Comment gérer le stupide : partie 4/10 – Le manuel de l'activiste : comment le stupide ne cesse de gagner
Risk-monger*
Cette série sur comment gérer le stupide a jusqu'à présent défini le stupide comme un système d'idées autonome construit sur un paradigme erroné ; un système bien diffusé sur les réseaux sociaux dans un silo qui confirme facilement le biais qui peut enflammer ses adeptes d'une ferveur religieuse qui, dans le cas de l'écologisme, ajoute du sens et permet au système de croyances de se répandre. Si ce n'était que ça, il serait facile d'ignorer le stupide, de le laisser à ses fidèles et de passer à autres choses. Sauf que dans l'arène politique, le stupide continue de marquer des points dans le domaine de la réglementation, et que cela commence à coûter cher pour la sociétés en termes de pertes d'avantages, d'opportunités, de santé publique et, de plus en plus, de pertes de vies. Afin de comprendre comment le stupide ne cesse de gagner, nous devons examiner leur manuel de l'activiste, essayé et testé. Voici d'abord quelques exemples de succès du stupide en matière de réglementation, et pourquoi notre époque est en train de devenir connue comme l'Âge du stupide.
Source : http://alerte-environnement.fr/2015/03/25/mortalite-des-abeilles-propagande-et-realite/
L'Abeillecalypse : Les cas d'effondrement de colonies d'abeilles se sont produits il y a moins d'une décennie. Bien que ce ne fût pas la première fois que ce phénomène a eu lieu, c'était la première fois dans un monde mené par les réseaux sociaux et par des activistes bien financés qui ont vu une occasion de lancer des campagnes fondées sur la peur de l'extinction de toutes les abeilles (et, tout de suite après, de tous les êtres humains – en ressuscitant pour l'occasion Einstein avec une citation apocryphe). Ils ont pris un problème complexe, régi par de nombreux facteurs, et isolé un objectif de campagne simple : l'interdiction d'une classe populaire, sûre et efficace de pesticides appelés néonicotinoïdes. Les ONG se sont regroupées, montrant aux pauvres apiculteurs comment on peut être un bon lobbyiste et, avec un peu de militantisme malhonnête au sein de l'EFSA, réussir à faire mettre les néonicotinoïdes sous le coup d'une interdiction à titre de précaution pour deux ans. Le problème est que la science n'a pas apporté d'appui à la rhétorique de campagne. La propre recherche de l'UE a montré que là où les populations d'abeilles étaient en déclin (la plupart étaient en fait en croissance), cela était dû en grande partie à des hivers froids ou à une mauvaise gestion des ruches menant à une augmentation des infestations par des acariens. Deux ans plus tard, le directeur de la Commission européenne chargé de la santé des abeilles, Michael Flüh, et le Commissaire à la santé, Vytenis Andriukaitis, ont tous deux admis que l'interdiction des néonics n'avait rien à voir avec la sauvegarde des abeilles ; et il est probable que, à la suite de l'assaut des activistes prévu pour les prochains mois pour « sauver les abeilles », l'interdiction deviendra permanente et que les agriculteurs devront continuer à endurer de mauvaises récoltes avec des coûts plus élevés pour le consommateur, l'environnement et les abeilles. N'est-ce pas stupide ?
L'Endocrinaguédon : Cela fait maintenant plus de deux décennies que, se fondant sur une revue de la littérature douteuse et très contestée de 1992, une poignée de scientifiques militants nous annonce la fin de l'humanité en raison de l'infertilité et de la perturbation endocrinienne. Les ONG qui se sont jointes à l'incertitude ont choisi d'incriminer les produits chimiques et les pesticides, en ciblant et dénigrant certaines substances comme le bisphénol A et les phtalates, dans une guerre d'usure déjà vieille de vingt ans. La communauté scientifique a bénéficié d'une corne d'abondance, d'un financements généreux, étant donné les scénarios apocalyptiques dépeints par les activistes, mais aucune preuve crédible n'a été en mesure d'étayer les affirmations ; et, dans les cas où le contraire a été établi, les scientifiques activistes ont refusé de publier les données. Pourtant, la campagne se poursuit pesamment ; et maintenant, par la grâce d'une réglementation fondée sur le danger, et non le risque, tout pesticide dont on ne peut pas prouver qu'il n'est pas un perturbateur endocrinien sera retiré du marché, aussi faible soit la perturbation et aussi important soit le pesticide pour la protection des cultures. On trouvera le stupide partout dans ces décisions réglementaires, et c'est d'autant plus ridicule que nous consommons tant de perturbateurs endocriniens connus dans le soja, le houmous et le café – des aliments de base pour la foule de militants végétaliens.
