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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Riz Doré : une Greenpeace honteuse

25 Mai 2023 Publié dans #Risk-monger, #Greenpeace, #Riz Doré

Riz Doré : une Greenpeace honteuse

 

David Zaruk (Risk-monger)*

 

 

 

 

Le 18 avril 2023, Greenpeace a gagné un procès devant la Cour Suprême des Philippines et fait suspendre la vente et la production du riz doré et d'une aubergine modifiée récemment autorisés. Mais au lieu des célébrations habituelles où l'ONG se réjouit auprès de ses donateurs et de ses partisans d'une nouvelle grande victoire, pendant quatre jours, les sites web et les comptes de réseaux sociaux de Greenpeace n'ont pas du tout mentionné cet événement. Il s'agit là d'un point plus curieux que n'importe quelle victoire juridique dans un système judiciaire corrompu.

 

Après des décennies de lutte contre la commercialisation du riz doré (une céréale enrichie en bêta-carotène), Greenpeace a été jugée insensible aux personnes souffrant de malnutrition dans les pays en développement et exposées au risque de carence en vitamine A, une maladie qui tue des millions de personnes et rend aveugles jusqu'à 500.000 enfants par an (source : Johns Hopkins). Ils ont également fait campagne contre l'autorisation d'une aubergine (brinjal Bt) qui permet aux petits exploitants de ne plus avoir à appliquer régulièrement des pesticides pour lutter contre le foreur des fruits et des tiges du brinjal. Cette technologie a permis d'améliorer les conditions de travail des agriculteurs et d'accroître la disponibilité des légumes de base dans des régions pauvres du monde en développement. Ces deux innovations, qui ont permis de sauver des vies et de renforcer l'autonomie, sont allées à l'encontre de l'orthodoxie anti-technologique de Greenpeace qui, depuis plus de vingt ans, tente sans relâche d'en bloquer le développement.

 

Greenpeace est parfaitement consciente de l'injustice sociale de ces campagnes, de l'image qu'elles donnent de l'organisation, à savoir une alliance cosmopolite de l'élite occidentale qui tente d'imposer ses valeurs permises par l'abondance aux plus pauvres et aux plus vulnérables des pays en développement, et de l'absence de fondement factuel de sa campagne de lutte contre les biotechnologies fondée sur la peur. Des années de critiques constantes au plus haut niveau (y compris une lettre signée par 160 lauréats du prix Nobel assimilant leur campagne contre le riz doré à des crimes contre l'humanité) ont clairement fait comprendre à Greenpeace que ses actions contre le riz doré et le brinjal Bt étaient destructrices et malvenues.

 

Cette victoire vide de sens devant la Cour Suprême des Philippines ne pouvait qu'être considérée comme une tache sur les références de Greenpeace en matière de justice sociale et contribue à expliquer pourquoi l'organisation était, à juste titre, trop embarrassée pour reconnaître publiquement ses actions épouvantables contre les populations les plus fragiles et les plus précaires de l'humanité. Ils sont donc restés silencieux et ont prétendu qu'une telle initiative visant à interférer avec la lutte de l'homme contre la pauvreté et la malnutrition n'était pas de leur fait.

 

Si Greenpeace avait tellement honte d'avoir gagné devant la Cour Suprême des Philippines, alors pourquoi avoir poursuivi cette affaire en premier lieu ?

 

 

La nature de la bête ?

 

La réaction typique du « Risk-monger » serait la suivante : « Eh bien, ce sont des fanatiques éco-religieux. Ils se fichent éperdument des conséquences de leurs actions bornées sur la santé humaine et l'environnement. Pour ces horribles fondamentalistes dogmatiques, il s'agit avant tout de gagner ». Mais gagner en imposant une culture coloniale et élitiste aux populations les plus vulnérables du monde, principalement aux enfants, est un crime contre l'humanité trop odieux, même pour cette bête monstrueuse. Il doit y avoir autre chose.

 

Greenpeace compte autant de factions internes que le parti républicain américain et il devient pratiquement impossible pour l'ONG de maintenir le cap avec un message commun. Les bons éléments engagés dans le développement durable sont frustrés et s'en vont ; ceux qui ne le sont pas perdent leur idéalisme et laissent le cynisme prendre le dessus. Mais les campagnes militantes n'aboutissent que lorsqu'il existe une solution simple et commune ; un message clair, communiqué universellement, est donc essentiel. C'est ainsi qu'ils tentent d'étouffer les dissensions et les désaccords qui existent au sein de l'organisation.

