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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

L'agriculture « régénératrice » : la solution au changement climatique trop souvent évoquée par Alexandria Ocasio-Cortez

1 Août 2022 Publié dans #Politique, #Climat, #Agro-écologie

L'agriculture « régénératrice » : la solution au changement climatique trop souvent évoquée par Alexandria Ocasio-Cortez

 

Cameron English*

 

 

Image : Jozefm84 via Pixabay

 

 

La représentante Alexandria Ocasio-Cortez s'est récemment prononcée en faveur de l'agriculture « régénératrice » comme solution au changement climatique. Il y a peu de preuves pour justifier son plaidoyer.

 

 

Les politiciens ont une relation compliquée avec la science. Lorsqu'ils pensent que les preuves sont conformes à leurs objectifs politiques, ils aiment les scientifiques et le travail qu'ils font. En revanche, lorsque leur idéologie se heurte aux données, nos représentants se tordent de douleur pour éviter de conformer leurs opinions aux faits. Exemple concret, la représentante Alexandria Ocasio-Cortez a tweeté les commentaires suivants sur l'agriculture régénératrice le 20 juillet :

 

« De nombreuses petites exploitations agricoles utilisent désormais des techniques d'agriculture "régénératrice" que les peuples autochtones utilisent depuis des siècles – et ce faisant, ils ont peut-être trouvé la clé pour protéger l'ensemble de notre approvisionnement alimentaire mondial du changement climatique. pic.twitter.com/migH5zFsD3 »

 

- Rep. Alexandria Ocasio-Cortez (@RepAOC) 20 juillet 2022

 

Le tweet comprenait un clip d'une audience au cours de laquelle des experts triés sur le volet ont répondu à des questions faciles, donnant à l'opinion d'Ocasio-Cortez un vernis de légitimité scientifique. Cela marche bien dans les médias et génère beaucoup de likes et de retweets, mais cela ne rend pas ce qu'elle a dit vrai.

 

La réalité est que l'agriculture régénératrice, telle qu'elle est communément définie aujourd'hui, ne peut pas « protéger » l'approvisionnement alimentaire mondial du changement climatique ; elle ne peut même pas nourrir un petit pays. Pour réaliser les types de gains de durabilité décrits par Ocasio-Cortez, nous avons besoin d'une agriculture axée sur la technologie qui utilise tous les outils disponibles.

 

 

Qu'est-ce que l'agriculture régénératrice ?

 

Il est en fait difficile d'en donner une définition claire. La plupart des producteurs et des agronomes s'intéressent aux pratiques agricoles durables et efficaces qui nous permettent de nourrir davantage de personnes tout en préservant nos ressources naturelles. Mais ce n'est pas ce que les partisans de l'agriculture régénératrice veulent dire lorsqu'ils utilisent ce terme ; leur définition s'appuie souvent sur des hypothèses idéologiques. Considérez ce résumé du Natural Resources Defense Council (NRDC) :

 

« En tant que philosophie et approche de la gestion des terres, l'agriculture régénératrice nous demande de réfléchir à la manière dont tous les aspects de l'agriculture sont reliés par un réseau – un réseau d'entités qui cultivent, améliorent, échangent, distribuent et consomment des biens et des services [...] Il n'existe pas de règles strictes, mais les principes holistiques qui sous-tendent [...] l'agriculture régénératrice visent à restaurer la santé des sols et des écosystèmes, à remédier aux inégalités et à laisser nos terres, nos eaux et notre climat en meilleur état pour les générations futures. »

 

Ce sont là des objectifs admirables, mais l'utilisation d'un langage fleuri comme « principes holistiques » ne nous rapproche pas de leur réalisation. Ce défi se présente également lorsque nous essayons de définir l'« agro-écologie », un autre mot à la mode utilisé pour décrire la culture non conventionnelle. Ce qui semble réellement animer les défenseurs de ces systèmes de production alternatifs, c'est le désir de remonter le temps, comme l'ont récemment expliqué Ted Nordhaus et Saloni Shah, chercheurs au Breakthrough Institute :

 

« La quasi-totalité de la production agricole biologique sert deux populations situées aux extrémités opposées de la distribution mondiale des revenus. À une extrémité se trouvent les quelque 700 millions de personnes dans le monde qui vivent encore dans l'extrême pauvreté. Les partisans de l'agriculture durable appellent de manière fantaisiste "agro-écologie" l'agriculture pratiquée par cette population. Mais il s'agit surtout d'une agriculture de subsistance à l'ancienne, où les plus pauvres du monde tirent leur survie du sol.

