L'agriculture a fait parler d'elle avec les résultats des élections provinciales aux Pays-Bas

8 Mai 2023 Publié dans #Pays-Bas, #Politique

L'agriculture a fait parler d'elle avec les résultats des élections provinciales aux Pays-Bas

Judith de Vor, Réseau Mondial d'Agriculteurs*

Les plus petites graines peuvent devenir les plus grands arbres – et quelque chose de similaire semble s'être produit il y a quelques semaines lorsque les électeurs néerlandais ont porté au pouvoir un parti favorable aux agriculteurs lors des élections provinciales.

Ces résultats mettent en péril le plan environnemental controversé du gouvernement national pour la nature, qui comprend une directive sur l'oxyde nitreux axée sur les exploitations agricoles et l'agriculture. Ils montrent également comment les agriculteurs peuvent utiliser le processus démocratique pour transformer la politique d'une nation.

Le Mouvement Agriculteur-Citoyen a vu le jour il y a seulement quatre ans, lorsque les agriculteurs et les producteurs de denrées alimentaires se sont sentis frustrés par l'ambivalence de l'establishment politique à l'égard du secteur agricole. Connu sous l'abréviation néerlandaise BBB (BoerBurgerBeweging), ce nouveau parti a transformé la colère en action.

Le succès du BBB a de nombreuses origines, mais la plus importante est sans doute la détermination du gouvernement national à réduire de moitié les émissions d'azote d'ici à 2030. Il a admis qu'en allant de l'avant pour atteindre cet objectif ambitieux, la réalité serait que « les agriculteurs ne seront pas tous en mesure de poursuivre leur activité. ».

Cela a donné lieu à d'importantes manifestations : les agriculteurs ont brandi le drapeau néerlandais à l'envers, ont bloqué des routes avec des tracteurs et ont même amené leurs vaches devant le parlement de La Haye.

Je n'ai pas participé aux manifestations, mais en tant qu'éleveuse de vaches laitières dans le centre des Pays-Bas, je comprends la passion qui anime les agriculteurs. Depuis des années, les agriculteurs comme moi travaillent dur pour produire la nourriture dont notre pays a besoin, pour travailler avec la nature et pour réduire les émissions d'azote.

Mon mari et moi avons modifié le régime alimentaire de nos vaches de manière à réduire les émissions d'azote dans le fumier. Nous stockons le fumier plus longtemps et, lorsque nous l'épandons sur le sol, nous le mélangeons avec de l'eau, selon des stratégies qui réduisent les émissions. Nous avons également réduit notre dépendance à l'égard des engrais, que nous n'utilisons qu'en cas de stricte nécessité. Nous avons aussi semé du trèfle dans nos champs, car ces plantes (légumineuses) peuvent fixer l'azote de l'air.

En d'autres termes, nous nous sommes tournés vers la technologie. J'ai décrit quelques petites étapes, mais il existe aussi des techniques plus importantes. C'est une tradition dans l'agriculture néerlandaise. Comme l'a rapporté le Washington Post à l'automne dernier, une serre de la taille d'un hectare aux Pays-Bas peut produire la même quantité que quatre hectares de plein champ. Et alors que le reste du monde a besoin en moyenne de 230 litres d'eau pour produire un kilo de tomates, les agriculteurs néerlandais n'en utilisent que quatre.

La leçon à en tirer est que les meilleures solutions à nos problèmes les plus difficiles sont souvent le fruit de l'ingéniosité humaine.

Le gouvernement national a toutefois choisi une approche différente et extrême. Plutôt que de considérer les agriculteurs comme des partenaires en matière d'innovation et de conservation, il n'a pas tenu compte de nos voix et de nos points de vue en tant que collaborateurs, et il a proposé un régime réglementaire qui, s'il était adopté, empêcherait de nombreux agriculteurs de rester en activité.

Les électeurs ont réagi en s'unissant, en soutenant un nouveau parti et en demandant à chaque province de former une coalition avec d'autres partis pour former une majorité.

Le BBB a remporté le plus grand nombre de sièges dans les 12 provinces et jouera un rôle majeur en mai prochain dans la sélection des 75 sénateurs du pays.

« Les Pays-Bas ont clairement montré qu'ils en avaient assez de ces politiques », a déclaré Mme Caroline van der Plas, fondatrice du BBB. « Il ne s'agit pas seulement d'azote, mais aussi de citoyens qui ne sont pas vus, pas entendus, pas pris au sérieux. »

Elle a raison. Moins de 1 % de la population pratique l'agriculture, mais près de 30 % des électeurs ont soutenu le BBB. Parmi les personnes n'ayant aucun lien économique avec l'agriculture ou l'industrie alimentaire, près de 20 % ont soutenu le BBB.

Cela montre tout ce que les agriculteurs peuvent accomplir lorsqu'ils exploitent leur pouvoir de persuasion et communiquent bien. Dans notre cas, nous avons mêlé la démonstration publique à l'argumentation rationnelle pour remodeler le paysage politique de notre pays.

Il est trop tôt pour savoir comment ces résultats électoraux modifieront le plan du gouvernement visant à réduire radicalement les émissions d'azote par le biais d'une réglementation stricte, mais il est presque certain qu'ils changeront d'une manière ou d'une autre. Plusieurs responsables politiques nationaux affirment déjà que les calendriers de réduction des émissions d'azote ne sont pas encore fixés.

Pendant un certain temps, il a semblé que certains politiciens ne voulaient pas travailler avec nous ou nous écouter, même si beaucoup d'entre nous savent qu'il reste beaucoup à faire en matière de réduction des émissions, d'amélioration de la biodiversité, etc.

Non seulement nous continuons à faire connaître notre point de vue, mais nous sommes également prêts à travailler avec eux pour créer un avenir meilleur et plus brillant pour l'agriculture néerlandaise.

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* Judith de Vor

Éleveuse de vaches laitières dans une ferme moderne et durable où l'on produit dans le respect des animaux et de la nature. Il y a plusieurs projets visant à accroître la biodiversité.

Source : Agriculture Spoke Up with Results in the Dutch Election for Provincial Governments – Global Farmer Network

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