Un vaccin contre le paludisme approuvé par le Ghana et le Nigeria va changer la donne pour l'Afrique, selon des experts
Joseph Opoku Gakpo, Alliance pour la Science*
Les experts africains en santé publique ont salué la récente approbation du vaccin antipaludique R21 au Ghana et au Nigeria.
Ce vaccin a été mis au point par l'Institut Jenner de l'Université d'Oxford et ses partenaires mondiaux.
Certains estiment que cette mesure pourrait mettre le continent sur la voie de l'éradication du paludisme, même si cela prendra beaucoup de temps.
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Le Dr Kwame Sarpong Asiedu. [Joseph Opoku Gakpo]
« C'est le début du voyage vers l'éradication du paludisme. Nous sommes encore loin du compte, car l'éradication devrait nous amener à une immunité collective... Mais c'est un pas en avant », a déclaré le Dr Kwame Sarpong Asiedu, pharmacien ghanéen et chargé de recherche en santé au Centre Ghanéen pour la Démocratie et le Développement.
Il a ajouté que l'accès aux vaccins contribuera à réduire le coût des soins de santé en Afrique, car leur utilisation pour prévenir le paludisme sera moins coûteuse que les traitements. « C'est l'un des principaux avantages de ce vaccin et c'est la raison pour laquelle nous sommes enthousiastes. »
La Food and Drugs Authority du Ghana a annoncé qu'elle avait approuvé le vaccin R21 contre le paludisme après une série d'examens des données cliniques et non cliniques.
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Le Dr Hubert Amu, de l'École de Santé Publique de l'Université de la Santé et des Sciences Connexes du Ghana. [Joseph Opoku Gakpo]
Le Dr Hubert Amu, de l'École de Santé Publique de l'Université de la Santé et des Sciences Connexes du Ghana, reconnaît que l'approbation est une bonne chose pour l'Afrique.
« Le paludisme est un problème pour l'Afrique subsaharienne depuis des décennies. C'est donc une excellente nouvelle que l'utilisation d'un vaccin ait enfin été approuvée en Afrique pour prévenir la maladie », a-t-il déclaré à l'Alliance pour la Science.
Les avantages connus et potentiels du vaccin l'emportent sur ses risques connus et potentiels, ce qui justifie l'utilisation recommandée par le fabricant.
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, plus de 247 millions de personnes sont infectées par le paludisme chaque année, avec un nombre de décès avoisinant les 619.000.
Environ 95 % des cas de paludisme dans le monde sont enregistrés en Afrique, où l'on estime que se produisent 96 % des décès dus à cette maladie, 80 % d'entre eux concernant des enfants de moins de cinq ans.
Les travaux sur les vaccins antipaludiques ont commencé dans les années 1960, mais les vaccins ne sont pas encore largement disponibles.
La Food and Drugs Authority (FDA) du Ghana a annoncé qu'elle avait approuvé le vaccin R21 contre le paludisme à la suite d'une série d'examens des données cliniques et non cliniques.
Mme Delese Mimi Darko, directrice générale de l'autorité, a déclaré que le vaccin avait été approuvé pour l'immunisation des enfants âgés de cinq à 36 mois contre le paludisme causé par Plasmodium falciparum, le parasite le plus mortel.
La FDA précise que le processus d'évaluation et d'approbation a pris en compte les données de sécurité, d'immunogénicité et d'efficacité issues des cinq principaux essais cliniques menés au Royaume-Uni, au Mali, au Burkina Faso et en Tanzanie.
« Nous espérons que cette première étape cruciale permettra au vaccin d'aider les enfants ghanéens et africains à lutter efficacement contre le paludisme. »
La FDA indique que l'approbation du vaccin repose sur une évaluation satisfaisante des données relatives à la qualité, à l'innocuité et à l'efficacité qui lui ont été soumises.
L'évaluation de ces données a permis de conclure que les avantages du vaccin l'emportent largement sur les risques associés à son utilisation.
Quelques jours après l'approbation au Ghana, la National Agency for Food and Drug Administration And Control (NAFDAC du Nigeria a également annoncé qu'elle avait donné une approbation provisoire pour l'utilisation du vaccin R21 contre le paludisme.
Le professeur Mojisola Christianah Adeyeye, directeur général de la NAFDAC, a déclaré dans un communiqué que le dossier du vaccin R21 avait fait l'objet d'un examen indépendant à deux niveaux sur la base des normes de l'Organisation Mondiale de la Santé.
