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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate : la dernière guignolade de PAN Europe et Générations Futures

10 Septembre 2023 Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Générations futures, #Activisme

Glyphosate : la dernière guignolade de PAN Europe et Générations Futures

 

 

(Source)

 

 

Nihil novi sub sole ! Un beau document bien mis en page exploitant les résultats de 23 prélèvements d'eaux de surface dans 12 États membres, balançant quelques arguments bien angoissants grâce à une contre-vérité flagrante sur la norme de qualité pour les eaux destinées à la consommation humaine, et exploitant quelques études scientifiques bien choisies. Les recommandations de politiques sont en revanche « intéressantes ».

 

 

L'Union Européenne doit décider prochainement du renouvellement (ou non) de l'approbation du glyphosate, matière active des herbicides Roundup et autres marques, la substance étant tombée dans le domaine public il y a plus de deux décennies.

 

Le rapport d'évaluation dit « de l'EFSA » est fondamentalement positif. Dit « de l'EFSA » car un rapport a été produit par quatre États membres (la France, la Hongrie, les Pays-Bas et la Suède) et examiné par l'EFSA avec des experts des 27 États membres dans le cadre de l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA). Ceux-ci ont produit un document, « Peer review of the pesticide risk assessment of the activesubstance glyphosate » (examen par les pairs de l'évaluation des risques en tant que pesticide de la substance active glyphosate), approuvé le 6 juillet 2023.

 

Ces conclusions ouvrent la voie à un renouvellement de l'approbation, et la Commission Européenne a donné des signaux en ce sens dans un document qui a fuité en direction... des activistes anti-glyphosate.

 

Il est donc urgent pour lesdits activistes de faire de l'activisme.

 

 

PAN Europe produit un « rapport », oups ! une « enquête »

 

Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) a donc produit un « rapport » le 5 septembre 2023 (annonce sur internet ; « rapport »). C'est relayé en France par Générations Futures, membre de Pan Europe.

 

La mise en page est évidemment soignée, avec – avant les annexes qui sont sans surprise à la fin du document – des recommandations de politiques, suivies par une belle liste de références bibliographiques. Le tout sur 39 pages.

 

« Glyphosate is polluting our waters - all across Europe. PAN Europe’s water report » (le glyphosate pollue nos eaux – dans toute l'Europe. Le rapport sur l'eau de PAN Europe) a été commandé et financé par les Verts/ALE du Parlement Européen.

 

Notez : imaginez les gesticulations si le Parti Populaire Européen, par exemple, commandait et finançait un rapport du COPA/COGECA, l'instance représentative de l'agriculture européenne majoritaire...

 

 

De fort curieuses recommandations de politiques

 

Les voici in extenso :

 

« Recommandations de politiques

 

À la lumière des conclusions du rapport concernant la contamination généralisée de nos eaux par le glyphosate, et reconnaissant l'importance de protéger nos eaux européennes et leurs écosystèmes, nous recommandons ce qui suit :

 

  • Adopter la proposition de la Commission sur le Règlement sur l'utilisation durable des produits phytopharmaceutiques visant à fixer des objectifs juridiquement contraignants pour réduire de moitié l'utilisation et les risques liés aux pesticides chimiques d'ici 2023 [sic], et interdire l'utilisation de tous les pesticides chimiques dans les zones sensibles utilisées par le grand public et d'importance écologique. Les pesticides ne devraient pas être utilisés à une distance de 50 m de ces zones, afin d'assurer leur protection.

     

  • Fixer les NQE [normes de qualité environnementale] pour le glyphosate et l'AMPA dans les eaux de surface à 0,1 μg/L, afin de garantir la protection de la santé humaine et de la biodiversité dans les écosystèmes aquatiques.

     

  • Inclure l'AMPA et le glyphosate dans les programmes de surveillance nationaux, car l'AMPA est également toxique pour les organismes aquatiques.

