Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate et science militante selon le groupe Nature... et le Monde

22 Septembre 2023 Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Article scientifique, #critique de l'information, #Activisme

Glyphosate et science militante selon le groupe Nature... et le Monde

 

 

(Source)

 

 

Une étude scientifique trouve un lien entre présence d'une substance – les neurofilaments à chaîne légère (NfL) – liée à des maladies dégénératives neuronales dans le sang et la présence de glyphosate dans les urines de quelque 600 personnes aux États-Unis d'Amérique. C'est un lien statistiqueet non de cause à effet – « extrêmement surprenant » selon un spécialiste des NfL. Les niveaux de NfL ne sont pas pathologiques...

 

Mais c'est suffisant pour agiter le spectre d'un désastre sanitaire dans l'article scientifique... et encore plus dans le Monde.

 

 

Musardons un peu en guise d'introduction

 

Vous avez peut-être vu ou entendu parler d'une mise en cause de la « réputée revue Nature » qui serait percutante si l'opération avait été correctement menée. Le Parisien en a rendu compte dans « Changement climatique : un scientifique déclenche un tollé en accusant la réputée revue Nature d’être partiale ».

 

Selon le chapô :

 

« "J’ai omis de dire toute la vérité pour que mon article sur le changement climatique soit publié", assure l’expert américain Patrick Brown. Une méthode qui a scandalisé ses pairs. »

 

Et, en légende d'une photo :

 

« L'expert américain raconte comment, dans une étude sur les incendies de forêts, il s'est délibérément focalisé sur le rôle du réchauffement climatique dans l'augmentation des risques tout en n'étudiant pas sciemment la contribution d'autres facteurs potentiels, comme la gestion des terres. »

 

Je n'ai rien vu d'autre dans les médias français – qui se distinguent en l'occurrence de ceux du monde anglophone. Rien en particulier dans le journal qui fut de référence.

 

 

Un article scientifique...

 

En revanche, un des distingués contributeurs des pages « Planète » m'a mis sur la piste de « Association between urinary glyphosate levels and serum neurofilament light chain in a representative sample of US adults: NHANES 2013–2014 » (association entre les niveaux de glyphosate urinaire et de neurofilaments à chaîne légère sériques dans un échantillon représentatif d'adultes américains : NHANES 2013-2014).

 

C'est d'An-Ming Yang, Pei-Lun Chu, ChiKang Wang et Chien-Yu Lin, une équipe taïwanaise dont trois membres ont déjà attiré notre attention. Et c'est publié dans Journal of Exposure Science & Environmental Epidemiology, du groupe Nature.

 

C'est derrière un péage, mais voici le résumé :

 

« Contexte

 

Le glyphosate, l'herbicide le plus utilisé dans le monde, a été associé à des troubles neurologiques dans certaines études professionnelles. La chaîne légère des neurofilaments (NfL) est une protéine qui est libérée dans la circulation sanguine à la suite de lésions neuroaxonales et qui s'est révélée être un biomarqueur fiable pour divers troubles neurologiques. Toutefois, aucune étude n'a examiné le lien potentiel entre l'exposition au glyphosate et les lésions neurologiques ou les niveaux sériques de NfL dans la population générale.

 

Objectif de l'étude

 

L'objectif de cette étude était d'évaluer la corrélation possible entre l'exposition au glyphosate et les niveaux sériques de NfL dans une population représentative des États-Unis.

 

Méthodes

 

Nous avons analysé les données de 597 adultes (âgés de ≥20 ans) de l'enquête nationale sur la santé et la nutrition (NHANES) de 2013-2014 afin d'explorer la corrélation potentielle entre les niveaux de glyphosate urinaire et les niveaux de NfL sériques.

 

Résultats

 

Nous avons trouvé une association positive significative entre les niveaux de glyphosate urinaire et les niveaux sériques de NfL (coefficient ß = 0,110 ; S.E. = 0,040 ; P = 0,015), ce qui indique que des niveaux plus élevés d'exposition au glyphosate peuvent être liés à des niveaux plus élevés de dommages neuroaxonaux. En outre, lorsque les niveaux de glyphosate ont été divisés en quintiles, nous avons observé une tendance significative à l'augmentation des concentrations moyennes de NfL avec des quintiles croissants d'exposition au glyphosate (P pour la tendance = 0,036). Notamment, l'association était plus prononcée dans certains sous-groupes, notamment les personnes âgées de ≥40 ans, les Blancs non hispaniques et les personnes dont l'IMC était compris entre 25 et 30.