 

Ce sont les agriculteurs les plus pauvres du monde, qui consacrent l'essentiel de leur travail à produire suffisamment de nourriture pour se nourrir. Ils renoncent aux engrais de synthèse et à la plupart des autres technologies agricoles modernes non pas par choix, mais parce qu'ils n'en ont pas les moyens [...] »

 

Pour que personne ne pense qu'il s'agit d'une caricature, le NRDC explique que « les agriculteurs et les éleveurs régénératifs font tout leur possible pour réduire leur dépendance à l'égard des intrants de synthèse, tels que les herbicides, les pesticides et les engrais chimiques. » Le problème de l'utilisation de cette sorte de technophobie comme principe directeur est qu'elle exclut les solutions réalisables aux problèmes que tout le monde veut atténuer.

 

Les cultures génétiquement modifiées (GE) qui nécessitent moins d'eau ou qui luttent naturellement contre des parasites sont deux outils très pratiques et innovants que les partisans du « régénérateur » dédaignent presque universellement. Rien ne justifie ce parti pris puisque la génétique d'une plante n'a pas grand-chose à voir avec la façon dont on la cultive. Quelques défenseurs de l'agro-écologie ont fait la même observation ; ils ne voient aucun problème à cultiver des plantes génétiquement modifiées selon les principes de l'agro-écologie.

 

Il en va de même pour les pesticides à faible toxicité. L'utilisation généralisée du désherbant glyphosate, le croque-mitaine de l'environnementalisme moderne, a permis à de nombreux agriculteurs de réduire ou d'éliminer le travail du sol pour lutter contre les mauvaises herbes, réduisant ainsi considérablement leurs émissions de CO2. Les variétés tolérantes à des herbicides introduites dans les années 1990 ont accéléré l'adoption de l'agriculture sans travail du sol ou à travail réduit.

 

Rien qu'en 2018, les agriculteurs qui ont cultivé ces plantes génétiquement modifiées ont réduit leurs émissions de carbone de 23 milliards de kilotonnes, soit l'équivalent du retrait de 15,3 millions de voitures de la route. Le NRDC a reconnu la valeur de l'agriculture de conservation des sols, la qualifiant de « technique qui laisse le sol intact lors du semis plutôt que de perturber le sol par le labour ». Mais le groupe a également dénoncé le glyphosate comme « un herbicide toxique ».

 

Cela ne veut pas dire que les produits agrochimiques n'ont pas d'impact négatif sur l'environnement, car ils en ont certainement. Mais cette externalité doit être mise en balance avec les énormes augmentations de production que permettent les pesticides et les engrais, qui réduisent la superficie des terres que nous consacrons à l'agriculture tout en nourrissant davantage de personnes.

 

Quoi qu'il en soit, la solution ne consiste pas à interdire des technologies qui ont fait la preuve de leur efficacité. Nous devons plutôt concevoir de nouvelles solutions qui s'appuient sur des innovations antérieures. Le résultat final est un système alimentaire de plus en plus durable. C'est le concept clé qu'Ocasio-Cortez et d'autres idéologues loupent lorsqu'ils s'épanchent sur les « techniques agricoles régénératrices ». Laissons à Nordhaus et Saloni le dernier mot :

 

« […] les problèmes liés à l'agriculture intensive en produits chimiques et à grande échelle ne manquent pas. Mais les solutions à ces problèmes – qu'il s'agisse d'innovations permettant aux agriculteurs d'apporter des engrais plus précisément aux plantes au moment où elles en ont besoin, de traitements microbiens du sol issus de la bio-ingénierie qui fixent l'azote dans le sol et réduisent le besoin d'engrais et la perturbation du sol, ou de cultures génétiquement modifiées qui nécessitent moins de pesticides et d'herbicides – seront technologiques, donnant aux agriculteurs de nouveaux outils au lieu de supprimer les anciens qui se sont avérés essentiels à leurs moyens de subsistance. »

 

_____________

 

Cameron English, directeur de Bioscience

 

Cameron English est auteur, éditeur et co-animateur du podcast Science Facts and Fallacies. Avant de rejoindre l'ACSH, il était rédacteur en chef du Genetic Literacy Project.

 

Source : 'Regenerative' Farming: AOC's Over-hyped Climate Change Solution | American Council on Science and Health (acsh.org)

 

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J
« un Kerbicide toxique » avec un "K" ???
Répondre