Les énergies renouvelables à forte charge en carbone : Le festival de relations publiques de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de Paris a récemment pris fin sans qu'il y ait eu une mention de la promotion des énergies renouvelables comme l'éolien ou le solaire (en fait les parcs solaires pourraient bien être limités dans les années à venir – article 2.1(b) de l'annexe). Mais aujourd'hui, avec moins de 1% de l'énergie mondiale nécessaire produite par le vent et le solaire, l'idée de faire campagne pour un arrêt immédiat de toutes les autres formes de production d'énergie (combustibles fossiles, nucléaire, hydro-électricité, biocarburants) apparaîtrait à une personne dotée d'une capacité de réflexion moyenne comme, eh bien, plutôt stupide. Utiliser des sources d'énergie émettant moins de carbone comme le gaz naturel peut sembler une bonne idée, mais si cela implique la fracturation hydraulique, alors, une fois de plus, c'est : Non ! 100% d'énergies renouvelables, tout de suite !
À une époque de déclin économique, le plus important depuis les années 1930, les activistes exigent – et obtiennent – des subventions pour des énergies renouvelables qui causent d'énormes difficultés aux populations les plus pauvres (en Allemagne, le pays le plus riche de l'Europe, la promotion des énergies renouvelables et le rejet du nucléaire ont créé au cours des quatre dernières années une nouvelle classe au sein de la population, les pauvres en matière énergétique). Chaque remarque sur les faiblesses de cette stratégie du « 100% d'énergies renouvelables, tout de suite », a été accueillie avec des réponses remarquablement ridicules.
600.000 foyers sans électricité... et toujours plus...
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Puisque nous ne pouvons pas garantir l'approvisionnement avec les seules énergies renouvelables, les régulateurs devront concevoir un réseau intelligent et instaurer des prix variables selon l'offre. En d'autres termes, investir massivement dans un nouveau système de distribution non testé pour justifier une décision stupide.
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Pour répondre aux cas où le soleil ne brille pas et où le vent ne souffle pas (oh, juste un petit détail), il faudra financer la recherche dans de meilleures technologies de stockage par batteries (alerte stupide : nous devrons utiliser plus de ressources et d'énergie pour produire de grandes batteries industrielles plutôt que pour compléter la production d'énergie à partir de combustibles fossiles par des systèmes de captage et de stockage du carbone !).
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Nous produisons de grandes quantités de panneaux solaires sans avoir effectué aucune analyse du cycle de vie (ACV) du point de vue de l'empreinte carbone – en d'autres termes, étant donné la grande quantité d'énergie nécessaire pour produire ces panneaux avec la technologie actuelle, sommes-nous réellement si sûrs que nous ne produisons pas plus de CO2 (cumulatif) que nous allons en économise ? Seul le « stupide » peut permettre que cela se produise.
Ne vous méprenez pas – je suis tout pour les énergies renouvelables, mais pas maintenant. Peut-être que dans 50 ans, quand la technologie se sera développée. En attendant, les régulateurs qui poussent pour les énergies renouvelables agissent simplement de manière vraiment stupide.
