Affaires Séralini c. … La fabrique du doute au tribunal ? La fabrique de la désinformation sur Politis
Les affaires Gilles-Éric Séralini c. Patrick Cohen, Olivier Lesgourgues (alias MacLessgy) et Géraldine Woessner sont une petite mine de bijoux. Même si les grands médias font preuve d'un silence assourdissant.
Après Reporterre, qui avait pris la précaution de s'entretenir avec le plaignant avant la confrontation au prétoire... et s'est abstenu de livrer un compte rendu des débats après, voici Politis. Sous la plume de Mme Rose-Amélie Bécel, il a produit « Pesticides : la fabrique du doute au tribunal ».
Écho sur Twitter, oups X ? Nul, ou presque.
(Source)
Le titre interroge déjà !
Non, il ne s'agit pas de pesticides. L'arrière-plan des affaires, c'est une étude ayant mis en cause le glyphosate – plus précisément une formulation de Roundup – et un maïs génétiquement modifié.
Non, ce n'était pas la fabrique du doute, mais la démonstration – devant convaincre les juges – que les propos tenus par les trois mis en cause ne dérogeaient pas au canons du Code Civil relatifs à l'honneur des personnes.
Politis écrit en chapô :
« Ce 1er septembre, les journalistes Patrick Cohen, Géraldine Woessner et Olivier Lesgourgues (Mac Lesggy) comparaissaient à Paris, accusés de diffamation par le biologiste Gilles-Éric Séralini, cible d’une campagne de décrédibilisation, qui s’est de nouveau illustrée au tribunal. »
Ah ! la « campagne de décrédibilisation » !
C'est la thèse ressassée par M. Gilles-Éric Séralini – voir notamment ce scandaleux Envoyé Spécial « Glyphosate, comment s'en sortir » qui a suscité les affaires et l'article de Reporterre – et par la nébuleuse anti-pesticides. Et, encore une fois, non, cette campagne imaginaire ne s'est pas « illustrée » au prétoire.
Pour le compte de mis en cause, trois témoins – MM. Jean-Christophe Pagès, ancien président du comité scientifique du Haut-Conseil des Biotechnologies, Marc Lavielle, un statisticien qui fut aussi membre du HCB, et Marcel Kuntz, directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique – ont exposé des faits susceptibles d'exonérer les mis en cause.
Par exemple, le fait que les illustrissimes photos de rats qu'on a laissé vivre jusqu'à ce que leurs tumeurs fussent suffisamment « photogéniques » ne comportaient pas de photo d'un rat témoin.
Nous ne reproduirons pas l'illustration ici. Politis a toute fois l'élégance et l'honnêteté de signaler qu'il s'agit de « fausses bouteilles de désherbant Roundup, exhibées devant le tribunal administratif de Rennes, le 22 août 2019, lors d'une manifestation ».
Une photo portant du reste une signature associée à l'Agence France Presse... une agence dont la mission est de fournir de l'information, pas d'alimenter la photothèque des activistes. C'est donc un Roundup de « Monsantue » qui « se répand partout dans l'espace public jusque dans vos cheveux et vos urines ».
Difficile de faire mieux pour montrer que l'on est dans le domaine de la propagande, de l'influence et de la désinformation.
Il a donc fallu planter le décor, en des termes qui s'alignent sur l'objectif de l'article. Sans entrer ici dans les détails – car il y a matière à critique – « ...l’histoire du biologiste illustre l’acharnement de l’industrie des pesticides à décrédibiliser les travaux qui ne servent pas leurs intérêts. »
On s'attend donc à voir un florilège de critiques. Mais non :
« Pour les trois prévenus et leurs avocats, l’emploi des termes accusés d’être diffamatoires se justifient notamment car l’EFSA – l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui évalue les substances actives contenues dans les pesticides en vue de leur autorisation par l’Union européenne – a rejeté les conclusions de l’étude de Séralini. Mais la vision de l’agence reste très partielle, comme l’explique François Veillerette, porte-parole de l’association Génération Futures ».
Air connu : l'EFSA se fonde, prétendument, sur les études « de l'industrie » et ignore les études « académiques ». C'est exprimé de manière un peu moins brutale : « Ce système d’évaluation favorise les études produites par les industriels, au détriment de celles des universitaires qui ont moins de budget. »
On est mort de rire, surtout quand on voit l'ampleur de la dernière évaluation du glyphosate, pourtant évoquée par Politis.
(Source)
On est mort de rire aussi quand on connaît l'ampleur des fonds mis à la disposition de l'équipe de M. Gilles-Éric Séralini par une association écran dominée par la grande distribution.
Incontournables, les « Monsanto Papers »... une belle entourloupe montée par des avocats prédateurs pour influencer les jurys américains et complaisamment reprise en France par nul autre que le Monde.
Mais Politis a une réponse :
« ...Mac Lesggy a d’ailleurs une réponse parfaite. "Les Monsanto Papers sont une construction d’avocats américains, ça a été prouvé", a-t-il expliqué aux juges, sans en dire davantage sur lesdites preuves. »
Eh bien, c'est simple : les pièces du dossier ont été mises en ligne par Baum Hedlund Aristei & Goldman.
Qu'en est-il du classement en « cancérogène probable » du glyphosate par le CIRC ? Pour Politis, ce n'est pas le CIRC, mais l'OMS... entourloupe connue.
Mais on plonge vite dans la sordide insinuation. La victime ? M. Marcel Kuntz :
« ...L’instance [le CIRC et non l'OMS] aurait été "captée par l’influence d’activistes" anti-pesticides, pour rendre sa décision. Le scientifique n’ignore lui-même rien des jeux d’influence qui persistent au sujet du glyphosate. Son nom est cité dans les Monsanto Papers en tant que membre d’un groupe de discussion privé nommé AgBioChatter, où scientifiques et représentants de la firme ont notamment échangé pour organiser une riposte médiatique à l’étude de Séralini. »
Désolé Marcel... t'est pas crédible pour Politis (et sans doute ses informateurs, car qui peut retrouver un torchon de l'US Right to Know, qui fut le relais médiatique des avocats prédateurs).
« Cette campagne de décrédibilisation aura beaucoup coûté à Gilles-Éric Séralini, qui en est à sa huitième poursuite pour diffamation et a pour le moment remporté tous ses procès. Ce 1er septembre, le biologiste paraissait affaibli devant le tribunal, évoquant de nombreux problèmes de santé. La décision des juges sera connue le 17 octobre prochain. »
Bref, c'est un peu short pour « la fabrique du doute au tribunal ».
Et même pour la fabrique du doute sur Politis. Mais il est vrai qu'il n'en faut pas beaucoup pour convaincre ses lecteurs.
Pensez-vous que Politis ait pensé citer les réquisitions du procureur ? Ben non... ça n'entre pas dans les objectifs de l'article.
Attendons donc le 17 octobre prochain, sachant que les juges ne sont pas liés par les réquisitions.