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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Abeillecalypse ?

19 Juillet 2015 , Rédigé par Seppi Publié dans #Abeilles, #Néonicotinoïdes, #Activisme, #Jon Entine

Abeillecalypse ?

 

L'hystérie au sujet des abeilles reflue, et le discours anti-néonics se recentre sur les abeilles sauvages
Jon Entine*

 

 

Comme les parents fictifs dans le spectacle caustique South Park qui blâment le Canada pour tous leurs malheurs, les écologistes se rassemblent souvent autour d'une question pour construire ensuite un récit simple, et parfois simpliste, pour étayer leur plaidoyer.

 

Nous avons vu cela avec la fracturation hydraulique, qui est souvent accusée de polluer massivement les eaux souterraines (l'Agence états-unienne de protection de l'environnement (EPA) a rejeté cette thèse [1]) et de rejeter du méthane, un gaz à important effet de serre (de nombreux chercheurs indépendants ont rejeté la thèse en tant qu'il s'agirait d'un problème important [2]). Le déclin de la population mondiale de grenouilles, qui dure depuis des décennies, est souvent imputé à l'atrazine, bien qu'il s'observe le plus souvent là où l'atrazine n'est pas utilisée ; l'étude récente du leader de la croisade anti-atrazine vient du reste de trouver que l'exposition à l'atrazine ne fait aucune différence sur la santé de la grenouille [3].

 

Appelons cela le récit de la crise environnementale. Les preuves empiriques arrêtent rarement les mèmes de submerger l'Internet, en se répandant dans les blogs écologistes et en apparaissant dans des lettres appelant à des dons pour soutenir des causes construites autour d'un jugement dernier environnemental imminent. Les récits d'horreur, ça marche !

 

Cela est aussi vrai pour le débat sur les OGM, et ses têtes d'affiches censées en démontrer les dangers : les oiseaux et les abeilles, les pollinisateurs qui sont menacés par un cataclysme si un frein n'est pas mis à la révolution agricole de la biotechnologie.

 

Dans le débat sur les OGM, l'attention s'est portée pendant des années sur les questions de sécurité. Les OGM provoquent des allergies, l'autisme, le cancer... presque toutes les maladies majeures ont été citées sur un site ou un autre. Ces allégations ont été réfutées par des centaines d'études indépendantes. Un groupe mondial de chercheurs après l'autre a produit des conclusions selon lesquelles les aliments GM sont aussi sûrs, voire plus sûrs, que les aliments bio ou conventionnels [4]. La science l'a finalement emporté dans les médias traditionnels [5], y compris le New York Times, le Washington Post, le Boston Globe, Scientific American, et plus récemment USA Today [6] et Slate [7] ; tous réaffirment la sécurité des OGM, critiquent les militants anti-OGM pour leurs manipulations délibérées de la science, et rejettent la proposition de distinguer les aliments GM par un étiquetage. La porte est maintenant fermée à l'élément de langage « les OGM sont dangereux ».

 

On peut créditer les militants d'ingéniosité. Infatigables dans leur opposition à la biotechnologie végétale, ils ont récemment réorienté leur discours anti-OGM vers une boîte de secours, les produits chimiques « dangereux » qui, selon eux, sont indissociablement liés aux OGM et à l'agriculture moderne, et qui sont le vrai problème. Pour rendre leur campagne plus émotionnelle, ils ont mis en avant une icône pour encapsuler leur indignation : l'abeille.

 

 

Les abeilles sont-elles menacées?

 

Il a été estimé que pendant cinq ans, jusqu'en 2013, quelque 30 pour cent des abeilles disparaissaient chaque année aux États-Unis d'Amérique ou ne réussissaient pas à survivre aux hivers pour polliniser les fleurs au printemps. C'était environ 50 % de plus que le taux attendu.

 

Quelle est la cause des mortalités et pourquoi les abeilles mouraient-elles en plus grand nombre en Californie et dans certaines parties de l'Europe, alors qu'elles prospéraient dans d'autres pays en Europe, dans l'Ouest du Canada et en Australie ?