Les activistes ont un manuel, (un « Playbook » – le recueil de stratégies, dans des sports d'équipe comme le football américain), que les consultants en environnement ont développé et largement diffusé au sein de la communauté militante afin d'assurer le succès des campagnes. Certains consultants, comme l'ancien directeur de Greenpeace Chris Rose, sont très francs quant à la façon de mener une campagne à bien et n'ont pas du tout honte des conséquences d'une telle diffusion du stupide. Ces consultants d'ONG ont développé et affiné un manuel : 12 étapes faciles, expérimentées et testées que tout activiste peut utiliser pour susciter des questions, lever des fonds, faire campagne et transformer un rêve en un mouvement.
Dans un monde mené par les réseaux sociaux, ce manuel a évolué et peut être adapté à toute idée, aussi stupide soit-elle, et à toute stratégie visant à changer le système, et ce, grâce aux 12 étapes clés suivantes :
1. La menace de l'Apocalypse : Identifiez une incertitude ou un risque qui peut être dépeint dans les proportions d'une Apocalypse que l'homme a provoquée et qu'il ne peut pas maîtriser. La peur de l'Apocalypse doit être concrète, visible et capable de provoquer une grande crainte, un sentiment de vulnérabilité personnelle et une anxiété partagée, et ce, pour des motifs variés : l'extinction totale de la vie sur notre planète (changement climatique) ; la mort lente, généralisée et douloureuse (fusion d'un réacteur nucléaire) ; une pandémie de cancers (pesticides) ; la perte radicale de la fertilité (perturbateurs endocriniens) ;les épidémies comme l'obésité (OGM, aliments transformés), l'autisme (OGM, vaccins), ou la mortalité des abeilles (OGM, pesticides) – tout ce qui va conduire à la l'extinction de l'espèce humaine. Une importante mise en garde du manuel : ne choisissez pas comme menace d'Apocalypse un risque portant sur un sujet que les gens aiment (les cancers dus aux téléphones portables, les problèmes de santé liés aux gaz d'échappement des voitures, le changement climatique dû à l'élevage ou la perturbation endocrinienne due au café) – vous ne serez en mesure, ni d'obtenir des dons, ni d'entretenir la panique publique.
2. La menace imminente : Assurez-vous que la menace affecte les humains (de préférence les plus vulnérables : les bébés et les femmes enceintes) et qu'elle est imminente. L'« imminence » doit être considérée dans un contexte en pleine évolution car les craintes doivent être entretenues pendant de longues périodes, pendant lesquelles les faits et les preuves démentiront souvent les scénarios apocalyptiques (ralentissement du réchauffement climatique, croissance des populations d'abeilles, amélioration de la numération des spermatozoïdes masculins, manque de résultats crédibles de la recherche dirigée contre les OGM...). Lorsque les fondations de votre paradigme de campagne sont illogiques (c'est-à-dire stupides), il faut parfois un certain temps pour défier avec succès les faits et la saine logique ; mais avec une bonne histoire chargée d'émotion et un alarmisme incessant à propos de la menace imminente, vous finirez par gagner (ou par dégoûter les gens raisonnables et les inciter à abandonner... c'est la même chose qu'une victoire).
Du bon docteur Mercola...
