Les groupes anti-OGM et pro-bio se défaussent de la responsabilité du désastre de l'agriculture biologique au Sri Lanka
Cameron English*
Image : geralt via Pixabay
Les groupes anti-OGM et anti-pesticides ont essayé de se distancier de l'instabilité politique au Sri Lanka, alimentée en grande partie par les politiques désastreuses d'agriculture biologique qu'ils ont conseillées au pays de poursuivre.
Le Sri Lanka a mené une expérience diabolique sur ses citoyens l'année dernière. Sous l'influence de militants de l'agriculture biologique idiots, le gouvernement a interdit l'importation de pesticides et d'engrais de synthèse dans le cadre d'une transition vers une agriculture entièrement biologique, laissant la grande majorité des agriculteurs sans accès aux outils essentiels qu'ils utilisent pour produire les cultures dont leur pays dépend. Des sondages effectués à l'époque ont montré que la plupart des agriculteurs ne savaient pas comment pratiquer l'agriculture biologique.
Le résultat de l'expérience du Sri Lanka était prévisible et tragique : environ un tiers des terres agricoles de la Nation insulaire ont été laissées en sommeil en 2021 ; les agriculteurs ont perdu des centaines de millions de dollars de revenus nécessaires et il n'y avait pas assez de nourriture pour tout le monde. Comme je l'ai expliqué en septembre dernier, le gouvernement a fait ce que la plupart des gouvernements font en temps de crise : il a détourné le regard, rejetant sur les autres la responsabilité des privations causées par ses politiques :
« Le président a nommé un ancien général de l'armée pour servir de "commissaire général des services essentiels" et confisquer les produits agricoles des "accapareurs". Le gouvernement a ensuite mis en place un contrôle des prix de ces produits "afin de protéger les consommateurs", ce qui, comme on le sait, a toujours provoqué et exacerbé les pénuries. Beau travail, commissaire. »
La faim peut pousser les gens à l'action radicale, comme l'a montré la population du Sri Lanka au début du mois. « Des manifestants nagent dans la piscine du président sri-lankais », a rapporté Sky News le 11 juillet, « et préviennent qu'ils resteront jusqu'à ce qu'il quitte ses fonctions ». Le président Gotabaya Rajapaksa a fui le pays deux jours plus tard. NBC News a résumé le chaos qui s'est installé quelques heures plus tard :
« Depuis six mois maintenant, la crise économique du Sri Lanka – la pire depuis son indépendance de la Grande-Bretagne en 1948 – s'aggrave de jour en jour. La mauvaise gestion financière, l'importance de la dette extérieure et les chocs économiques ont fait que cette Nation insulaire d'Asie du Sud, qui compte 22 millions d'habitants, n'a plus assez d'argent pour payer les importations de nourriture, de carburant, de médicaments et d'autres produits essentiels. Le mois dernier, les Nations Unies ont déclaré que la situation risquait de se transformer en une véritable crise humanitaire. »
Le Dr Alex Berezow, rédacteur en chef de BigThink et conseiller de l'ACSH, l'a exprimé plus crûment :
L'instabilité politique du Sri Lanka va au-delà de ses politiques agricoles, mais nous savons qu'il s'agit d'un aspect essentiel du tumulte ; doubler le prix des aliments de base a tendance à avoir un effet déstabilisant. Les groupes d'activistes de l'agriculture biologique n'ont pas manqué d'en tenir compte non plus. À l'instar des dirigeants du pays, ils se sont empressés de détourner la responsabilité des pénuries alimentaires qui secouent le pays. La Soil Association, basée au Royaume-Uni, a par exemple tweeté :
« Nous dirions qu'un élément essentiel de toute transition d'envergure est une planification appropriée et du temps pour effectuer cette transition. Nous ne préconiserions jamais qu'un pays comme celui-ci passe au bio du jour au lendemain. Il y a beaucoup de leçons à tirer du Sri Lanka, mais "vous voyez, le bio, ça ne marche pas" n'en fait pas partie. »
Vous voyez, ils n'ont pas fait les choses correctement. Si le Sri Lanka avait seulement pris une décennie pour recycler ses agriculteurs dans la production biologique et préparer ses citoyens aux baisses de rendement massives qui accompagnent l'abandon de l'agriculture moderne, alors ils seraient en route vers un paradis vert.
Plaît-il ?
C'est un récit stupide, pour sauver la face. Prenez 10 ans ou prenez 100 ans, ça n'a pas d'importance. Le problème n'est pas la période de transition, mais les méthodes de production que les agriculteurs sont censés utiliser. Nous savons que l'agriculture biologique ne peut à elle seule produire la quantité d'aliments dont nous avons besoin pour nourrir la planète. Les recherches ont été faites, les preuves sont là. Tout cela était connu bien avant le déroulement des événements au Sri Lanka. Les agronomes du pays le savaient, et ils ont été ignorés.
Entre parenthèses, personne n'a dit à l'avance au Sri Lanka que son expérience du tout biologique se solderait par un désastre. C'est la « rock star » anti-OGM Vandana Shiva qui a encouragé le pays à prendre les mesures dramatiques qu'il a prises. Et vous ne devinerez jamais qui collabore fréquemment avec la Soil Association... Voici un rapport de l'association présentant les récriminations de Shiva à propos de l'agriculture « industrielle" ». L'association a également parrainé en juin 2021, juste avant que la situation au Sri Lanka ne commence à s'aggraver, une conférence qui a mis en évidence l'argument de Shiva selon lequel
« L'agriculture régénératrice apporte des réponses à la crise des sols, à la crise alimentaire, à la crise climatique et à la crise de la démocratie. »
Le Sri Lanka n'est que le dernier exemple en date de ce qui se passe lorsque l'on permet à des militants technophobes d'élaborer des politiques : le monde s'appauvrit et davantage de personnes souffrent de la faim. Les groupes anti-pesticides et les défenseurs de l'alimentation biologique continueront à prendre leurs distances avec le chaos qui s'ensuit, mais ils doivent être tenus responsables des conséquences de leur idéologie.
Les agriculteurs n'ont pas demandé l'interdiction des produits agrochimiques, ni le public – c'est Vandana Shiva qui l'a fait. Elle et ses alliés doivent des excuses aux Sri Lankais, et peut-être plusieurs dons massifs pour les aider à reconstruire leur économie. Après cela, ils devraient suivre l'exemple de l'ancien président et trouver de nouveaux jobs.
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* Cameron English, directeur de Bioscience
Cameron English est auteur, éditeur et co-animateur du podcast Science Facts and Fallacies. Avant de rejoindre l'ACSH, il était rédacteur en chef du Genetic Literacy Project.