 

 

De nombreux groupes de défense de l'environnement et certains journalistes ont initialement blâmé les OGM et continuent à mettre la mortalité à leur charge, bien qu'il y ait zéro preuve à l'appui de leurs allégations [8]. Quand cela n'a pas emporté la conviction, ils ont tourné leur courroux vers une classe de pesticides, populairement appelés « néonics ».

 

« Il est temps d'interdire les pesticides néonicotinoïdes dangereux », a ainsi titré Mother Earth News (les nouvelles de la Terre-Mère) [9]. Des mots fortement connotés comme « beepocalypse » [10] ou « beemageddon » [11]sont apparus un peu partout sur l'Internet. Un journaliste aussi pondéré que Dan Charles de NPR a qualifié la santé des abeilles en 2013 de « point de crise pour les cultures » [12].

 

Ces allégations se sont révélées alarmistes. Au cours des deux derniers hivers, la crise alléguée a fortement reculé, les taux de survie des abeilles s'étant considérablement améliorés, en particulier en Amérique du Nord et en Europe. Mais les rapports hyperboliques initiaux s'étaient cristallisés en mèmes médiatiques dominants ; les preuves de terrain, aussi nombreuses fussent-elles, n'ont pas été en mesure de modifier la trajectoire des rapports fondés sur la peur pour les mener à se concentrer sur les données réelles. Confrontés à la tendance générale des médias et à des éditoriaux exigeant chaque nouvelle semaine des mesures, les régulateurs – assiégée par les protestations des activistes – ont cédé à la pression publique en faveur de « faire quelque chose », que l'action fût fondée sur les dernières données scientifiques ou non.

 

Même ceux qui parmi les ONG critiquent le plus violemment les néonics reconnaissent qu'ils sont extrêmement efficaces. Souvent, ils sont appliqués au sol ou utilisés comme traitement des semences ; ils ont été introduits dans le milieu des années 1990, sans incidents, comme un substitut moins toxique de la pulvérisation massive de pesticides organophosphorés et pyréthroïdes, lesquels sont connus pour tuer les abeilles et la faune. Les organophosphorés en particulier ont été liés à des problèmes de santé chez les travailleurs agricoles. Cependant, en dépit de leur profil toxicologique relativement bénin, les néonics sont devenus l'Ennemi public No 1 aux yeux des militants anti-pesticides.

 

Cette croyance est problématique pour les agriculteurs, et pas du tout utile pour les abeilles. En 2013, des commissaires européens paniqués ont édicté une interdiction de deux ans des néonics sur la base de rapports sommaires de mortalités hivernales supérieures à la normale [13]. Aujourd'hui, les conséquences involontaires de ce qui semble être une décision hâtive se font jour.

 

La Commission a institué son moratoire malgré les preuves en sens contraire issues du terrain et bien avant la sortie d'une série de nouvelles études suggérant que la santé des abeilles s'améliorait à l'échelle mondiale alors même que les néonics étaient utilisés.

 

Selon le dernier rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), à l'échelle mondiale, les populations d'abeilles ont augmenté régulièrement au cours de la dernière décennie et ont atteint à nouveau un sommet datant de 1961. L'Europe et les États-Unis sont à des niveaux records depuis que les néonics sont arrivés sur le marché au milieu des années 1990.

 

 

Le Département Américain de l'Agriculture a rapporté que la mortalité des abeilles a chuté de près de 25 pour cent au cours des deux derniers hivers et que la population globale a augmenté de 17 pour cent depuis 2008 [14]. Les ruches se régénèrent rapidement pendant l'été, de sorte que les pertes hivernales normales ne se traduisent pas nécessairement par une baisse des populations ; c'est pourquoi les rapports de début de campagne ne devraient pas être pris à la lettre, ce que font pourtant bon nombre de journalistes. Aux États-Unis, les pertes hivernales sont maintenant juste quelques points au-dessus des pertes moyennes de 18,9 % considérées comme acceptables par les apiculteurs, selon le Partenariat éclairé de l'USDA pour les abeilles (Bee Informed Partnership), qui mène l'enquête annuelle [15].

