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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le pouvoir des commentaires du public

11 Septembre 2023 Publié dans #PFAS (per- et polyfluoroalkylées - "polluants éternels")

Le pouvoir des commentaires du public

 

Susan Goldhaber, ACSH*

 

 

Image : Bayley Nargang de Pixabay

 

 

En mars 2023, l'EPA a proposé une réglementation controversée sur l'eau potable pour deux « produits chimiques éternels », le PFOA et le PFOS, en fixant des niveaux admissibles extrêmement bas pour chacun d'eux. La période de consultation publique s'est achevée le 30 mai. La manière dont l'EPA répond aux observations du public pourrait influencer de manière significative la règle finale. Cet article examine la loi sur les procédures administratives (APA – Administrative Procedures Act) qui exige que les agences prennent en compte les observations du public et quelques-unes des observations importantes reçues sur la règle proposée.

 

 

L'APA, promulguée en 1946, régit la manière dont les agences fédérales émettent des règlements. Elle exige des agences qu'elles publient des avis de réglementation dans le Registre Fédéral et qu'elles prévoient une période d'examen public permettant de soumettre des observations sur les règles proposées.

 

M. Kenneth Culp, spécialiste du droit administratif, a décrit le processus d'élaboration des règles « notice and comment » comme « l'une des plus grandes inventions du gouvernement moderne ».

 

En effet, non seulement l'agence est tenue d'examiner et de prendre en considération les observations soumises, quels qu'en soient l'auteur et la forme, mais elle doit également répondre aux observations importantes soumises pendant la période d'examen avant que la règle ne soit finalisée et n'entre en vigueur.

 

Cette procédure constitue un frein important au pouvoir des agences, car elle les oblige à réfléchir aux mesures qu'elles proposent, ce qui constitue une forme de mécanisme de « contrôle de la qualité ». Il oblige également les agences à prendre les observations au sérieux, car si elles ne le font pas, la Cour peut invalider la règle, estimant que l'agence a agi de manière « arbitraire et capricieuse » et que la règle qu'elle a produite n'était pas le fruit d'une délibération raisonnée.

 

 

La règle controversée

 

Le PFOA et le PFOS font partie d'un grand groupe de produits chimiques contenant des chaînes de carbone et de fluor liées entre elles. Ils ont été utilisés dans de nombreux produits de consommation, notamment des meubles, des tapis, des tissus et des mousses anti-incendie. Ils ne sont plus fabriqués aux États-Unis et les accords conclus entre le gouvernement et les entreprises au début des années 2000 ont considérablement réduit l'exposition aux PFOA/PFOS. Toutefois, ils sont encore détectés à de très faibles niveaux dans l'eau potable.

 

La nouvelle réglementation sur l'eau potable proposée par l'EPA s'appuie sur des données scientifiques problématiques pour la justifier, notamment les données très limitées qui ont servi de base pour déclarer les PFOA/PFOS cancérigènes. J'ai participé au processus de consultation publique en déposant ma déclaration sur ces questions.

 

 

Observations du public

 

121.991 observations ont été reçues, dont 1.522 ont été publiées et peuvent être consultées. Avant que le nombre de commentaires ne vous fasse perdre la tête, il est essentiel de comprendre que cela ne signifie pas que 121.991 personnes ou organisations ont soumis des observations sur la règle. Ce chiffre est basé sur le nombre de documents individuels soumis, ce qui inclut les pièces jointes, les documents supplémentaires, les campagnes d'envoi en masse et les soumissions individuelles. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une réponse exceptionnelle.

 

L'EPA est tenue de répondre à toutes les observations importantes et prépare généralement un document « commentaire-réponse » résumant les observations soumises, ainsi que les réponses de l'EPA. Si l'EPA n'est pas d'accord avec l'auteur de l'observation, elle doit expliquer son raisonnement et montrer qu'elle a sérieusement pris en compte l'observation.

 

 

Qu'est-ce qui est important ?


 

« Pour déterminer quels points sont importants, il faut garder à l'esprit le critère d'examen "arbitraire et capricieux". Ainsi, seuls les commentaires qui, s'ils sont exacts, soulèvent des points pertinents pour la décision de l'agence et qui, s'ils étaient adoptés, nécessiteraient une modification de la règle proposée par l'agence, jettent un doute sur le caractère raisonnable d'une position prise par l'agence. En outre, les commentaires qui sont purement spéculatifs et qui ne révèlent pas la base factuelle ou politique sur laquelle ils reposent n'appellent pas de réponse. Il doit y avoir des raisons de penser qu'une position prise en opposition à l'agence est vraie ».