 

Greenpeace n'a eu d'autre choix que de contester les récentes autorisations de biotechnologies aux Philippines pour apaiser son aile interne qui milite contre les OGM. Mais en même temps, ils ont choisi de ne pas communiquer sur cette « victoire » pour éviter d'irriter leurs factions de justice sociale et de développement. Une célébration similaire a eu lieu en Allemagne il y a quelques semaines, lorsque les trois derniers réacteurs nucléaires ont été fermés (au milieu d'une crise énergétique entraînant une augmentation de l'appauvrissement énergétique et une expansion des centrales électriques au charbon).

 

Mais les ONG ne pourraient-elles pas simplement dire à leurs militants zélotes d'aller se faire voir ailleurs ? C'est ce qu'elle a fait une fois, et la Sea Shepherd Conservation Society est née et a été amenée à cannibaliser la question de la chasse à la baleine et à délégitimer le rôle que Greenpeace tentait d'assumer dans le débat plus large sur la pêche. Selon Roger Hallam, Extinction Rebellion est essentiellement née de l'inaction et de l'inefficacité des ONG existantes dans le domaine du climat. Dans le débat sur les biotechnologies, il y a tellement de militants anti-entreprises prêts à agir (et une abondance de financement de l'industrie américaine du contentieux de la responsabilité civile), que tout retour en arrière de Greenpeace créerait une occasion de schisme et de perte d'influence pour l'ONG dans le jeu lucratif de l'anti-agritechnologie.

 

Greenpeace n'a donc d'autre choix que de présenter un front commun, d'apaiser ses militants (comme dans l'affaire du riz doré et du brinjal Bt qu'elle a portée devant la Cour Suprême des Philippines), tandis que l'organisation pourrit progressivement de l'intérieur, perdant de plus en plus de bons éléments et créant une culture interne de cynisme.

 

D'autres groupes d'activistes ne devraient-ils pas s'exprimer et secouer Greenpeace ? Les ONG ne sont jamais publiquement en désaccord avec d'autres ONG, même si les actions d'une organisation sont odieuses ou contraires à l'éthique. Si la plupart d'entre elles n'ont pas de code de conduite éthique, elles partagent une sorte de « Bro code » selon lequel elles ne parlent jamais en mal des autres ONG. Ainsi, lorsque des groupes comme Extinction Rebellion perturbaient les services de bus publics ou utilisaient des enfants dans leurs campagnes, tout le monde restait silencieux. Lorsque des scientifiques activistes recevaient secrètement de l'argent de cabinets d'avocats américains pour faire campagne contre le glyphosate, les activistes étaient assis à côté d'eux au Parlement Européen et évitaient de les regarder dans les yeux. Lorsqu'un gourou populaire incendiaire a assimilé l'utilisation des OGM à un viol, aucune ONG ne s'est exprimée. Lorsque Greenpeace a obtenu que les agriculteurs cessent de cultiver le brinjal Bt et le riz doré, les activistes sont restés silencieux, comme toutes les autres ONG. C'est le code.

 

 

Un navire en perdition, sans leader et sans gouvernail

 

Le fait que Greenpeace n'ait plus de leader efficace depuis plus d'un an, depuis que Jennifer Morgan a accepté le rôle de tsarine du climat pour le gouvernement allemand sans avoir techniquement démissionné de son poste (comme elle l'a dit à Bloomberg pendant la COP27, elle est maintenant dans une position plus forte pour faire valoir leur position dans le débat sur le climat), n'arrange pas les choses. Ainsi, avec sa directrice exécutive de facto qui parcourt le monde en tant que diplomate climatique mondiale pour l'Allemagne, Greenpeace se consume lentement de l'intérieur. Ce n'est que maintenant qu'elle reconnaît ce problème et, hier encore, elle a enfin décidé de commencer à recruter un nouveau dirigeant. (Peut-être que le « Risk-monger » devrait faire acte de candidature.)

 

Bien que l'image de Greenpeace soit mondiale, l'organisation fonctionne avec un bureau international léger à Amsterdam et quelques organisations nationales fortes qui luttent pour l'influence et le financement sur une grande variété de questions dans des arènes politiques très différentes. Pour ajouter au « halo-halo » [un dessert populaire des Philippines, un mélange de glace pilée et de lait concentré auxquels on ajoute divers ingrédients], le groupe est composé d'un curieux mélange de personnalités locales fortes qui ont leur propre façon de faire (comme la « Stuffy » Annie Leonard de Greenpeace USA) et qui n'ont pas forcément envie d'écouter les autres ou de laisser les « corporates », les dirigeants internationaux, piétiner leurs plate-bandes.

