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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Promotion du Nutri-Score en Suisse : un entretien avec M. Serge Hercberg dans la Tribune de Genève

4 Mai 2024 Publié dans #Nutri-score, #Activisme

Promotion du Nutri-Score en Suisse : un entretien avec M. Serge Hercberg dans la Tribune de Genève

 

 

Après cela, on nous dira que le Nutri-Score sert à départager les produits au sein d'une même classe.


 

Après Mme Mathilde Touvier – voir « La promotion du Nutri-Score dans la Tribune de Genève : célélobi, etc. » –, voici M. Serge Hercberg et les menaces de mort et insultes antisémites. Et toujours « les industriels ».

 

 

Après un premier assaut dans l'édition des 2-3 mars 2024, la Tribune de Genève (le groupe Tamedia) a remis le couvert le 7 mars 2024 avec un éditorial – « Le gras, c’est la vie, mais à petites doses » (également publié par 24 heures) – et une pleine page dont l'essentiel est consacré à un entretien avec M. Serge Hercberg – « Le Nutri-Score durcit le ton envers le sucre, le sel et le gras » (derrière un péage).

 

En chapô :

 

« L’outil français adopté par sept pays dont la Suisse vient de modifier son mode de calcul. Certains fabricants voient rouge. Serge Hercberg, son concepteur, a reçu des menaces. »

 

Le ton est (presque) donné d'entrée de jeu : le Nutri-Score est bon, parfait... puisque son concepteur a reçu des menaces... Mais ce n'est pas tout !

 

 

De parfait à plus que parfait

 

Mais commençons par un articulet qui montre que ce système parfait est devenu plus que parfait (ainsi que le suggère d'ailleurs le titre de l'article principal). C'est : « Les principaux changements ».

 

Même si c'est de la plume ou du clavier de la journaliste, Mme Cécile Collet, il va sans dire que l'articulet résume les principaux changements et leurs motifs.

 

  • Le sucre est donc davantage pénalisé, « car il n'y a pas de seuil minimal de teneur en sucre sans risque pour la santé ». C'est, au moins pour moi, une grande découverte – l'absence de seuil bien entendu.

     

  • Les édulcorants sont aussi pénalisés, « du fait de leur absence d'intérêt, voire de leur effet délétère ». Là encore, quelle découverte pour ma pomme ! Flatter sa « sweet tooth », assouvir son désir de sucré ou au contraire remédier à son aversion pour l'amer, avec un édulcorant acalorique plutôt qu'avec un glucide calorique ne présenterait aucun intérêt...

     

  • Que dire pour le sel (sodium) ? Le classement initial n'aurait pas été le bon. Et donc – ou « du coup » selon un tic ou TOC du langage moderne – on peut et doit s'interroger sur la rationalité de l'exercice. Sachant par ailleurs que la notation est amalgamée à d'autres pour aboutir à une échelle à cinq degrés dans laquelle les différentes notations sont en quelque sorte noyées dans une sorte de réductionnisme alimentaire.

     

  • Les protéines seraient « jugées positivement dans un poisson gras ou de la volaille » mais « sont plus sévèrement taxées pour la viande rouge, à cause des risques de cancers, notamment colorectaux ». Oh ! Et le poisson maigre ?

     

  • Les fibres seraient aussi « mieux discriminées » dans les céréales, les punis étant les pains blancs raffinés.

     

  • Le lait, les boissons lactées, fermentées à base de lait ou végétales sont versés dans la catégorie « boissons », et ce, « afin de mieux objectiver leur teneur en sucre (ou édulcorants) et en graisses saturées ».

     

  • « Seule l'eau conserve la note A parmi les boissons. » On a envie de dire : « Encore heureux ! »

 

Oups ! M. Albert Amgar l'a déjà fait dans « Quand un algorithme n'aime pas le lait. Le lait est désormais classé B ou C sur le nouveau Nutri-Score ! »

 

 

Industriels et défenseurs de produits du terroir fâchés... menaces de mort...

 

La journaliste qui a rédigé l'introduction a-t-elle été consciente de la portée de sa relation de cause à effet quasiment explicite ?