Le comité consultatif sur les vaccins de la NAFDAC (NEVAC), composé de quatre experts hautement reconnus, a jugé le dossier adéquat et entièrement conforme aux normes.
Le comité interne d'examen des vaccins de la NAFDAC a également jugé, de manière indépendante, le dossier satisfaisant.
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Un examen conjoint par les membres des deux comités a permis de conclure que, dans l'ensemble, le dossier du vaccin antipaludique R21 était conforme aux meilleures normes internationales.
L'examen a également conclu que les données relatives au vaccin étaient solides et répondaient aux critères d'efficacité, d'innocuité et de qualité.
Il a également été jugé que les avantages connus et potentiels du vaccin l'emportaient sur ses risques connus et potentiels, ce qui justifie l'utilisation recommandée par le fabricant.
L'autorité indique que le vaccin constituera un outil d'intervention supplémentaire pour aider le pays à lutter contre le paludisme. L'autorité a toutefois recommandé la réalisation d'un essai clinique de phase 4 supplémentaire dans le pays, compte tenu de la spécificité et de la nature hétérogène du paludisme au Nigeria.
En raison de son coût moins élevé, le vaccin R21 devrait être plus populaire que le Mosquirix, le vaccin qui a été approuvé en premier.
Les derniers essais montrent que le vaccin a un taux d'efficacité de 77 %.
Le Ghana et le Nigeria ont approuvé les vaccins avant même que les données relatives à la dernière phase des essais ne fussent publiées.
Mais le Dr Sarpong Asiedu estime que ce n'est pas un problème majeur.
« Je ne pense pas que le processus soit étrange. Sachant que les travaux ont commencé en 2000, il n'y a rien d'étrange à cela... La FDA a vu toutes les données datant de 2004 et 2005 parce qu'elle a été impliquée dans le processus », a-t-il déclaré.
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Une déclaration de l'Institut Jenner de l'Université d'Oxford a suivi l'approbation du vaccin : « On espère que cette première étape cruciale permettra au vaccin d'aider les enfants ghanéens et africains à lutter efficacement contre le paludisme. »
Le communiqué ajoute que cette percée est une étape cruciale dans la réduction d'un demi-million de décès liés au paludisme et dans l'amélioration de l'état de santé de millions de personnes en Afrique.
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Le professeur Adrian Hill, directeur de l'Institut Jenner à l'Université d'Oxford. [www.jenner.ac.uk]
Le professeur Adrian Hill, chercheur principal du projet, a déclaré que le vaccin R21 est un vaccin à faible dose qui peut être fabriqué à grande échelle et à un coût modeste, ce qui permettrait de fournir des centaines de millions de doses aux pays africains qui souffrent d'un fardeau important en matière de paludisme.
Le Serum Institute of India, qui fabriquera les vaccins, indique qu'il a déjà établi des capacités de production potentielles de plus de 200 millions de doses par an.
En raison de son coût moins élevé, le vaccin R21 devrait être plus populaire que le Mosquirix, le vaccin développé par GlaxoSmithKline qui a été approuvé en premier.
Le Dr Sarpong Asiedu ne s'attend pas à ce que le vaccin contre le paludisme fasse l'objet de la même hésitation que le vaccin contre la Covid-19 au Ghana.
« Le Ghana a mis en place un programme très solide et étendu de vaccination contre les maladies infantiles [...] Le paludisme se greffera simplement sur ces programmes. En ce sens, je ne pense pas qu'il y aura beaucoup d'hésitations. Mais nous avons encore besoin de beaucoup de communication », a-t-il déclaré.
Selon le Dr Amu, l'hésitation face aux vaccins est généralement due à des rumeurs et des mythes, à un manque de confiance dans le système et le personnel de santé, et à la difficulté d'accéder aux vaccins.
« Pour réduire le niveau d'hésitation, nous devons travailler avec les chefs de communautés, les pasteurs, les imams... Nous devons impliquer les parties prenantes. Il ne doit pas s'agir d'une approche du haut vers le bas où tout est déversé sur les gens. Nous devons travailler avec les dirigeants pour qu'ils puissent communiquer avec la population », a-t-il déclaré.
« Nous devons assurer une éducation sociale. L'éducation sur les vaccins doit être dispensée au bon endroit. »
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