Pour une communication responsable et efficace
André Heitz*
Contrairement à une opinion qui a pris souche dans les milieux de l'agriculture majoritaire, celle qui nous nourrit (encore), l'opération des panneaux d'entrée de commune retournés a été un désastre.
Cette superbe idée a été gâchée car il a manqué deux ingrédients essentiels : l'opération, partie des JA du Tarn, s'est étendue au petit bonheur la chance à la France entière ; il aurait fallu une action « coup de poing » nationale. Et elle n'a bénéficié d'aucune communication d'envergure pour faire comprendre les problèmes à la population et pas seulement aux instances qui nous gouvernent.
Le problème est plus général : cette agriculture peine à trouver les relais médiatiques au-delà de sa bulle. Quel contraste avec les milieux qui la critiquent ! Il y a là un grand chantier à mener à bien.
Dans le même temps, nous avons vu ressurgir des images consternantes de manifestations relevant, osons-le dire, du vandalisme. Elles soulagent peut-être temporairement des frustrations bien compréhensibles, mais elles ne font pas avancer les dossiers comme il le faudrait.
Il est grand temps de comprendre, et de faire comprendre, que l'adhésion du grand public aux causes des agriculteurs est un puissant levier dans ce qui relève encore en partie de la co-gestion des affaires agricoles. Crépir les murs de bâtiments publics avec du lisier n'y contribue pas, au contraire.
Tout comme cela érode la légitimité de la profession agricole, surtout aux yeux des activistes et du grand public (et sans doute aussi des autorités administratives et judiciaires), à réclamer des mesures et des sanctions exemplaires contre les atteintes aux personnes et aux biens des milieux agricoles. Chacun sait, ou devrait savoir, que les mouvements de contestation s'organisent et prennent une ampleur inquiétante.
Je regarde autant que possible le « journal météo-climat » de France 2 pour la dose d'adrénaline que déclenchent souvent les inepties qui y sont diffusées. J'ai maintenant aussi ma dose avec la publicité d'un sponsor – un groupement de producteurs qui fait sa promotion en se prévalant d'une « agriculture responsable ». Ce genre de message est tout compte fait de l'agribashing qui affecte les autres producteurs et finira par se retourner aussi contre ceux qui l'utilisent.
Il serait utile que la profession agricole élabore un code de bonne conduite « en direction de » – c'est un clin d'œil à Anaïs Baydemir, qui abuse de cette locution – ses membres et, plus généralement, de la filière agroalimentaire. Cela pourrait s'adosser à une instance consultative pour promouvoir les bonnes pratiques.
Il y a bien des façons de faire le lien avec les citoyens électeurs-consommateurs et de faire comprendre les enjeux qui sont en fait aussi les leurs. Ils en avaient pris conscience lors de la crise de la Covid, mais ont un peu oublié, et la guerre en Ukraine a été un rappel de courte durée.
Afficher, au moment des moissons, le nombre d'équivalents-baguette transportés au cul d'une benne en route pour le silo, c'est sans doute une nouvelle dose de rappel pour des automobilistes impatients et peut-être agacés par la lenteur de l'attelage.
Notre limite, c'est notre imagination et notre engagement. En 2018, les JA de Haute-Saône avaient procédé à une belle campagne d'affichage [1]. Avec par exemple : « Je cultive mon territoire et façonne les paysages pour vous nourrir ». N'est-ce pas un beau, juste et indispensable message ?
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[1] Voir : Communication : Les JA de la Haute-Saône à l’affiche (lafranceagricole.fr) et Les jeunes agriculteurs s'affichent en grand format sur les routes de Haute-Saône (francetvinfo.fr)
* Une version de cet article a été publiée dans la France Agricole du 5 janvier 2024.