 

« […] Cette nouvelle donne fâche certains industriels – les laits végétaux Bjorg ont abandonné le Nutri-Score – mais aussi les défenseurs de produits du terroir riches en graisse et en sel. Au point que le "père" du Nutri-Score, Serge Hercberg, épidémiologiste et professeur émérite de nutrition à l'Université Sorbonne Paris Nord, a reçu des menaces de mort. »

 

Et c'est sur ce terrain – les menaces de mort et insultes antisémites rapportées par une « enquête » de Mediapart, que se place le début de l'entretien :

 

« Je suis sidéré! En tant que médecin et scientifique qui travaille pour améliorer la santé de la population, je trouve cela terrifiant. Les arguments de nos détracteurs sont dramatiques : ils brandissent le "petit producteur de lait de brebis très peiné" pour déplorer la mauvaise note du roquefort, alors que 70 % de ce fromage est vendu par le groupe Lactalis. C'est de la récupération, une manipulation de l'effet terroir par les gros industriels, qui vise à décrédibiliser le Nutri-Score, pourtant soutenu par plus de 130 études scientifiques et adopté en France par 60 % du marché alimentaire. »

 

 

Un florilège d'arguments spécieux

 

C'est là, le début d'un florilège d'arguments spécieux : le sophisme de l'appel à la pitié ou la compassion ; le sophisme de l'appel à l'autorité, avec la grandeur d'âme du martyr en supplément ; le sophisme de l'homme de paille avec un appel à la dérision s'agissant des arguments des détracteurs ; et ce qu'on pourrait appeler la réductio ad Lactalis s'agissant du secteur laitier.

 

Rappelons aussi que les « 130 études scientifiques » proviennent majoritairement du cercle des concepteurs et promoteurs du Nutri-Score. Quant à l'adoption du système par le marché français, ce n'est pas – nécessairement – une preuve de pertinence du système. Ce serait plutôt une preuve de l'efficacité des pressions.

 

 

Pourquoi en font-ils tout un fromage ?

 

Le florilège continue avec « l'argument "fromage». Mais de quoi se plaignent-ils donc ?

 

« […] l'emmenthal, la mozzarella ou la ricotta bénéficient du nouveau mode de calcul, et passent de la lettre D à C. [...] »

 

Cela sonne comme une concession. Ou un su-sucre destiné à calmer les ardeurs revendicatives.

 

Autre piste :

 

« Ce n'est pas parce qu'un produit est "du terroir" qu'il est bon pour la santé. Et d'autres indicateurs que le Nutri-Score permettent de choisir parmi ces produits en comparant leur qualité, par exemple le fait qu'il s'agisse d'une AOP. »

 

Mais justement, il y a des opposants au Nutri-Score qui refusent la dévalorisation de leur AOP par le Nutri-Score. C'est ce que, dans le cas de l'Italie, les promoteurs du Nutri-Score appellent le « gastro-nationalisme »...

 

 

Mangez bio !

 

La journaliste rebondit :

 

« Justement, comment le consommateur peut-il s'en sortir dans la forêt de logos qui ornent les produits alimentaires?

 

Il faut savoir quelle information on cherche. Aucun logo nutritionnel dans le monde n'intègre de notion environnementale ou sur les pesticides par exemple. Car il n'est pas possible de les intégrer dans un même algorithme. Pour cela, il faut consulter les labels bios ou les calculateurs d'impact environnemental, qui, eux, ne prennent en revanche pas compte des qualités nutritionnelles... »

 

 

Le Nutri-Score plébiscité par la population ?

 

Ceux qui se plaignent des changements n'ont aucune raison de se plaindre, vu que

 

« Dès sa création, il était prévu que le Nutri-Score soit mis à jour selon les progrès de la science et l'évolution du marché. »

 

Selon la dernière question posée, le Nutri-Score serait plébiscité par la population.

 

C'est sans aucun doute ce que montrent des sondages dans lesquels il serait malvenu de ne pas apporter la réponse attendue. Qui répondrait « non » à la question : « Êtes-vous favorable à un affichage de la qualité nutritionnelle des produits sur la face avant des emballages ? » Un petit 7,3 % des personnes interrogées tout de même, selon les sondages de Santé Publique France en 2020 (un SPF en l'occurrence juge et partie).

 

 

(Source)

 

 

Mange-t-on mieux depuis l'instauration du Nutri-Score ?

 

C'est peut-être une sorte d'aveu d'impuissance et d'inefficience du Nutri-Score, un sursaut de réalisme, certes bémolisé :

 

« Non... Avec la perte des habitudes traditionnelles, les repas déstructurés, les grignotages favorisés par les snacks tout prêts, nous vivons dans un environnement nutrititionnel peu favorable à la santé. Mais les messages sont mieux perçus par la population, qui a développé une sensibilité au sujet. Une partie des consommateurs joue un rôle de surveillance important et est devenue un contre-pouvoir par rapport aux lobbies de l'agroalimentaire. C'est porteur d'espoir p l'avenir ! »

 

Et hop ! Revoilà les lobbies !

 

 

Post scriptum : la guerre des « score » est déclarée

 

 

(Source)

 

 

(Source)

 

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