3. L'aptitude à produire une histoire : La menace de l'Apocalypse doit être « vendable », pouvoir être traduite en histoire avec des légions de victimes et d'éclopés prêts à raconter leur propre histoire – celle qui correspond à la stratégie de communication à long terme [ma note : un seul suffit, comme dans le cas de Percy Schmeiser]. Il est essentiel de vous en tenir à votre histoire et de préserver sa charge émotionnelle – ne vous laissez jamais entraîner dans un débat ou dans une obligation de répondre à d'autres histoires qui pourraient faire la lumière sur votre propre stupide. Les histoires doivent se traduire en une épopée de la lutte du Bien contre le Mal. Qui mieux qu'une femme enceinte est à même de faire campagne contre les produits chimiques ? Qu'un survivant du cancer contre les pesticides ? Qu'une maman exprimant ses craintes au sujet des OGM et des allergies ? Les chiffres, les doses et les faits ne comptent pas ; c'est : « l'histoire fait le poison ». À partir de ça, les journalistes de série B produisent des documentaires à sens unique, financés par la communauté activiste et partagés par elle ; des plateformes YouTube sont mises en place, se posent en sources d'informations ; et des armées de blogueurs et de militants, coordonnés et financés, se déploient pour marteler les messages sur les réseaux sociaux. Les scientifiques et les acteurs de l'industrie sont d'horribles bonimenteurs (ils ne peuvent que raconter des histoires horribles), tandis que les ONG tapent dans la liste A de Hollywood pour déclamer le script populiste : Leonardo DiCaprio ou Arnold, l'Homme qui Vaut Toute une Armée, surgissent à la COP-21, la conférence de Paris sur le climat ; Just-Label-It pousse sous les projecteurs chaque maman de Hollywood qu'ils peuvent débaucher pour attaquer les OGM (sortez vos mouchoirs...) ; et pour ce qui est de Jenny McCarthy et des vaccins, eh bien, je souhaite que quelqu'un trouve le moyen de la faire taire avant que le nombre de morts ne commence à croître. Qui a besoin de preuves lorsque des individus à l'air respectable, dignes de confiance (et élégants) racontent des histoires à faire pleurer dans les chaumières ?
4. Les solutions YAKA : L'élimination de la menace ne doit pas être associée à une perte ou un sacrifice ; les solutions doivent être simples et faire que les individus se sentent bien (la précaution est facile, les récompenses ne doivent pas être complexes). Nous pouvons avoir 100% d'énergie renouvelable demain, sans aucun problème ; nous pouvons nourrir la population croissante sans pesticides si nous nous arrêtons tout simplement de gaspiller la nourriture ; nous pouvons garder nos voitures (électriques), laisser les lumières allumées (grâce à l'énergie verte) et nourrir le monde avec nos jardins sur les toits et des balconnières de légumes – c'est tellement facile, indolore et intelligent. Les activistes qui suivent le manuel savent que leurs campagnes ne réussiront pas si elles nécessitent un changement de mode de vie ou un sacrifice... alors, ils mentent.
5. Des campagnes à fragmentation : Diversifiez la menace de l'Harmaguédon (couplage de problèmes). Une campagne suscite un plus grand sentiment d'urgence si la menace est la cause de nombreuses crises perçues. Ainsi, les produits chimiques ne perturbent pas seulement le système endocrinien mais provoquent l'infertilité et le cancer, et sont aussi la cause de l'épidémie d'obésité ; le changement climatique est responsable du conflit syrien et de la crise des réfugiés ; et si les abeilles ne vont pas très bien, impliquez : les pesticides, les OGM, les pratiques agricoles intensives, la perte de biodiversité, les vapeurs de diesel et le changement climatique (mais ignorez la recherche sur le varroa ou les champs électromagnétiques). Tout bon activiste sait aussi que si vous créez un consortium d'ONG parlant d'une seule voix, les gens rationnels vont tout simplement abandonner. À Bruxelles, nous avons le Green 10 et un étrange incubateur de campagnes militantes appelé Mundo-B pour créer des consortiums pour les campagnes de peur.
6. Notre avenir à tous : Jouez la vision partagée d'un avenir meilleur et la nécessité de changer nos mauvaises habitudes. Les activistes aiment se faire appeler des agents du changement pour un monde meilleur pour nos enfants, sans pollution, sans produits chimiques, sans cancers et sans industrie. Qui ne pourrait pas aimer une telle vision utopique (sauf peut-être ceux qui voudraient des progrès, des emplois, de la nourriture, des avancées médicales et une économie stable). Afin d'atteindre cet avenir commun, nous devons rompre avec le passé destructeur : l'industrie, le capitalisme, la science... ouste ! Un sous-objectif est de diaboliser l'industrie et la science pour réduire les avantages qu'elles procurent. Il faut assurer le succès de la révolution. Les activistes savent que les gens vont faire un don à ceux qui luttent pour un idéal que nous partageons tous.
