écoute tout cela, et je devrais me dire : Willi, quelle mauvaise personne tu es. Parce que j'utilise aussi du glyphosate.
Entre-temps, j'ai perdu l'habitude de répondre à toutes ces objections, car cela ne sert à rien. Mon interlocuteur ne fait que répéter ce qu'il a vu, entendu ou lu dans les médias. Dans la plupart des cas, il n'a pas d'arrière-plan scientifique solide, comment le pourrait-il ? Personne, pas même moi, n'a lu toutes les études et contre-études, car elles se comptent par centaines, voire par milliers, et comptent aujourd'hui plus de 100.000 pages.
Et pourtant, je continue à parler avec mon interlocuteur. Je lui demande si, en réalité, il ne veut pas de « pesticides » dans ses aliments. Immédiatement, il acquiesce vivement. Et nous voilà déjà loin du « méchant » glyphosate et au niveau suivant, les produits phytosanitaires en général. On en pulvérise trop, mais c'est aussi dû aux nombreuses monocultures et on ne voit plus que du maïs partout, probablement même génétiquement modifié. Et il y aurait aussi beaucoup trop de lisier dessus, et les nitrates se retrouveraient dans les nappes phréatiques et nous les absorberions avec l'eau potable, nous empoisonnant ainsi quasiment.
Ça y est ! J'en ai pris plein mon grade ! Maintenant, je pourrais dégainer toutes les connaissances techniques que j'ai acquises au cours de 40 ans de pratique agricole, d'articles et de rapports, de dépliants et de fact checks. Mais je ne le ferai pas. Pourquoi ? Parce que cela ne sert à rien.
Avec tous ces reproches, mon interlocuteur ne me signale en fait qu'une chose : il est déstabilisé, il s'inquiète et il a peut-être même peur. Et tout cela, ce sont des sentiments. Mais les faits ne sont pas efficaces contre les sentiments. Quand vous étiez enfant, aviez-vous aussi peur de traverser une cave sombre ? C'était le cas pour moi. Et qu'est-ce qui aide à combattre la peur de la cave sombre ? Allumer la lumière !
Qu'est-ce que je fais alors ? Je ne réponds pas, mais je lui pose des questions. Première question : « Bon, je vous ai laissé parler longtemps et j'aimerais que vous me disiez quelles sont les alternatives ? » Maintenant, mon interlocuteur doit réfléchir. Il y a essentiellement deux réponses possibles. Premièrement : « Je ne sais pas, ce n'est pas mon travail de réfléchir à cela. » On pourrait alors se demander à qui incombe cette tâche (la plupart du temps, on répond : à la politique). La deuxième réponse pourrait être : « Moins d'épandage et moins d'engrais. » En tant qu'agriculteur, je peux faire quelque chose avec ça. Et je continue à demander : que se passerait-il, selon lui, si je pulvérisais moins ou si je mettais moins d'engrais ? Mon interlocuteur doit à nouveau réfléchir, mais s'il est honnête avec lui-même, il arrive à la conclusion que j'aurais alors moins de rendement. Je suis d'accord avec lui, mais je lui demande alors s'il ne serait pas préférable de ne pas utiliser de « pesticides » du tout ? Il est immédiatement d'accord et je remarque que je commence à lui être sympathique, parce que je le comprends manifestement et que je prends ses soucis et ses craintes au sérieux.
Eh bien, lui dis-je, vous pouvez l'avoir. Achetez systématiquement des produits bio. En règle générale, ils ne contiennent pas de produits phytosanitaires chimiques de synthèse. Les produits bio sont également traités contre les maladies et les parasites, mais les produits sont considérés comme inoffensifs. (Ce qui n'est pas vrai si l'on regarde les effets secondaires, par exemple, du spinosad, un insecticide biologique.) En tous cas, les aliments biologiques sont généralement plus chers pour une bonne raison.
Et c'est là que quelque chose d'intéressant commence : mon interlocuteur commence à se justifier. Oui, il ferait très attention à la qualité, il achèterait aussi certains produits bio au supermarché, il mangerait moins de viande ces derniers temps (ce que je ne voulais pas du tout savoir) et il ferait aussi très attention à la régionalité (ce que je ne voulais pas savoir non plus). Oui, dis-je, je l'ai compris maintenant, mais vous n'achetez pas de manière aussi systématique tous les produits des magasins bio, d'une association reconnue comme Demeter, Bioland ou Naturland, n'est-ce pas ? Eh bien, dit mon interlocuteur, ce n'est pas vraiment bon marché et il doit faire un peu attention à son porte-monnaie, surtout maintenant que l'inflation est si élevée.
Et là, je ne dis rien, je le regarde longuement en silence. Et il évite mon regard. Et il commence à se rendre compte que cette discussion ne concerne pas seulement le glyphosate...
Addendum : j'ai déjà publié cet article, à quelques différences près, en août 2016.
Entre-temps, peu de choses ont changé dans la discussion. Les opposants au glyphosate continuent d'avancer les mêmes affirmations erronées, qui viennent d'être une nouvelle fois réfutées par l'EFSA et le BfR. Dans ce contexte, je trouve intéressant et très préoccupant le rôle des médias, qui ont repris à leur compte l'argumentation des ONG. Un exemple en est une interview dans laquelle M. Mitri Sirin interroge la politicienne du FDP Carina Konrad et l'interrompt impoliment chaque fois qu'elle ne partage pas son avis. Je trouve très remarquable et admirable la manière dont Mme Konrad se défend contre ces « attaques ».
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Ma note : L'accord de coalition prévoit la « sortie » du glyphosate à la fin 2023. Mme Carina Konrad a déclaré que l'accord prévoit aussi que l'autorisation des produits phytosanitaires sera régie par des critères scientifiques, que l'EFSA est une institution scientifique... Ich bin gespannt !