     

  • Inclure toutes les études de la littérature scientifique dans l'évaluation de la toxicité du glyphosate et prendre en considération le fait que les produits à base de glyphosate sont beaucoup plus toxiques pour certaines espèces que le glyphosate seul.

     

  • Faire passer la classification de la toxicité aquatique chronique de la catégorie 2 à la catégorie 1, étant donné que le glyphosate peut provoquer des effets néfastes sur la santé des organismes aquatiques en dessous de 0,1 mg/L.

     

  • La Commission européenne et les États membres devraient émettre un avis de non-renouvellement de la licence du glyphosate et mettre fin progressivement à l'utilisation des produits à base de glyphosate, car leur utilisation réduit la qualité des eaux de l'UE, et l'exposition au glyphosate a été liée à des effets néfastes chez un grand nombre d'espèces, y compris l'homme.

 

Le non-renouvellement de l'approbation du glyphosate n'arrive donc qu'à la fin, en termes mesurés et contradictoires (une demande d'interdiction suivie d'une demande d'élimination progressive)... et après des demandes de mesures qui impliquent le renouvellement !

 

Est-il pris acte du fait que la partie s'annonce quasiment perdue et table-t-on sur des mesures plus générales qui seraient en quelque sorte des compensations ?

 

Nous attendons avec impatience les prises de position des aboyeurs anti-pesticides – qu'ils soient des Verts ou de ce qu'il reste du Parti Socialiste...

 

 

(Source)

 

 

Les gesticulations, postures et positions du groupe des Verts/ALE seront aussi intéressantes...

 

 

(Source)

 

 

La petite entreprise française incorporée sous forme d'association loi 1901 est plus directe :

 

« Appel à l’action contre l’autorisation du glyphosate

 

"Pour faire face aux conséquences considérables sur la qualité de l’eau et aux effets néfastes observés sur un large éventail d’espèces, y compris les humains, il est impératif que la Commission européenne et les États membres de l’UE s’opposent au renouvellement de l’autorisation du glyphosate et prennent des mesures décisives pour éliminer progressivement l’utilisation de produits à base de glyphosate. » Déclare François Veillerette, Porte-parole de Générations Futures et administrateur du Pesticide Action Network Europe. »

 

Pourquoi « y compris les humains » n'est-il pas en gras ? Devoir de philosophie... vous avez trois heures pour répondre...

 

En tout cas, c'est tout le « rapport » de PAN Europe qui fait l'impasse sur l'humain, hormis quelques références incidentes... Le mot « cancer » est absent, tout comme « perturbateur endocrinien » en relation avec l'humain. Faut-il en conclure que les rats de Séralini, le classement du CIRC en cancérogène probable, le cirque sur le glyphosate perturbateur endocrinien ne sont plus vraiment « vendeurs » ?

 

 

L'escroquerie des 23 prélèvements

 

 

Le « rapport » a pour soubassement une collection de 23 prélèvements d'eau de cours d'eau et 5 de lacs dans 12 États membres de l'Union Européenne en octobre 2022 (les prélèvements lacustres ne semblent pas avoir été exploités). PAN Europe écrit :

 

« Les échantillons ont été analysés pour le glyphosate et pour son métabolite AMPA [ma note : il y a aussi d'autres sources, notamment ménagères, pour l'AMPA], et la limite de quantification a été fixée à 0,2 μg/L (LOQ).

 

Le glyphosate et/ou l'AMPA ont été détectés dans 17 des 23 échantillons (74%), dans 11 des 12 pays. Sachant que la limite de sécurité de l'eau potable pour les substances actives des pesticides et leurs métabolites pertinents est de 0,1 μg/L, cinq des 23 échantillons d'eau (22 %), prélevés en Autriche, en Espagne, en Pologne et au Portugal, contenaient du glyphosate à des niveaux impropres à la consommation humaine. Un échantillon portugais contenait 3 μg/L de glyphosate, soit 30 fois plus que la limite de sécurité pour la consommation humaine. En Autriche, en Belgique, en Pologne, en Espagne et au Portugal, les échantillons présentaient des concentrations de glyphosate ou d'AMPA supérieures à 1 μg/L. Fait alarmant, trois des échantillons contenaient des niveaux d'AMPA supérieurs à 3 μg/L. »

 

PAN Europe et Générations Futures construisent donc un narratif fondé sur 23 analyses avec une généralisation abusive, et ce, en surfant sur les résultats a priori les plus anxiogènes.