7. Une révolution qui vaut la peine : Inscrivez la menace dans un « eux contre nous ». Les activistes mènent une guerre contre big business, les dirigeants corrompus et un système capitaliste en panne. Ceux qui s'opposent à « nous » doivent être dépeints comme étant du mauvais côté de l'Histoire ; c'est « nous » qui ouvrons la voie vers l'avenir : the Third Industrial Révolution, une troisième révolution industrielle, sans capitalisme. Les réseaux sociaux donnent à cette absurdité un semblant de crédibilité et, comme la cinquième partie de cette série sur le stupide le montrera, l'utilisation correcte de la communauté de vision (la perception fabriquée que nous sommes tous d'accord), la rendra suffisamment acceptable pour que les activistes puissent présenter un argument convaincant. Si « nous sommes tous d'accord que la menace à laquelle nous faisons face est inacceptable, et que seul un idiot ou un vendu est capable de la soutenir », alors la prochaine étape, changer radicalement le système, semble faire sens. Le stupide trouve une mission !
Source : Twitter. Et dire que la bien-pensance s'aplatit devant de telles platitudes !
8. La promotion des chercheurs militants : Identifiez et mobilisez (stimulez) les scientifiques de la périphérie et amplifiez la dissidence et le doute tout en discréditant la science traditionnelle (attaquez son financement, sa motivation et ses liens avec l'industrie si vous ne pouvez pas l'interroger sur sa production). La communauté activiste promeut les charlatans et les fous comme Nassim Taleb, Andreas Kortenkamp, les individus dont on n'écrira pas le nom, tout en diabolisant les scientifiques rationnels comme Kevin Folta et Bill Nye. Ceux qui ont un petit bagage scientifique comme Vandana Shiva ou Naomi Oreskes sont élevés à la dignité de sages, tandis que ceux qui les critiquent sont des sceptiques, voire des vendus. Le manuel de l'activiste exige que nous faisions le chargé de relations publiques de ces experts, que nous financions les chercheurs militants comme Charles Benbrook et Dave Goulson et que nous nous fassions l'écho avec force décibels de leurs conclusions louches comme motifs pour un changement révolutionnaire. Le jeu est simple : trouvez un chercheur qui dit qu'il y a des choses que nous devons encore étudier, à partir de là concluez qu'il n'y a pas de certitude, et invoquez ensuite le principe de précaution pour un jeu sans fin de : « Eh bien, ce n'est pas encore assez pour me convaincre ». L'objectif clé est de faire admettre vos chercheurs militants dans les comités chargés de contribuer à la réglementation (et de faire virer les scientifiques de l'industrie) – comme on l'a récemment vu à l'EFSA et au CIRC sur des questions de pesticides – de sorte que votre avis devienne le seul digne de considération (donc moins stupide).
Charles Benbrook, financé par le secteur états-unien du bio...
9. Le truquage du jeu réglementaire : Les activistes doivent trouver des points faibles dans la structure de la réglementation afin d'y implanter les racines durables de leurs campagnes. Le militant des Amis de la Terre David Gee a trouvé le moyen d'institutionnaliser le principe de précaution (interprété avec une dose de mauvaise foi comme un renversement de la charge de la preuve) et d'en faire un moyen de rendre impossible pour l'industrie la défense des produits chimiques et phytosanitaires dans un tel processus réglementaire truqué. Ajoutez à cela la mise à l'écart des experts et des lobbyistes de l'industrie du processus consultatif sur la politique, et le stupide commence à avoir une assez bonne chance de gagner.