 

 

Quant au syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles (Colony Collapse Disorder (CCD)) – ce terme anxiogène qui trouve invariablement à s'infiltrer dans les plaidoyers alarmistes, les « anxiogramme », et les articles bienveillants dans les médias – il est venu et est reparti en tant que menace majeure. Dennis van Englesdorp, le chercheur de l'Université du Maryland qui a forgé le terme, a déclaré l'année dernière qu'il n'a pas vu de véritable cas de CCD – un phénomène unique en son genre, dans lequel les abeilles abandonnent leur ruche – en plus de trois ans [16].

 

Le Département de l'Agriculture a annoncé en mars que la production de miel, qui avait été perturbée lorsque le CCD a dévasté la population d'abeilles il y a neuf ans, continue d'augmenter, en hausse de 14 pour cent [17]. Le nombre total de ruches a également augmenté à nouveau, de 100.000, ou 4 pour cent, comme il l'avait fait l'année précédente et l'année d'avant.

 

L'Union européenne collecte chaque année des données sur la santé des abeilles. L'enquête Epilobee récemment publiée, couvrant l'hiver 2013-2014, a trouvé des mortalités hivernales en baisse spectaculaire, dans les limites normales, en dessous de 15,4 pour cent [18]. Considérant l'amélioration de la santé des abeilles, les agriculteurs qui ont été durement touchés par le moratoire sur les néonics pressent l'UE de lever le moratoire. Un document de travail du Forum Humboldt du Royaume-Uni pour l'Alimentation et l'Agriculture a estimé que le moratoire pourrait coûter 17 milliards d'euros à l'Europe sur cinq ans si les agriculteurs étaient forcés à continuer d'utiliser des produits chimiques et des pratiques agronomiques moins efficaces [19]. Pour lutter contre les parasites, les agriculteurs européens confrontés à l'interdiction des néonics ont été contraints de se tourner vers des produits chimiques plus toxiques : des organophosphorés et des pyréthroïdes, connus pour détruire les pollinisateurs, et qui présentent des dangers pour la santé humaine.

 

 

Pas de crise de l'abeille selon les études de terrain ; les tests en laboratoire soumettent les abeilles à une overdose

 

Les enquêtes renforcent les résultats des recherches sur le terrain les plus récentes : les néonics ne sont pas la cause principale de la mortalité des abeilles. Bien sûr, si vous faites absorber aux abeilles des doses catastrophiques de néonics, vous pouvez les tuer -- les études controversées de Chensheng Lu, de l'Université de Harvard, publiées dans des revues marginales pay-for-play (qui publient contre rémunération) ont été éreintées par la communauté scientifique dominante [20].

 

Un rapport de 2014 dans la revue Environmental Toxicology and Chemistry (ETC) a examiné la santé des abeilles sur plusieurs années et est parvenu à une conclusion similaire [20]: « Les données épidémiologiques de l'Europe ne montrent aucune corrélation entre les pertes d'abeilles et l'utilisation de pesticides et indiquent la présence de facteurs de causalité autres que les pesticides ».

 

Cet ETC a également relevé la dichotomie entre les expériences en milieu contrôlé dans les laboratoires et les rapports provenant du terrain. Lorsqu'elles sont forcées à absorber des néonics ou lorsque ceux-ci sont injectés, les abeilles manifestent des effets perturbateurs. Mais la plupart des entomologistes sont prudents quant à la signification de ces recherches. En revanche, les études de surveillance des abeilles sur le terrain ont montré peu ou pas d'effets néfastes lorsque des néonics sont utilisés. Les recherches en laboratoire sont attrayante pour les scientifiques cherchant des réponses rapides, mais il leur est souvent impossible de rendre compte de l'activité complexe dans les ruches, dont de nombreux scientifiques pensent qu'elles s'auto-régulent et qu'elles se débarrassent naturellement des toxines. Les néonics, concluent les chercheurs de l'ETC, « n'ont pas d'effets toxiques aigus sur les abeilles butineuses ou d'effets importants sur la santé des colonies. »

 

Une série d'études récentes sur les relations entre les pesticides trouvés dans le pollen d'abeille et la santé des colonies a montré combien les recherches en laboratoire étaient douteuses. Des chercheurs indépendants financés par l'USDA, publiés dans l'édition de mars de PLoS ONE, ont poliment démoli un grand nombre d'études antérieures qui exagéraient l'importance des pesticides, des néonics en particulier, comme cause probable de la détérioration de la santé des abeilles [21].

