Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

PFOA et PFAS : le CIRC frappe à nouveau, à tort et à travers

28 Janvier 2024 Publié dans #PFAS (per- et polyfluoroalkylées - "polluants éternels")

PFOA et PFAS : le CIRC frappe à nouveau, à tort et à travers

 

Susan Goldhaber, ACSH*

 

 

Image : PublicDomainPictures de Pixabay

 

 

Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a reclassé l'acide perfluorooctanoïque (PFOA) dans la catégorie des substances « cancérogènes pour l'homme », ce qui aura pour effet d'élargir considérablement les restrictions applicables aux substances per- et poly-fluoroalkylées (PFAS), plus communément appelées « polluants éternels », et ce, bien qu'aucune étude valable ne montre qu'il augmente le risque de cancer chez l'homme. Comment cette reclassification va-t-elle accroître la pression en Europe et aux États-Unis pour que des mesures soient prises ? Voici un aperçu.

 

 

Comme nous l'avons vu avec le glyphosate, l'évaluation du CIRC, même si elle est contredite par de nombreuses autres agences gouvernementales, peut entraîner l'interdiction de composés et des milliards de dollars de procès inutiles. L'Europe a ouvert la voie en matière de distorsion dans le cas des PFAS, l'Agence Européenne des Produits Chimiques (EChA) proposant d'interdire tous les PFAS, ce qui concerne plus de 12.000 substances, la définition des PFAS étant si large qu'elle inclut presque tous les produits chimiques contenant du fluor.

 

J'ai déjà interviewé M. Tommaso A. Dragani, directeur scientifique d'Aspidia, au sujet de la proposition d'interdiction de tous les PFAS en Europe et j'ai de nouveau fait appel à son expertise en lui posant des questions sur l'effet de la classification révisée du cancer par le CIRC pour le PFOA.

 

 

Mon entretien avec le Dr Dragani

 

SG : Comment la classification révisée du PFOA par le CIRC affectera-t-elle le projet européen d'interdiction de tous les PFAS, sur lequel vous avez déjà écrit ?

 

TD : La mise à jour de la classification du PFOA par le CIRC devrait soutenir l'initiative européenne visant à interdire tous les PFAS. Cependant, il est important de noter que la classification du CIRC ne couvre que deux substances chimiques. Le PFOA est le seul à avoir été identifié comme cancérogène pour l'homme (le PFOS a été classé dans le groupe 2B, peut-être cancérogène pour l'homme). En revanche, l'interdiction proposée par l'EChA couvre 12.000 substances chimiques. Cela inclut des substances telles que les polymères fluorés qui n'ont pas la capacité de pénétrer dans notre corps et peuvent donc être classés comme des polymères peu préoccupants.

 

 

SG : Quelles autres conséquences la reclassification du CIRC aura-t-elle en Europe ? Certaines industries seront-elles particulièrement touchées ?

 

TD : Étant donné que le PFOA n'est pratiquement plus produit en Europe, la reclassification du PFOA par le CIRC comme cancérogène pour l'homme pourrait avoir un impact significatif sur les industries impliquées dans l'élimination des déchets industriels. Je m'attends à une augmentation du coût de l'élimination des déchets contenant du PFOA et de l'assainissement des sols ou des eaux contaminés par le PFOA.

 

En outre, il pourrait y avoir une augmentation des demandes d'analyses concernant une éventuelle contamination de l'environnement par le PFOA ; en effet, beaucoup de choses ont été faites aux États-Unis et très peu dans les pays européens. Je pense par exemple aux zones proches des aéroports.

 

 

SG : La reclassification du CIRC aura-t-elle une incidence sur la gestion des PFOS par bioremédiation et, dans l'affirmative, de quelle manière ?

 

TD : Je m'attends à ce que la reclassification du PFOA par le CIRC incite à financer la recherche sur la gestion des PFAS par la bioremédiation. En effet, les méthodes actuellement utilisées, qui consistent principalement à brûler du charbon actif comme filtre absorbant les PFAS et à éliminer les sols contaminés par les PFAS dans des décharges, sont très coûteuses, émettent beaucoup de CO2 et ont un impact significatif sur l'environnement.

 

 

SG : Quelles conséquences la reclassification du PFOA pourrait-elle avoir aux États-Unis ?

 

TD : Aux États-Unis, je pense que les conséquences de la nouvelle classification du PFOA par le CIRC seront les mêmes qu'en Europe, avec l'ajout probable d'une augmentation des litiges liés aux dommages causés par le PFOA, en particulier de la part des personnes qui ont été exposées au PFOA parce qu'elles vivaient dans un site contaminé et ont développé un cancer du rein ou des testicules.

 

Toutefois, il est important de noter que la classification du PFOA par le CIRC ne remplace pas l'évaluation de la relation de cause à effet entre l'exposition et la maladie. Elle indique simplement que l'exposition au PFOA peut présenter un risque de cancer. Il incombe au demandeur potentiel d'établir un lien de causalité entre l'exposition et la maladie alléguée. [Ma note : il rêve !]

 

 

Classification des cancers par le CIRC

 

Comme l'a indiqué le Dr Dragani, le CIRC identifie la force des preuves qu'une substance peut causer le cancer (le danger de cancer) mais n'identifie pas la probabilité qu'elle cause le cancer (le risque de cancer). Le risque de cancer dépend du type et de la quantité d'exposition. De nombreuses substances identifiées par le CIRC comme cancérogènes du groupe 1 ne provoqueront jamais de cancer, principalement parce que la quantité à laquelle les gens sont exposés est bien inférieure à la quantité nécessaire pour provoquer un cancer.

