« Néonicotinoïdes: un sabotage peut en cacher un autre » de Mme Emmanuelle Ducros dans l'Opinion
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(Source)
Mme Emmanuelle Ducros a commis un « Néonicotinoïdes: un sabotage peut en cacher un autre » dans l'Opinion du 2 février 2021.
En résumé :
« La fin des néonicotinoïdes mettant en danger la filière sucrière française, des dérogations d’usages ont été consenties pendant trois ans. Mais l’application de ces dérogations menace maintenant le "plan protéines" et… les abeilles »
On était alors en attente des textes d'application de la loi qui permet, de manière dérogatoire pendant trois ans, d'utiliser des néonicotinoïdes en enrobage des semences de betteraves pour lutter contre la jaunisse (et contribuer à la survie de la filière sucre).
En fait, le gouvernement aurait déjà dû les publier pour ne pas mettre indûment la filière semencière sous pression. Mais comme cela touche l'environnement, il faut une consultation publique (rassurez-vous, ce genre de consultations n'est pas prévu pour, par exemple, les impôts...). Elle s'est close le 25 janvier 2021 et, c'est notoirement connu, on ne travaille pas les fins de semaines.
Et puis...
« Les néonicotinoïdes, bombe à fragmentation agricole ? Après avoir déstabilisé la filière sucre, c’est la filière protéines végétales qui tremble. Les décrets d’application de la dérogation d’usage de ces substances (NNI) en enrobage de semences sur les betteraves, qui pallieront pour trois ans l’absence de solution contre les pucerons, font l’objet d’un bras de fer entre les ministères de l’Ecologie et de l’Agriculture. Attendus ce lundi, les textes traînent. »
Le problème agronomique : le projet d'arrêté prévoit comme mesure de protection des pollinisateurs l'interdiction de cultiver des plantes attractives pour les pollinisateurs dans les deux années qui suivent la culture de la betterave.
Parmi elles, le colza :
« Or, le ministère de l’Ecologie souhaite interdire cette pratique [la culture du colza en N+2], qui menacerait les abeilles. "Le péril potentiel sur les pollinisateurs repose sur des bases scientifiques fragiles, ce que tout le monde reconnaît, note Arnaud Rousseau, président de la FOP. Mais surtout, les effets d’une telle décision entrent en confrontation avec la volonté politique d’améliorer la souveraineté française en protéines végétales, défendue par le Président de la République. Cela rend caduques les gros moyens déployés pour y parvenir dans le plan de relance, soit 100 millions d’euros."
Là, c'est donc un problème pour la profession agricole et pour les observateurs qui ont à la fois la fibre écologique (pas sur le mode politicien) et un cerveau câblé sur le mode rationnel. Est-ce bien raisonnable ?
On peut adhérer à ce raisonnement et ce point de vue dans l'absolu. Mais on devrait, à notre sens, faire preuve de réalisme.
(Source)
D'une part, le problème soulevé concernerait 20 % de la sole totale de betteraves (soit 80 ou 90.000 des 450.000 hectares de betteraves ou des quelque un million d'hectares de colza à l'heure actuelle).
D'autre part, et surtout, la solution actuellement sur la table est similaire à celle qui a été adoptée en Belgique. Il était difficile de proposer une réglementation « différente » sans susciter des vociférations.
L’objectif posé par le jupitérien Président de la République serait de réduire la dépendance de la France pour les protéines de 10 % en augmentant de 30 % en trois ans la sole française destinée aux cultures protéagineuses ou oléoprotéagineuses ?
La contrainte imposée aux producteurs de betterave n'est pas anodine dans ce contexte.
Mais la perte possible du phosmet, dernier insecticide utilisable sur le colza contre les coléoptères phytophages, et le durcissement envisagé des règles relatives aux traitements dans le cadre du « plan pollinisateurs » sont des menaces bien plus importantes.
Au final, tant que l'on n'aura pas arbitré entre l'écologie de l'incantation et l'écologie de la raison – au profit de la deuxième – nous n'aurons que la chienlit.
Et, guess what, devinez...
« Un des effets les plus paradoxaux de l’affaire ? Ses conséquences pour les pollinisateurs : des milliers d’hectares de nourriture pour les abeilles pourraient disparaître, alors même que le manque de surfaces fleuries dans les régions de grandes cultures est dénoncé par les apiculteurs. »
L'Arrêté du 5 février 2021 autorisant provisoirement l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam a été publié dans le Journal Officiel du 6 février 2021.
L'ordre des signatures est « curieux » dans la version électronique de Légifrance, l'ordre protocolaire n'étant pas respecté... Rappelons que l'importance attribuée à l'agriculture et l'alimentation dans le gouvernement français se mesure au fait que son ministre arrive en deuxième position... en commençant par la fin.
Au Journal Officiel, la présentation est comme suit :
La loi avait « créé un conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d'action identiques à ceux de ces substances. »
Trouver la composition de ce comité Théodule relève du jeu de piste. On trouve cependant un arrêté donnant les noms des heureux « élus » pour le compte de trois entités de la catégorie « associations, organismes et fondations susceptibles d'être désignés pour prendre part au débat sur l'environnement sur le fondement de l'article L. 141-3 du code de l'environnement »...
Nous avons nommé : Générations Futures, Agir pour l'Environnement, et la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme.
Des « ONG [qui] se réservent le droit de saisir le Conseil d’Etat afin de faire annuler une décision manifestement illégale au regard de l’article 53 du règlement (CE) n°1107/2009 », selon la petite entreprise Générations Futures.
Manifestement, elles sont prêtes à manger dans tous les rateliers, et ce n'est pas la rationalité – ou la notion de conflits d'intérêts si souvent agitée, mais quand il s'agit du « camp d'en face » – qui les étouffe.
Question subsidiaire : qui, au sein du gouvernement, a choisi de demander aux trois entités susvisées de proposer des noms ? N'était-on pas conscient du fait que ces gens contesteraient l'arrêté ? Était-ce volontaire de leur tendre la perche ?
La réponse paraît claire. Nous sommes dans un régime de république de connivence.