 

Le laboratoire de Sébastien Kessler à Newcastle, au Royaume-Uni, a confirmé les conclusions d'autres études sur le terrain qui ont montré que les abeilles ne souffraient d'aucun effet négatif observable même à des doses pertinentes sur le terrain supérieures de plus de dix fois à la concentration qu'on peut s'attendre à trouver dans le pollen et le nectar [22]. Ceci est cohérent avec les conclusions d'une étude de suivi de quatre ans publiée en 2013 qui n'a trouvé aucun effet sur la mortalité des abeilles, les comportements de recherche de nourriture, le développement des colonies et la capacité de survie à l'hivernage après une exposition à du colza traité aux néonics.

 

Même les scientifiques européens dont les études de laboratoire en conditions contrôlées ont incité à l'interdiction européenne font marche arrière et récusent leurs allégations alarmistes passées. Selon Mickaël Henry, chercheur à l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) financé par le gouvernement de la France, « la dose que nous avons utilisée pourraient surestimer la dose sur le terrain. » En fait, il a dit : « Nous n'avons pas de véritables indices sur la dose appropriée, réaliste, que nous devrions utiliser dans une telle expérience » [23].

 

L'étude de Henry avait trouvé que les abeilles exposées à des néonics étaient moins capables de s'orienter pour retourner à leur colonie. Mais juste ce printemps, des chercheurs suédois non liés à l'industrie ont examiné l'impact des produits chimiques dans un environnement agricole réaliste et ont conclu que les néonics n'ont pas d'impact sur les abeilles.

 

Un rapport conjoint du Département de l'Agriculture et de l'EPA publié il y a deux ans a conclu que les pesticides sont des contributeur mineurs et devraient figurer bien en bas de la liste des causes probables [24]. Ils ont cité comme facteurs primaires: la gestion de la colonie, les virus, les bactéries, la mauvaise alimentation, la génétique et la perte d'habitat. De loin le plus grand coupable – le rapport l'appelle « le ravageur le plus nuisible des abeilles » – , c'est l'acarien parasite Varroa destructor – lequel, avec le parasite Nosema, est considéré comme la principale menace pour la santé des abeilles.

 

Comme il est de plus en plus clair que les pathogènes sont la cause principale du problème pour les abeilles, et non les néonics, les défenseurs de l'interdiction ont essayé de monter en épingle la théorie des synergies : que les pesticides, les néonicotinoïdes en particulier, agissent en tandem avec des agents pathogènes et des parasites – qu'il y a un effet de synergie – pour affaiblir les abeilles. Mais les dernières découvertes scientifiques ne confortent pas cette thèse.

 

« Nous montrons qu'il n'a pas encore été mis en évidence que l'exposition aux pesticides et une infection par des pathogènes interagissent pour affecter la survie des ouvrières dans des scénarios de terrain réalistes », ont conclu les chercheurs dans une étude publiée plus tôt en juillet [25]. La théorie des synergies, qui est attrayante pour les activistes en partie parce qu'il est presque impossible de l'évaluer, a été alimentée par des études de laboratoire qui soumettent les abeilles à une overdose, alors que les études sur le terrain ne montrent aucun effet. Cela a précisément été le cas dans les études de laboratoire antérieures mal construites, mais bien médiatisés, notamment le travail de Lu, lequel a fait des abeilles des ivrognes impuissantes, shootées aux néonics

 

 

Qu'en est-il des abeilles sauvages ? Le cheval de bataille de l'activisme

 

Depuis plus de quatre ans maintenant, les militants écologistes prétendent que nous sommes au milieu d'un déclin catastrophique des abeilles. Mais maintenant que les populations d'abeilles atteignent des niveaux records, les régulateurs sont privés de justification pour les interdictions ou les moratoires sur les néonics ; l'argumentaire de l'activisme a bien sûr changé. Les promoteurs des interdictions ont déclaré une nouvelle crise. Le déclin catastrophique, ce n'est pas celui des abeilles, disent-ils, c'est celui des abeilles sauvages.