 

Déclaration d'impact

 

Il s'agit de la première étude suggérant une association entre l'exposition au glyphosate et des biomarqueurs indiquant des dommages neurologiques chez les adultes américains en général. Si la corrélation observée est causale, elle soulève des inquiétudes quant aux effets potentiels de l'exposition au glyphosate sur la santé neurologique des adultes américains. L'étude est remarquable en raison de sa représentation des adultes américains âgés de 20 ans et plus, ainsi que de l'utilisation de données fiables et complètes provenant de la base de données NHANES. »

 

Faisons dans le complotisme – gardant à l'esprit l'aphorisme de Michel Rocard : « Toujours préférer l'hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot exige un esprit rare » ou, ici, la simple coïncidence : publié le 6 septembre 2023, il arrive tout de même drôlement à point nommé...

 

 

...militant à mon goût

 

Je me garderai bien de commenter le fond de l'article, en étant bien incapable.

 

Quoique... Cela m'intrigue d'apprendre que « l'association était plus prononcée dans certains sous-groupes, notamment les personnes âgées de ≥40 ans, les Blancs non hispaniques et les personnes dont l'IMC était compris entre 25 et 30 ».

 

Par quel merveilleux et mystérieux mécanisme cela se fait-il ? Le glyphosate et les NfL font-ils une sorte de wokisme ? Et si l'association est fortuite (comme je le suppute), pourquoi ne serait-elle pas aussi fortuite dans l'ensemble de la (somme toute petite) population étudiée ?

 

Mais il y a une phrase du résumé qui suscite étonnement et, tout compte fait, indignation :

 

« Si la corrélation observée est causale, elle soulève des inquiétudes quant aux effets potentiels de l'exposition au glyphosate sur la santé neurologique des adultes américains. »

 

Voilà un échafaudage branlant d'hypothèses. Les auteurs ne savent pas si la corrélation est causale, ils n'ont visiblement pas de données précises sur les effets – qui sont « potentiels » –, ils doivent bien être conscients que leurs résultats doivent être confirmés... mais ils font déjà état d'« inquiétudes ».

 

C'est totalement gratuit.

 

Mais c'est de nature à favoriser la publication (dans une revue du « prestigieux » groupe Nature...) et l'instrumentalisation de leur article. Bref, c'est du militantisme à l'état pur.

 

 

Et voici l'instrumentalisation...

 

Et ça plaît à M. Stéphane Foucart.

 

 

(Source)

 

 

Ça plaît tellement qu'il en a fait un article publié en version électronique le 20 septembre 2023... et qui tombe à pic avec la publication de la proposition de la Commission Européenne de renouveler l'autorisation du glyphosate pour une durée de dix ans (mais peut-être est-ce le timing de l'annonce européenne qui était malencontreux...).

 

 

(Source)

 

 

Le titre est suggestif : « Le glyphosate lié à une élévation des marqueurs de dégâts neurologiques, selon une étude ».

 

Un titre se doit évidemment d'être bref. Mais que comprend le lecteur lambda ? Une relation de cause à effet...

 

Le chapô est encore plus suggestif :

 

« Des travaux montrent une association entre l’exposition à la molécule et la présence dans le sang ou les urines de substances sécrétées en cas de lésions neuronales comme les maladies d’Alzheimer, de Parkinson, ou la sclérose en plaques. »

 

Dans le corps de l'article, l'auteur ajoute encore la maladie de Charcot (sclérose latérale amyotrophique).