10. L'attaque du zèbre le plus lent : Après des années d'attaques infructueuses contre les industries polluantes, les activistes ont eu de meilleurs résultats en attaquant les points sensibles de la chaîne d'approvisionnement (généralement au niveau des consommateurs), en ciblant le zèbre le plus lent (la société ou la marque la plus susceptible de céder aux exigences des activistes) avec des campagnes incessantes qui massacrent leur image et la confiance des consommateurs. Greenpeace Detox (Nike, Adidas, Zara, Benetton...), l'huile de palme durable (P & G, Unilever, Nestlé, Mattel...) et l'électronique verte (Samsung, Lenovo, Philips...), toutes ces campagnes ont été déployées au niveau du consommateur ou de la marque pour aboutir. Ceux qui se plient à vos exigences sont déclarés champions, ce qui met la pression sur le zèbre le plus lent suivant jusqu'à ce que l'ONG soit rassasiée (une situation rare). Récemment les ONG ont découvert que les campagnes visant les actionnaires produisent également des victoires faciles. La campagne de Greenpeace « Green my Apple » n'allait nulle part pendant des années jusqu'à ce qu'ils se soient attaqués aux actionnaires d'Apple et aux membres du conseil d'administration comme Al Gore. Aujourd'hui, la campagne « Guardians Keep it in the Ground » (les gardiens le gardent dans le sol) contre les carburants fossiles s'en prend à des investisseurs bien connus comme Bill Gates, sur la base de l'hypothèse qu'il est vulnérable aux jeux moralisateurs de la honte.
11. La construction de réseaux de confiance : Point n'est besoin d'argent pour faire aboutir des campagnes, ni de preuves, de faits ou de la réalité. Ce qui importe pour gagner est la relation de confiance émotionnelle construite entre les individus unis par une familiarité, une parenté ou une vulnérabilité partagée. Comme on l'a vu dans la deuxième partie de cette série sur le stupide, les activistes construisent un réseau de « mamans blogueuses » et de gourous de réseaux sociaux pour étendre le « mouvement » et se présenter comme une force respectée qui permet aux individus apeurés de regagner confiance. Une tâche importante selon le manuel de l'activiste est de susciter le doute sur l'industrie et les organismes de réglementation dissidents comme un moyen de saper la confiance du public en eux – nous ne voulons tout de même pas que quoi que nos adversaires puissent dire, ni aucune preuve qu'ils puissent présenter, soit crédible !
12. Déclarer la victoire et avancer : La chose la plus importante qu'un activiste doit faire, selon le manuel, est de célébrer des victoires (personne ne fait un don à un perdant) et de les inscrire dans le contexte des étapes suivantes de la bataille en cours. De nombreuses ONG ont des pages sur leurs sites Web qu'elles consacrent à « Nos victoires » ou « Histoire et succès ». Cela fait partie de la stratégie du « plan d'ensemble », pour montrer qu'une campagne réalise progressivement les objectifs d'un monde meilleur. Si vous atteignez des objectifs, alors vous établissez de nouveaux objectifs car sinon (en tant que fondateur de Greenpeace, Patrick Moore, l'a bien expliqué), vous perdez votre raison d'être. Pour illustrer le manuel en action, rien de mieux que de voir comment les ONG ont célébré l'Accord de Paris sur le Climat. L'accord est pratiquement vide, mais toutes les ONG qui avaient engagé leur réputation ont dansé dans les rues. Vous pouvez leur dire que leur victoire est une illusion, que cet accord est un couac ; vous pouvez le présenter comme un canard... vous pouvez cancaner... qui se souciera si ce canard ne volera jamais, seuls vos « amis » diront que c'est un canard.
Toute personne qui suit ces 12 règles du manuel de l'activiste devrait réussir, quelle que soit la stupidité de l'enjeu de sa campagne. Si vous êtes suffisamment rusé, alors être stupide n'est pas un obstacle.
Le manuel de l'activiste a été élaboré sur la base de décennies d'expérience de campagnes sur les produits chimiques, les OGM, l'énergie nucléaire, les abeilles, les pesticides, les plastiques, l'huile de palme, les perturbateurs endocriniens, les combustibles fossiles et, bien sûr, le changement climatique. Tous ces sujets cadrent bien avec le mélange de vulnérabilité, d'incertitude, de crainte de l'Apocalypse et de nécessité d'un avenir meilleur et plus durable. Tout simplement, le stupide réussit lorsque nous pensons qu'il y a des alternatives, de sorte qu'avoir tort sur l'élimination de ces produits ne sera pas vraiment grave.