Parker S. Kennedy Professor in Law, Chapman University School of Law.

 

Les commentateurs publics représentent un large éventail d'organisations et d'individus, notamment des compagnies des eaux, des districts ou des fournisseurs d'eau individuels, des associations commerciales, des groupes d'intérêt public, des entreprises et des citoyens individuels.

 

Voici quelques observations significatives :

 

  • The American Water Works Association (AWWA) : La plus grande organisation de professionnels de l'approvisionnement en eau au monde, qui représente plus de 4.500 services de distribution d'eau, supportera l'essentiel de l'impact économique de la réglementation. Dans une évaluation toxicologique détaillée et une analyse des coûts, elle recommande à l'EPA d'envisager de réécrire les normes relatives à l'eau potable pour le PFOA et le PFOS, étant donné que les analyses sous-jacentes manquent de transparence, ne sont pas conformes aux meilleures données scientifiques disponibles et ne sont pas claires.

 

  • The Natural Resources Defense Council (NRDC), une grande organisation de défense de l'environnement qui se concentre sur les actions en justice, a déposé des observations conjointement avec 38 autres groupes d'intérêt public. Ils se sont déclarés très satisfaits de la règle proposée et ont exhorté l'EPA à résister aux appels à l'affaiblissement ou au retrait des normes proposées sur la base des préoccupations relatives à l'accessibilité financière de l'eau. Ils se sont concentrés sur les stratégies visant à réduire les coûts de la réglementation, notamment en maximisant l'utilisation des fonds fédéraux, en particulier pour les communautés défavorisées, en tenant les fabricants de PFAS responsables des coûts de traitement et en adaptant les structures tarifaires et d'autres programmes pour augmenter les revenus des services publics sans peser sur les clients à faible revenu.

 

  • US Poultry and Egg Industry (industrie américaine de la volaille et des œufs) : La plus grande organisation avicole au monde, qui représente les éleveurs de volaille et les producteurs dont les membres vivent et travaillent principalement dans de petites communautés rurales. Elle estime que la règle proposée est imparfaite car elle ne tient pas compte de l'expertise technique et des coûts associés à la collecte et à l'interprétation des résultats de laboratoire pour le PFOA/PFOS, ce qui entraîne un manque de laboratoires commerciaux accrédités capables d'effectuer ces tests (seulement sept laboratoires certifiés dans le sud des États-Unis). Ils ont également noté les conséquences involontaires de messages très différents sur les dangers des PFOA/PFOS au sein des bureaux de l'EPA, de l'EPA et d'autres agences, telles que la FDA, et dans différents pays.

 

La valeur fondamentale du processus de consultation publique est qu'il concentre l'attention de l'Agence sur des questions pratiques, telles que le coût élevé et les difficultés de mise en œuvre, perçus par les parties prenantes essentielles. Il permet également de contrôler le pouvoir des agences, car il est souvent à l'origine de litiges subséquents dans lesquels un tribunal invalide des règles parce qu'une agence n'avait pas suffisamment tenu compte des observations du public. Par exemple, en 2015, un tribunal a qualifié la réponse de l'EPA aux observations du NRDC de « réponses fantaisistes », concluant que

 

« L'EPA ne peut pas se soustraire aussi facilement à ses obligations en vertu de l'APA de répondre à ses observations pertinentes et significatives. »

 

Dans le passé, l'EPA comptait souvent sur le fait que les tribunaux feraient preuve de déférence à l'égard de ses positions lorsque des règles étaient contestées. Toutefois, plusieurs arrêts récents de la Cour Suprême ont montré un scepticisme croissant de la Cour à l'égard des interprétations des lois par l'Agence.

 

Il reste à voir si l'EPA utilisera le processus de consultation publique comme prévu dans le règlement sur l'eau potable relatif aux PFOA/PFOS, c'est-à-dire pour évaluer sérieusement les questions soulevées par les commentateurs et apporter les modifications appropriées à la règle. L'EPA serait bien avisée de prendre en compte les observations du public à ce stade de l'élaboration de la réglementation, avant de s'engager dans une procédure judiciaire presque inévitable.

 

__________________

 

Susan Goldhaber, M.P.H., est une écotoxicologue qui a plus de 40 ans d'expérience dans des agences fédérales et d'État ainsi que dans le secteur privé. Elle s'intéresse particulièrement aux substances chimiques présentes dans l'eau potable, l'air et les déchets dangereux. Elle se concentre actuellement sur la traduction des données scientifiques en informations utilisables par le public.

 

Source : The Power of Public Comments | American Council on Science and Health (acsh.org)

 

 

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