 

 

 

 

Les questions environnementales étant locales, cette grande diversité d'intérêts, de fonds, de personnalités et de questions politiques affaiblit encore davantage le noyau central. J'ai eu un jour un débat public avec l'ancienne responsable de la communication de Greenpeace International, qui ne pouvait contenir sa frustration face à l'insistance du groupe à mener la campagne « Sauvez l'Arctique ».

 

Pour ne rien arranger, l'ONG est en faillite (non seulement sur le plan moral, mais aussi sur le plan financier), si l'on en croit les calculs. Sa structure d'adhésion et de donation a été construite avant l'arrivée d'Internet et les coûts de collecte de fonds représentent l'équivalent de deux tiers de chaque euro dépensé pour une campagne. Ils ont complètement raté l'approche des micro-dons et du crowdfunding des organisations de réseaux sociaux qui génèrent la plupart de l'engagement des activistes en ligne et de la rhétorique de campagne activiste.

 

À moins qu'ils ne fonctionnent comme les cadres d'une fonction publique, les directeurs de Greenpeace à Amsterdam doivent être moralement épuisés.

 

 

Il est temps de faire le ménage

 

Si une organisation a honte de ses actions, qu'elle est empreinte de cynisme, qu'elle est financièrement instable et qu'elle perd ses talents, il est temps de la restructurer. Greenpeace devra donc nommer un nouveau directeur exécutif à temps plein, capable de renforcer le centre et d'imposer des changements aux organisations nationales les plus rusées. La situation sera délicate (mais pas aussi grave que le gâchis laissé par Kumi Naidoo). Sur le plan financier, ils doivent couler leur flotte restante. Le monde a changé et ces dinosaures engloutissent bien plus que toutes les ressources affectées à leurs campagnes réunies.

 

L'ONG a perdu des membres et de la crédibilité en raison de ses positions intransigeantes et anti-scientifiques sur l'énergie nucléaire et la biotechnologie. Ces deux campagnes devraient être abandonnées. Libérez les militants pour qu'ils lancent leurs propres campagnes sous l'égide d'autres nouvelles organisations et profitez-en pour éliminer les fanatiques. L'humilité faciliterait le processus de réorganisation et des excuses publiques permettraient peut-être d'améliorer la situation.

 

Greenpeace devra reconnaître la réalité. Un récent document interne émanant d'un groupe d'activistes allemands anti-biotechnologie (aussi militants qu'ils puissent l'être) a reconnu qu'ils ne pouvaient pas gagner contre les données scientifiques claires sur l'édition des gènes des plantes. Ces ONG ont admis qu'au cours des trois dernières décennies, elles ont fouetté un cheval mort, que le public ne croit pas à leurs arguments et qu'elles doivent recadrer le récit. Si ces militants sont capables de changer radicalement de cap, cela devrait être une raison suffisante pour que Greenpeace entreprenne un « épouillage » interne de ses militants.

 

Greenpeace ne peut pas continuer à être perçue comme une entreprise qui se moque éperdument des plus vulnérables de la planète, avec des politiques étroites et élitistes qui exposent ces populations à des maladies mortelles, à une pauvreté et à une malnutrition persistantes. S'ils sont trop honteux pour admettre publiquement ce qu'ils ont fait aux agriculteurs et aux communautés pauvres des Philippines, ils doivent faire face à leur faillite morale. Ils doivent soit changer leur façon de faire, soit se préparer à une plus grande indignation de l'opinion publique et à de nouveaux départs de personnel.

 

L'immobilisme par la honte, c'est la posture des lâches.

 

________________

 

David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur Twitter ou la page Facebook de Risk-monger.

 

Source : An Ashamed Greenpeace – The Risk-Monger

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F
Consternant. J'espère que les Philippins trouveront une voie judiciaire ou législative pour sortir de cette impasse.
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J
le tribunal a 10 jours pour répondre... réponse la semaine prochaine donc
T
Ce que fait Green peace est lamentable, mais dans ce cas le tribunal est encore plus fautif car il agit contre son propre peuple
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J
Dura lex sed lex...