Le manuel n'a pas bien fonctionné, et n'est même pas appliqué, dans les campagnes contre les champs électromagnétiques, les téléphones portables, les gaz d'échappement des voitures, les produits chimiques dans le café, la pollution de l'air, les produits pharmaceutiques, le travail des enfants, les substances cancérigènes dans la viande rouge, le mercure dans les ampoules. Toutes ces questions ont des profils de risque similaires, voire plus importants, à ceux des questions auxquelles le manuel a été appliqué avec succès, mais elles ne parviennent pas à attirer l'attention parce que les avantages sont trop importants, que les menaces ne sont pas visibles ou omniprésentes, qu'il n'y a aucun financement pour une campagne soutenue ou pas d'intérêt public pour un changement. Tout simplement, le stupide n'a aucune chance ici parce que les activistes réclameraient des sacrifices au public.
Est-ce hypocrite ? Bien sûr ! Je dénonce régulièrement l'hypocrisie des ONG, mais c'est sans effet (voir les règles 3, 4, 8 et 9 du manuel). Le meilleur exemple de mise en application différenciée du manuel porte sur le CIRC : en l'espace de six mois, celui-ci a fait deux déclarations de mise en garde contre des substances cancérigènes, le glyphosate et la viande rouge. Le manuel a été ouvert pour le glyphosate, mais est resté fermé pour la viande rouge. La production de viande rouge (le secteur de l'élevage) est pourtant aussi une importante source d'émissions de gaz à effet de serre – on pourrait penser que quelqu'un l'aurait mentionné lors de la conférence sur le climat, la COP-21, à Paris ! Cette hypocrisie et la complicité de la communauté des ONG sur les émissions de l'élevage ont été mises en évidence dans le film « Cowspiracy ».
Le manuel de l'activiste est un outil pour mener des campagnes à bien, pas pour se comporter de façon responsable et éthique, ou pour changer le monde pour le mieux. C'est, tout simplement, un outil pour permettre au stupide de réussir.
Non ! Et, franchement, l'industrie a toujours cafouillé dans ses réactions aux tours passe-passe de ceux qui mettent le manuel de l'activiste en œuvre. Il n'est même pas certain que les acteurs de l'industrie connaissent l'existence du manuel (les consultants de l'industrie ne remplissent certainement pas leur agenda en s'attaquant aux grands défis pris dans leur ensemble – cela ruinerait leur projet commercial !). Lorsque les activistes se concentrent sur un zèbre lent, et commencent à appliquer le manuel, l'industrie ne peut guère faire plus qu'essayer de retarder le processus et d'obtenir encore quelques bonnes années de vente de leur produit ciblé avant qu'il ne soit retiré du marché. Comment cela peut-il être une stratégie à long terme ?
La série « Comment gérer le stupide » se propose de trouver un moyen pour l'industrie, la science et les gouvernements de répondre au manuel de l'activiste. Comprendre ce que le stupide fait et comment il réussit est la première étape du processus. La prochaine étape est d'analyser comment la communauté de vision est utilisée pour embrouiller les gens rationnels et faire que le stupide semble « moins stupide ».
2. Les réseaux sociaux : où le stupide apprend à voler
3. La nouvelle religion : les éco-intégristes et leur biais du naturel
4. Le manuel de l'activiste : comprendre comment le stupide peut être astucieux
5. Un point commun : mettre fin au dialogue et à l'engagement
6. Le dénormalisation de l'industrie : le défi de l'idéalisme éco-topique
7. La science post-normale : inviter le stupide à la table de la politique
8. Coup de pouce : les dangers d'une architecture de choix moralisatrice
9. Les passivistes : réveiller la majorité non impliquée
10. Comment gérer le stupide
Auteur : David Zaruk
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* David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur la page Facebook de Risk-Monger :
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