La bien-pensance alimentaire fait-elle bon ménage avec la bien-pensance environnementale ?
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Nous l'avons trouvée – l'étude – grâce à : « Les régimes végétariens et “sains” sont nocifs pour l’environnement », un titre qui ne fait pas spécialement dans la dentelle !
Petite digression nécessaire : en ces temps où la Guerre des étoiles est à l'affiche, il est opportun de comparer l'Internet à la ville de Mos Eisley, mais avec beaucoup de Cantinas de Chalmun (le tripot dans lequel Obi-Wan Kenobi et Luke Skywalker rencontrent Yan Solo et Chewbacca).
Le site Houssenia Writing emploie une auteure qui n'est pas rebutée par la reprise partielle sous forme de traduction approximative et « arrangée » d'un article publié dans Nature. Ni par le bidouillage, infâme, de citations. Mais, comme il est dit fort à propos dans l'« À propos » :
« Le site Actualités Houssenia Writing est un site d’actualité sur les domaines de la technologie, de la science, de la santé, de l’international et de l’actualité locale de Madagascar.
Nous essayons de nous différencier des autres sites en proposant un contenu qui sort souvent des sentiers battus en donnant une liberté totale à nos rédacteurs et rédactrices. Cela peut produire des articles parfois colorés et même cinglants, mais c’est un choix que nous assumons. »
Une liberté totale, en effet... Dans le cas présent, l'article de Housseniawriting – qui se prétend « agence de médias » – ressemble furieusement à un communiqué de presse de la Carnegie Mellon University. Il eût été honnête et respectueux du lecteur de citer la source. À part cela, il n'y a pas de quoi récriminer à propos du pompage : le communiqué de presse était sans nul doute destiné à être reproduit, même approximativement, et à subir les tortures du 以訛傳訛 (yǐ é chuán é) (« L'erreur grossit en se transmettant de bouche en bouche », autrement dit du « jeu du téléphone arabe ».
Application pratique : « Vegetarian and “Healthy” Diets Could Be More Harmful to the Environment » devient : « Les régimes végétariens et “sains” sont nocifs pour l’environnement » (c'est nous qui graissons).
Et le premier titre est déjà – on a envie d'écrire : comme d'hab' – une surinterprétation de l'article, qui ne traite pas spécialement du végétarisme. En fait, dans la discussion, les auteurs ont fourni plusieurs références d'articles selon lesquels le végétarisme serait moins impactant !
« Energy use, blue water footprint, and greenhouse gas emissions for current food consumption patterns and dietary recommendations in the US » (utilisation d'énergie, empreinte hydrique et émissions de gaz à effet de serre pour les modes de consommation alimentaire actuels et les recommandations alimentaires aux États-Unis), de Michelle S. Tom, Paul S. Fischbeck et Chris T. Hendrickson, est publié dans Environment Systems and Decisions, ci-devant The Environmentalist. Et c'est derrière un péage.
Nous avons trouvé un texte complet mis en ligne ici.
Selon le résumé, les auteurs ont examiné l'impact de trois scénarios alimentaires :
Scénario 1. Une réduction de l'apport calorique pour atteindre un poids « normal » sans changement de la composition du régime alimentaire.
Scénario 2. L'adoption de la composition du régime alimentaire préconisé par l'USDA, sans réduction de l'apport calorique.
Scénario 3. La réduction de l'apport calorique et l'adoption de la composition du régime alimentaire préconisé par l'USDA.
Évolution de la prise calorique dans les trois scénarios (par exemple, dans le scénario 2, en orange, les sucres ajoutés diminuent de plus de 400 calories, et les produits laitiers augmentent de 300 calories)
Les conclusions de l'étude sont les suivantes :
Scénario 1 : diminution de la consommation d'énergie, de l'empreinte hydrique et des émissions de gaz à effet de serre de l'ordre de 9 % (le résumé ne précise pas comment ils ont produit ce chiffre synthétique ; mais on peut penser qu'ils ont, pour l'essentiel, réduit linéairement tous les apports caloriques).
Scénario 2 : consommation d'énergie : + 43% ; empreinte hydrique : + 16 % ; émissions de GES : + 11%.
Scénario 3 : consommation d'énergie : + 38% ; empreinte hydrique : + 10 % ; émissions de GES : + 6%.
Les "impacts" des différentes catégories d'aliments. L'indice 100 correspond à l' "impact" maximum par calorie. Ainsi, la calorie la plus "chère" en énergie est fournie par les fruits et jus de fruits.
Les auteurs expliquent que :
« ...ces résultats peut-être contre-intuitifs sont principalement dus aux recommandations de l'USDA en faveur d'un plus grand apport calorique provenant des fruits, des légumes, des produits laitiers et des fruits de mer et poissons, qui se caractérisent par une utilisation de ressources et des émissions relativement élevées par calorie. »
Traduisons cela en termes clairs : une alimentation « plus saine », telle que préconisée aux États-Unis d'Amérique, peut être plus « impactante » que celle qui a cours. En résumé aussi, remplacer la viande par des produits laitiers n'est pas « avantageux », et certains fruits et légumes ne sont pas « écologiques ».
Mais changez les hypothèses, et vous obtenez des résultats différents. C'est ce qu'expose en particulier une analyse fort pertinente sur un blog hébergé par Nature. Une analyse qui cite deux études européennes (également cités par Tom et al.) qui vont en sens contraire, essentiellement du fait de recommandations diététiques différentes.
Ce site est également intéressant. Il donne la parole à un professeur de UC Berkeley, Ronald Amundson :
« Cette étude "souligne qu'il faut procéder à une comptabilité sérieuse avant de considérer que certaines actions ont un impact". »
C'est là une opinion fort prudente et fort avisée. Nous ajouterons que l'agriculture et l'alimentation ont des composantes bien plus importantes que la consommation d'énergie, l'empreinte hydrique et les émissions de GES, aspects qui peuvent être futiles (par exemple lorsqu'une serre est chauffée par l'eau de refroidissement d'une centrale électrique).
Mais gageons la parole du Pr Amundson ne sera pas entendue par les prescripteurs de solutions miracles pour l'agriculture.