 

Nous ne sommes pourtant pas tous atteints par ces maladies, malgré la présence, prétendument ubiquitaire, du glyphosate sur le marché et dans notre environnement depuis près de cinquante ans, et même dans nos urines. Il convient donc de louvoyer et d'enfumer, avec l'aide des auteurs de l'étude décidément fort militants :

 

« Chez les patients atteints de certaines maladies neurodégénératives, ou après un accident vasculaire cérébral, les taux de NfL sont très élevés. Ceux relevés sur les individus de la cohorte NHANES ne sont pas pathologiques, mais, en se fondant sur d’autres travaux récents, les chercheurs écrivent que les niveaux de base de ce biomarqueur sont "un facteur prédictif important de la perte future de volume cérébral". "Cela suggère l’existence d’un lien entre les niveaux de NfL et les pathologies cérébrales subcliniques [dont les symptômes majeurs ne sont pas encore visibles]", ajoutent-ils. »

 

Notez bien que, dans ce paragraphe, il n'est nulle question de glyphosate.

 

Et, à lire cet article du Quotidien du Médecin, c'est plutôt l'évolution du niveau qui est prédictive...

 

 

Les niveaux « ne sont pas pathologiques, mais... »

 

Godillons encore avec trois spécialistes des NfL, co-auteurs d'une synthèse [manuscrit annoté].

 

Le premier, M. Jens Kuhle, trouve que « [c]e sont des résultats extrêmement surprenants » et s'exprime avec une grande précaution oratoire. Pour la troisième, Mme Charlotte Teunissen, l’étude est « bien réalisée » et la relation mise au jour est « convaincante ».

 

Mais, écrit M. Stéphane Foucart :

 

« Les trois spécialistes interrogés insistent sur le fait qu’une telle étude ne peut que mettre en évidence une corrélation et ne démontre pas formellement la causalité. »

 

Procédé bien connu... on ne pourra pas dire qu'il n'a pas précisé qu'on reste au niveau de la corrélation.

 

Procédé bien connu... « ...formellement la causalité » est une formule de marchand de doute, ou de suggestions insistantes, voire de convictions : la preuve n'est pas formelle, mais...

 

Avec le troisième spécialiste, M. Michael Khalil, il aura décroché la timbale. Celui-ci a précisé, à juste titre (en admettant que la corrélation ne soit pas fortuite et en n'atttendant pas une confirmation), que :

 

« Il faudrait désormais explorer la causalité grâce à des travaux expérimentaux sur des modèles biologiques. »

 

Mais il déclare par ailleurs :

 

« Ces travaux mettent en évidence une corrélation significative et méritent d’être portés à l’attention du public et des autorités chargées de la santé publique. »

 

Ben voyons ! Créons déjà la panique dans le public... Insistons auprès des autorités... précisément quand l'autorisation du glyphosate est sur la sellette dans l'Union européenne...

 

Et l'article de M. Stéphane Foucart se termine par des considérations bien anxiogènes se fondant sur des déclarations des auteurs de l'étude et de Mme  Charlotte Teunissen.

 

Conclusion, avec Mme Charlotte Theunissen :

 

« S’ils soulignent la possibilité que des risques liés à l’herbicide soient jusqu’ici passés sous le radar, ces travaux ouvrent de nombreuses questions. Les niveaux élevés de NfL sont les marqueurs les plus spécifiques de dégâts sur les neurones, souligne ainsi Charlotte Teunissen, mais la zone touchée – système nerveux central ou périphérique – de même que le type de dégât restent à éclaircir. »

 

Oui... Mais c'est une déclaration très générale. Le résumé de l'article scientifique ne nous précise pas quels sont les niveaux qui ont été relevés – nous devons nous contenter d'un coefficient ß et de deux valeurs de P.

 

Et M. Stéphane Foucart nous a bien précisé, noyé dans son article, que :

 

« les taux de NfL [...] relevés sur les individus de la cohorte NHANES ne sont pas pathologiques ».

 

Oups !

 

« ...ne sont pas pathologiques, mais... ».

 

Quel art ! Je tire mon chapeau !

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
Comment des taiwanais font ils des études sur des blancs non hispaniques?<br /> FInalement il y a des tests pour le glyphosate dans les urines ou c'est toujours l'AMPA qui est testée?
Répondre
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Les auteurs ont utilisé des données issues d'une cohorte américaine.<br /> <br /> Pour les urines, il me semble que c'est bien le seul glyphosate qui a été recherché.