 

Le cœur du problème est que le public ne comprendra jamais la différence entre un danger et un risque quantifiable. Malheureusement, les agences n'expliquent pas cette différence au public et se cachent souvent derrière des dangers potentiels au lieu d'évaluer les risques réels.

 

Le CIRC classe les substances chimiques pour le cancer en évaluant toutes les études épidémiologiques pertinentes (sur l'homme), les études sur le cancer chez les animaux de laboratoire et les études mécanistiques (généralement sur les cellules, les tissus et le sang) et en classant le degré de preuve dans chacune des trois catégories allant d'inadéquat à suffisant :

 

  • Groupe 1 (l'agent est cancérogène pour l'homme) ;

  • Groupe 2A (l'agent est probablement cancérogène pour l'homme) ;

  • Groupe 2B (l'agent est peut-être cancérogène pour l'homme) ;

  • Groupe 3 (l'agent n'est pas classable quant à sa cancérogénicité pour l'homme).

 

Le PFOA a été précédemment classé dans le groupe 2B, « peut-être cancérogène pour l'homme », en 2014 et est maintenant reclassé par le CIRC dans le groupe 1, « cancérogène pour l'homme », sur ces bases :

 

  • Des preuves « suffisantes » de cancer chez les rats de laboratoire montrant une augmentation des tumeurs du foie, des cellules de Leydig et des cellules acineuses du pancréas. Cependant, en raison des différences de réactions entre les rats et les humains, il est peu probable que ces tumeurs se produisent chez l'homme.

 

  • Des preuves mécanistes « solides » chez les humains exposés, y compris des études sur des cellules, des tissus ou du sang humains. Ces études portent sur les « altérations épigénétiques », c'est-à-dire les modifications de l'ADN qui se produisent en dehors des gènes, telles que l'augmentation des microARN ou de la méthylation de l'ADN et la suppression immunitaire, y compris la diminution des taux d'anticorps. Mais ces études n'ont jamais eu pour but de démontrer qu'une substance est à l'origine du cancer. Au mieux, ces études peuvent indiquer un mécanisme par lequel une substance peut causer le cancer – elles ne constituent pas une preuve primaire de causalité.

 

  • Des preuves « limitées » d'un excès de risque de cancer chez l'homme pour le carcinome des cellules rénales et le cancer des testicules. Les preuves limitées concernant le carcinome des cellules rénales (CCR) proviennent d'une étude dans laquelle le diagnostic de CCR a été posé 2 à 18 ans après que les niveaux de PFAS dans le sang ont été mesurés ; cette seule mesure a été utilisée comme base pour la conclusion que les patients atteints de CCR avaient des niveaux plus élevés de PFOA dans leur sang que les témoins, malgré la confusion par l'obésité et l'hypertension, des facteurs de risque connus. Le CIRC a ignoré les résultats d'autres études qui n'ont montré une augmentation du cancer du testicule qu'à des niveaux très élevés de PFOA ou aucune augmentation quel que soit le niveau d'exposition.

 

Les preuves limitées concernant le cancer des testicules proviennent d'une analyse écologique réalisée par un groupe de travail du CIRC sur la base des orchidectomies (ablation chirurgicale des testicules) d'une région d'Italie, qui a démontré une « association positive ». L'analyse n'a pas été publiée et les données ne sont pas disponibles pour examen. [1]

 

Il est temps que le CIRC soit plus transparent. En classant le PFOA dans le groupe 1, « l'agent est cancérogène pour l'homme », le CIRC affirme définitivement que le PFOA est cancérogène, ce qui va à l'encontre des conclusions d'autres scientifiques. Comme l'a expliqué le Dr Dragani, l'interdiction des PFAS proposée par l'Europe pourrait concerner 12.000 substances chimiques, et cette question pourrait avoir un impact significatif dans les années à venir.

 

_______________

 

[1] Cela va à l'encontre du préambule des monographies du CIRC qui stipule que le matériel non publié ne peut être utilisé que s'il est « accessible au public et dont le contenu est définitif, s'il y a suffisamment d'informations pour permettre une évaluation de la qualité des méthodes et des résultats des études ».

 

Susan Goldhaber, M.P.H., est une toxicologue de l'environnement qui a plus de 40 ans d'expérience au sein d'agences fédérales et d'États et dans le secteur privé ; elle s'est spécialisée dans les questions relatives aux produits chimiques présents dans l'eau potable, l'air et les déchets dangereux. Elle se concentre actuellement sur la traduction des données scientifiques en informations utilisables par le public.

 

Source : IARC Strikes Again, Misguidedly | American Council on Science and Health (acsh.org)

 

Ma note : Sur 30 participants (29 présents) au groupe de travail du CIRC, il y avait 15 États-Uniens.

 

Une des participantes, Mme Shelia Zahm est présentée comme retraitée du National Cancer Institute et, dans une note de bas de page, comme employée de sa boîte de consultance. Elle a été la présidente du groupe de travail. Mais son travail n'implique(rait) aucun conflit d'intérêts en relation avec la monographie. Mais cela ne concerne que le passé...

 

M. Antony Fletcher, London School of Hygiene and Tropical Medicine, spécialiste invité, a rapporté comme conflits d'intérêts le fait qu'il produit des expertises dans diverses affaires, soit pour les plaignants, soit pour les défendeurs.

 

Dans The Lancet, tous les auteurs sont tous présentés comme affiliés... au CIRC.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article