 

Cette thèse a été alimentée par la publication dans Nature, en avril, de la nouvelle étude du scientifique suédois Maj Rundlöf [26]. L'étude est vraiment en deux parties : l'une sur les abeilles, et l'autre sur les abeilles sauvages. L'étude bien conçue sur les abeilles a confirmé les conclusions de plusieurs autres études de terrain, démontrant que les néonicotinoïdes sont sans effet sur les abeilles – une conclusion qui a envoyé des ondes de choc à travers les groupes militants qui ont longtemps maintenu que les abeilles sont en crise et que les néonics en sont le principal coupable.

 

L'autre partie de l'étude, qui portait sur les abeilles sauvages, les bourdons et les abeilles solitaires, semble avoir été ajoutée après que les résultats de l'étude sur les abeilles ont commencé à entrer, et à couper efficacement les pattes à la thèse centrale de l'activisme anti-néonics. Rundlöf a affirmé avoir trouvé dans les champs traités aux néonics un nombre d'abeilles sauvages par mètre carré réduit de moitié par rapport aux champs non traités, mais l'étude présentait de nombreux éléments fort curieux. Les études sur les bourdons étaient incompatibles avec les essais antérieurs réalisés aux Royaume-Uni ou encore par l'industrie ;les champs témoins et les champs-traitements ont souvent été traités avec des pesticides différents ; et de très petites populations d'abeilles ont été utilisées. Par exemple, on n'a placé que 12 femelles d'abeilles solitaires dans chaque champ et seules 5 en moyenne ont pondu cours de l'étude, ce qui ne suffit pas pour tirer des conclusions significatives.

 

Peut-être comme fallait s'y attendre, le lien entre les néonics et la santé chancelante de l'abeille étant devenu de moins en moins plausible, les groupes militants se sont mis à modifier presque entièrement leur récit, en montant en épingle l'étude suédoise hors norme sur les abeilles sauvages et prétendant que leur discours passé hyperbolique sur les abeilles était conforme à cette étude.

 

« Il ne fait aucun doute que les pollinisateurs indigènes en péril dans le monde entier paient un lourd tribut à ces pesticides super-toxiques », a déclaré Jonathan Evans, directeur juridique de la santé environnementale au Center for Biological Diversity [27]. « Les pollinisateurs indigènes sont un lien essentiel dans notre chaîne alimentaire. Il faut que l'EPA intensifie son action et prenne des mesures pour interdire ces produits chimiques dangereux avant qu'il ne soit trop tard pour sauver nos abeilles sauvages ».

 

D'autres groupes militants sont un peu plus circonspects. Jennifer Sass, du Natural Resource Defense Council, a reconnu dans un webinaire (un séminaire par Internet) organisé par le Northeastern IPM Center, qu'il n'y a pas de données montrant un déclin des abeilles sauvages, et que les groupes écologistes ne peuvent que « supposer » que les abeilles sauvages sont en déclin [28]. La science ne conforte pas cette supposition.

 

L'avantage de ce nouveau récit est qu'il n'y a tout simplement pas de bonnes statistiques sur les abeilles sauvages. Nous ne connaissons même pas le nombre d'espèces d'abeilles sauvages, et encore moins leur nombre par espèce ou l'évolution de leurs populations au fil du temps. Sauf pour quelques espèces de bourdons qui se sont effondrées en raison de la maladie, il n'y a pas de données de base sur les populations d'abeilles indigènes dans ce pays et sur leur évolution au fil du temps – c'est précisément le genre de boîte noire qui incite à des discours anxiogènes et alarmistes [29].