 

Ainsi, Générations Futures écrit :

 

« Gergely Simon, responsable chimique principal chez PAN Europe, a déclaré : "Ces résultats soulignent que l’utilisation actuelle d’herbicides à base de glyphosate conduit à une exposition généralisée et inévitable à cette substance dangereuse. Une interdiction européenne est urgente pour protéger la qualité de nos eaux et de nos écosystèmes.»

 

 

La réalité française – et sans doute européenne – selon l'ANSES

 

En octobre 2019, l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail (ANSES) a publié une synthèse dont voici un extrait :

 

« Glyphosate dans les milieux aquatiques et les eaux souterraines

 

Les analyses réalisées en 2017 montrent la présence fréquente du glyphosate et de l’AMPA dans les eaux de surface telles que les rivières et les lacs (50 % des prélèvements pour le glyphosate et 74 % pour l’AMPA), induisant une exposition des organismes aquatiques. Les concentrations observées sont généralement inférieures aux valeurs toxicologiques de référence en vigueur pour les environnements aquatiques avec un seul dépassement en onze ans de surveillance.

 

Dans les eaux souterraines, le glyphosate et l’AMPA sont présents dans 3 à 4 % des prélèvements en 2017 avec des dépassements annuels de la norme de qualité de l’eau (concentration maximale de 0,1 µg/L pour chaque substance) pour moins de 1 % des points de prélèvements. »

 

En bref : quasiment RAS.

 

 

Le mensonge sur les normes

 

Le paragraphe cité ci-dessus est centré sur la santé humaine. C'était sans doute plus facile et plus évocateur que des développements, forcément compliqués, sur l'environnement.

 

Mais nous avons affaire à un énorme mensonge : le 0,1 µg/L n'est pas une « norme de sécurité » dont le dépassement rendrait l'eau impropre à la consommation, mais une norme de qualité.

 

Reprenons de l'ANSES :

 

« ...Les concentrations maximales en résidus de pesticides dans les EDCH [eaux destinées à la consommation humaine] sont fixées à 0,1 µg/L pour chaque substance, cette valeur représentant une norme de qualité de l’eau et non de risque sanitaire. La surveillance des eaux destinées à la consommation humaine sur ces dix dernières années montre des dépassements du seuil de 0,1 µg/L pour un nombre très limité d’échantillons : 3 prélèvements sur 7596 pour le glyphosate en 2017.

 

Pour l’eau de boisson, la Vmax, valeur de référence dérivée des valeurs toxicologiques, est un seuil sanitaire. Elle est fixée pour le glyphosate et l’AMPA à une concentration maximale de 900 µg/L d’eau, soit 9 000 fois supérieur à la norme de qualité de l’eau de 0,1 µg/L. »

 

Cette Vmax européenne est en fait inférieure d'un facteur 10 à la norme fixée par la FAO et l'OMS.

 

 

Les dommages aux écosystèmes aquatiques

 

Générations Futures écrit :

 

« Les preuves scientifiques montrent que le glyphosate et l’AMPA présentent un risque important pour les écosystèmes aquatiques, aux concentrations trouvées dans l’environnement par l’étude de PAN Europe. [...] »

 

Il faudrait déterminer ce que signifient « risque important » et, surtout, « aux concentrations trouvées […] par l'étude de PAN Europe ». Et aussi analyser la littérature citée.

 

PAN Europe cite un document de l'INERIS pour la France, avec les chiffres qui lui conviennent le mieux pour la présence de glyphosate et d'AMPA dans les eaux de surface... les concentrations moyennes (0,45 µg/L pour l'AMPA et 0,22 µg/L pour le glyphosate) et maximales (164 µg/L et 558 µg/L, respectivement) observées dans la base de données Naïades entre le 1er janvier 2014 et le 20 novembre 2018.