 

Il y a tout lieu de croire, cependant, que la nouvelle crise est aussi peu étayée par la science que l'ancienne. Une étude publiée en 2013 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (Actes de l'Académie Nationale des Sciences des États-Unis d'Amérique) a analysé les populations indigènes sur une période de 140 ans [30]. Seules trois des 187 espèces indigènes ont fortement décru, presque certainement à cause d'agents pathogènes et non des pesticides. En Europe, les populations d'abeilles sauvages sont en déclin depuis presque 70 ans, mais le déclin s'est ralenti lors des dernières décennies, alors même que l'utilisation des néonics a grimpé en flèche.

 

Une récente étude de trois ans publiée dans Nature, menée par 58 scientifiques du monde entier, a trouvé que les espèces d'abeille sauvages qui pollinisent les cultures (et qui sont donc susceptibles d'entrer en contact le plus étroit avec les néonics) sont en plein essor [31].

 

Sam Droege, un spécialiste de l'abeille sauvage à l'US Geological Survey, qui a été chargé d'effectuer la première enquête globale sur les populations d'abeilles sauvages aux États-Unis d'Amérique, a déclaré que ses enquêtes indiquent jusqu'ici présent que la plupart des abeilles sauvages se portent très bien [32].

 

Bien que les abeilles ne soient certainement pas confrontées à une apocalypse, elles doivent faire face à de sérieux problèmes sanitaires, notamment la nosémose. Les chercheurs soupçonnent les abeilles sauvages de devenir de plus en plus sensibles à l'agent pathogène fongique en raison d'un manque de diversité génétique, lequel conduit à un risque accru de consanguinité et de dérive génétique [33].

 

 

Politique et abeilles

 

La nouvelle polémique au sujet des abeilles, des néonics et de l'agriculture moderne arrive à un moment politique particulièrement critique. L'Environmental Protection Agency, poussée par des rapports désormais obsolètes sur les menaces pesant sur les abeilles, a annoncé ce printemps qu'aucun nouvel usage agricole ne sera autorisé pour les néonics jusqu'à ce que ses évaluations des pesticides soient terminées.

 

L'Agence a également publié une étude sur l'utilisation des néonics sur le soja ; et de conclure : « Il n'y a pas d'avantages économiques clairs ou cohérents issus des traitements de semences de soja à base de néonicotinoïdes. »

 

Cela a donné lieu en mai dernier à une sévère réfutation par le Département Américain de l'Agriculture, lequel a évoqué une bataille inter-agences se déroulant en coulisses sur le sort réglementaire des néonics. Au nom de l'USDA, Robert Johansson, économiste en chef a.i., a écrit :

 

« La publication d'un rapport incomplet par l'EPA a entraîné une pléthore d'articles, qui jettent le doute sur la valeur des traitements des semences et des néonicotinoïdes pour la production agricole et les choix faits par les agriculteurs. [...] Dans l'ensemble, l'USDA est en désaccord avec cette évaluation . Nous pensons que les stratégies de gestion des ravageurs sont élaborées en tenant compte des pressions parasitaires, du climat, du paysage, et de nombreux autres facteurs. »

 

Le flot des études récentes contestant la théorie des « néonics qui tuent les abeilles » a peut-être retardé la publication du très attendu rapport de la White House Pollinator Task Force (Groupe de Travail de la Maison Blanche sur les Pollinisateurs), un rapport dont les activistes pensaient qu'il pourrait approuver une interdiction des néonicotionides. Mais avec la stabilisation et, en fait, la croissance du nombre de colonies d'abeilles, le rapport de mai a recommandé d'adopter une approche plus mesurée, d'engager des fonds pour développer les habitats des pollinisateurs, tout en ordonnant à l'EPA de revoir les effets des pesticides sur les pollinisateurs au cours des deux prochaines années.

 

Source :http://lesilencedesabeilles.over-blog.com/

Voir aussi la recension de l'ouvrage de Vincent Tardieu, L'étrange silence des abeilles :

http://www.agriculture-environnement.fr/revue-de-livre,3/vincent-tardieu-l-etrange-silence-des-abeilles,575

 

________________

 

* Jon Entine est le directeur exécutif du Genetic Literacy Project et senior fellow au World Food Center Institute for Food and Agricultural Literacy, de l'Université de Californie-Davis. Vous pouvez suivre Jon sur Twitter @JonEntine .