 

C'est à comparer à des médianes de 0,149 µg/L et 0,076 µg/L, respectivement, et des normes de qualité environnementales de 452 µg/L et 28 µg/L (une médiane de 0,149 µg/L signifie que la moitié des relevés sont inférieurs à cette valeur, l'autre étant évidemment supérieure). Rappelons que le glyphosate n'est pas la seule source d'AMPA, loin s'en faut.

 

Les activistes trouvent donc un « risque important », là où les autorités trouvent un risque au pire limité, s'agissant des concentrations dans les eaux.

 

 

Selon les chercheurs militants...

 

Pour aller plus loin, il faudrait analyser la littérature citée... vaste programme. Mais parcourir la bibliographie est toujours un exercice utile.

 

Nous avons trouvé des usual suspects – des chercheurs militants – dans la bibliographie : « Clone- and age-dependent toxicity of a glyphosate commercial formulation and its active ingredient in Daphnia magna » (toxicité d'une formulation commerciale de glyphosate et de son ingrédient actif chez Daphnia magna en fonction du clone et de l'âge) de Marek Cuhra, Terje Traavik & Thomas Bøhn.

 

Pour faire simple, les données chiffrées qu'ils affichent dans leur résumé sont exprimées, non pas en microgrammes par litre (µg/L) comme ci-dessus, mais en milligrammes par litre (mg/L).

 

PAN Europe a bien sûr pratiqué le picorage (cherry picking) et écrit :

 

« L'étude de Cuhra et al. (2012) suggère que même les concentrations environnementales de glyphosate peuvent avoir un impact sur la croissance et le développement de Daphnia Magna. Les résultats montrent que l'exposition de D. Magna juvénile à de faibles concentrations de 50 μg/L de glyphosate ou de Roundup a entraîné une réduction significative de leur taille. »

 

Cela reflète bien ce qui est écrit dans le résumé de l'étude de Cuhra et al. :

 

« Une réduction significative de la taille des juvéniles a été observée même aux concentrations d'essai les plus faibles de 0,05 mg m.a./L, tant pour le glyphosate que pour le Roundup. »

 

Mais voici du corps de l'article :

 

« [...]La taille des animaux exposés aux concentrations de glyphosate de 0,05, 0,15 et 0,45 mg/L ainsi qu'au Roundup de 0,05, 0,15 et 0,45 mg/L n'était pas significativement différente de celle des individus du groupe témoin (p > 0,05). [...] »

 

 

Superbe mise en page ! Elle est faite à notre sens pour rendre la lecture des résultats difficile et, en fait, cacher le peu de signification réelle (à distinguer de la signification statistique) de ce qui a été trouvé.

 

 

 

Remarque finale

 

En m'intéressant à Cuhra et al., j'avais bien conscience du danger du picorage. Je m'attendais à trouver un phénomène classique de discordance entre les ordres de grandeur des concentrations dans la vie réelle et dans l'étude.

 

L'ampleur de ce phénomène peut être visualisé facilement dans les tableaux d'un chapitre de Biochemical Toxicology, un ouvrage collectif, « Ecotoxicology of Glyphosate-Based Herbicides on Aquatic Environment » (écotoxicologie des herbicides à base de glyphosate dans l'environnement aquatique) de Bruno Bastos Gonçalves et al. Ou encore dans « Impact of glyphosate and glyphosate-based herbicides on the freshwater environment » (impact du glyphosate et des herbicides à base de glyphosate sur l'environnement d'eau douce) de Robert Annett, Hamid R. Habibi et Alice Hontela. Ces deux articles sont cités par PAN Europe.

 

Je ne m'attendais pas à trouver – aussi facilement – une discordance textuelle tellement grossière qu'il convient de la qualifier du mot qui est au centre des dernières affaires Séralini.

 

 

 

 

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