 

Initialement publié sur :

http://www.geneticliteracyproject.org/2015/07/16/beemageddon-as-hysteria-over-endangered-honey-bees-recedes-anti-neonic-narrative-refocuses-on-wild-bees/

 

[1] http://www2.epa.gov/hfstudy

 

[2] http://www.philanthropyroundtable.org/topic/excellence_in_philanthropy/gas_heat

 

[3] Indicators of the Statuses of Amphibian Populations and Their Potential for Exposure to Atrazine in Four Midwestern U.S. Conservation Areas

Walt Sadinski, Mark Roth, Tyrone Hayes, Perry Jones, Alisa Gallant

http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0107018

 

[4] http://www.geneticliteracyproject.org/2013/08/27/glp-infographic-international-science-organizations-on-crop-biotechnology-safety/

 

[5] http://www.geneticliteracyproject.org/2014/06/03/washington-post-joins-liberal-pubs-endorsing-gmo-safety-role-feeding-hungry-rejecting-labels/

 

[6] http://www.usatoday.com/story/opinion/2015/05/17/gmo-genetically-modified-foods-chipotle-science-editorials-debates/27501525/

 

[7] http://www.slate.com/articles/health_and_science/science/2015/07/are_gmos_safe_yes_the_case_against_them_is_full_of_fraud_lies_and_errors.html

 

[8] http://www.globalresearch.ca/death-of-the-bees-genetically-modified-crops-and-the-decline-of-bee-colonies-in-north-america/25950

 

[9] http://www.motherearthnews.com/nature-and-environment/environmental-policy/neonicotinoid-pesticides-zmgz12aszphe.aspx

 

[10] http://science.time.com/2013/05/07/beepocalypse-redux-honey-bees-are-still-dying-and-we-still-dont-know-why/

 

[11] http://www.rt.com/usa/bee-pollination-disaster-food-959/

 

[12] http://www.npr.org/sections/thesalt/2013/05/07/181990532/bee-deaths-may-have-reached-a-crisis-point-for-crops

 

[13] http://www.nytimes.com/2013/04/30/business/global/30iht-eubees30.html?_r=3&

 

[14] http://usda.mannlib.cornell.edu/usda/current/Hone/Hone-03-20-2015.pdf

 

[15] http://beeinformed.org/2014/05/colony-loss-2013-2014/

 

[16] http://www.parl.gc.ca/Content/SEN/Committee/412/agfo/11ev-51409-e.htm

 

[17] http://usda.mannlib.cornell.edu/usda/current/Hone/Hone-03-20-2015.pdf

 

[18] http://ec.europa.eu/food/animals/live_animals/bees/study_on_mortality/index_en.htm

 

[19] http://www.hffa.info/files/wp_1_13_1.pdf

 

[20] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4312970/

 

[21] http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0118748

 

[22] http://www.nature.com/nature/journal/v521/n7550/full/nature14414.html

 

[23] http://www.wsj.com/articles/eu-to-revisit-question-of-insecticides-responsibility-for-bee-die-offs-1432646742

 

[24] http://www.usda.gov/documents/ReportHoneyBeeHealth.pdf

 

[25] http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/brv.12206/abstract

 

[26] http://www.nature.com/nature/journal/v521/n7550/full/nature14420.html

 

[27] http://www.biologicaldiversity.org/news/press_releases/2015/neonicotinoids-04-22-2015.html

 

[28] http://www.northeastipm.org/ipm-in-action/current-news/how-can-ipm-help-us-save-the-pollinators/

 

[29] http://www.nwf.org/news-and-magazines/national-wildlife/animals/archives/2013/native-bees.aspx

 

[30] http://www.pnas.org/content/110/12/4656.full

 

[31] http://www.nature.com/ncomms/2015/150616/ncomms8414/full/ncomms8414.html

 

[32] http://www.voanews.com/content/native-bees-may-help-save-crops/2424105.html

 

[33] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3021065/

 

http://www.alternativelibertaire.org/?Biodiversite-Les-abeilles-un-enjeu

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