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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

PFAS ou  « polluants éternels »​​​​​​​ : le filet de poisson toxique de l'Environmental Working Group (EWG)

30 Mars 2023 Publié dans #Toxicologie, #Activisme, #PFAS (per- et polyfluoroalkylées - "polluants éternels")

PFAS ou  « polluants éternels » : le filet de poisson toxique de l'Environmental Working Group (EWG)

 

Chuck Dinerstein*

 

 

Image : DanaTentis de Pixabay

 

 

Ma note : En France, Générations Futures gesticule aussi sur les PFAS, mais dans les eaux de surface.

 

« Manger un bar équivaut à boire de l'eau contaminée par des PFOS pendant un mois ». Ce sont les mots de Scott Faber, vice-président senior pour les affaires gouvernementales de l'Environmental Working Group. C'est le message d'une étude de l'EWG, soigneusement élaborée pour susciter la peur et orienter la science réglementaire. Cela exige une réponse soigneusement élaborée – voici la mienne.

 

 

L'étude de l'EWG, publiée dans Environmental Research, est un modèle. Plutôt que de mesurer réellement les niveaux sériques de PFOS [acide perfluorooctanoïque et ses dérivés], le groupe s'est contenté de mesurer la quantité de PFOS dans un poisson multipliée par le nombre de poissons consommés en une semaine et de calculer un niveau sérique. Tous les modèles simplifient la réalité en émettant des hypothèses ; la fidélité de ces hypothèses au monde réel permet de mesurer dans quelle mesure le modèle reflète la réalité. Examinons certaines des hypothèses de l'EWG.

 

 

La dose fait le poison

 

La pharmacocinétique des PFOS chez l'homme reste, au mieux, une science incertaine. L'étude de l'EWG admet qu'« aucune mesure directe de l'absorption des PFOS par le tractus gastro-intestinal n'a été effectuée chez l'Homme ».

 

Le modèle de l'EWG, fondé sur une chaîne d'événements, prédit que plus la consommation de poisson d'eau douce est importante, plus le taux sérique de PFOS augmente. Deux hypothèses clés dans cette chaîne sont problématiques :

 

  • Aucun PFOS n'est éliminé par la cuisson ;

  • La concentration de PFOS dans le poisson d'eau douce est constante et connue.

 

L'hypothèse selon laquelle aucun PFOS n'est éliminé par la cuisson est fausse. Comme le rapporte une étude parue dans Food Science and Nutrition, la façon dont le poisson est préparé fait une différence : le lavage a éliminé 74 % des PFOS, tandis que la cuisson a permis d'autres réductions : « grillage (91 %), cuisson à la vapeur (75 %), friture (58 %) et braisage (47 %) par rapport à l'échantillon non cuit ».

 

Pourtant, les auteurs de l'EWG affirment :

 

« Les calculs dans le cadre de la présente étude [...] supposent que la cuisson n'a pas d'impact matériel sur les PFAS et que 100 % des PFAS mesurés dans les filets entraîneront une exposition et auront ensuite un impact sur les niveaux sériques. Cela pourrait potentiellement surestimer l'exposition » [c'est nous qui graissons].

 

Ils « savaient » cela parce que la citation dans l'étude suggère que la cuisson des poissons et fruits de mer réduit les PFAs de 29 % sur la base d'une méta-analyse.

 

Pour calculer notre exposition aux PFOS, l'EWG avait besoin de connaître la quantité potentielle de PFOS contenue dans les poissons d'eau douce. Il a utilisé deux évaluations de l'EPA, la National Rivers and Streams Assessment (NRSA) réalisée tous les cinq ans, et la Great Lakes Human Health Fish Fillet Tissue Study de 2015. Il y avait un large éventail de valeurs dans ces ensembles de données, comme l'écrit l'EWG :

 

« Dans les deux ensembles de données de l'EPA, le total PFAS le plus faible était de 425 ng/kg et le plus élevé de 286.767 ng/kg. La moyenne des PFAS totaux était de 20.870 ng/kg et la médiane de 11.880 ng/kg. [...] les échantillons de poissons prélevés dans le cadre de la Great Lakes Human Health Fish Fillet Tissue Study ont révélé des niveaux globalement plus élevés de PFOS et de la somme totale des composés perfluorés détectés par rapport à la National Rivers and Streams Assessment. »

 

 

 

 

À son crédit, l'EWG fournit ces données dans les informations supplémentaires. D'un autre côté, ils ont recours à une astuce flagrante. J'ai pris un moment pour créer un histogramme de ces valeurs afin que vous puissiez mieux voir à quel point les données sont faussées – vers la gauche, vers des valeurs plus faibles.

 

Les chercheurs de l'EWG ont fait preuve de discernement et ont utilisé la médiane dans leurs calculs. L'utilisation du mode, de la valeur la plus fréquente, aurait décuplé leurs estimations. L'utilisation de la médiane est un choix « conservateur » mais introduit une incertitude significative, surestimant les niveaux de PFOS chez certaines espèces et les sous-estimant chez d'autres. Le jugement de l'EWG, qui consiste à utiliser la médiane, a « truqué les comptes », ainsi que les poissons.

 

Une autre source d'incertitude, signalée par les chercheurs de l'EWG, est que les données sur les PFOS datent de dix ans.

 

« Par rapport aux données recueillies par l'EPA en 2008-2009, les niveaux médians de PFOS ont diminué de 30 % dans l'ensemble des données actuelles recueillies seulement cinq ans plus tard. Avec la diminution de l'utilisation des PFOS dans le commerce, il est possible que les niveaux de PFOS dans les poissons aient continué à diminuer, et que nos impacts sériques modélisés soient une surestimation du niveau médian actuel d'exposition. » [c'est nous qui graissons]

 

Donc, en fait, l'EWG ajoute des niveaux de PFOS surestimés à des niveaux déjà surestimés – ce qui n'est pas vraiment la marque d'une science solide.

 

 

Quelle quantité de poisson mangeons-nous ?

 

Bonne question. L'enquête NHANES impliquant des rappels d'aliments a estimé notre consommation de poissons et fruits de mer à environ 18 g/jour ; un gros mangeur de poissons et fruits de mer en consomme une fois ou plus par semaine. Comme le note correctement l'EWG :

 

« L'impact sur le sérum de l'exposition aux PFAS par la consommation de poisson peut dépendre de la quantité de poisson consommée d'origine commerciale par rapport au poisson pêché localement. »

 

En effet, les poissons et produits de la mer d'origine commerciale contiennent très peu de PFOS, et c'est précisément la raison pour laquelle l'EWG se concentre sur les poissons d'eau douce, ce qui gonfle encore la quantité totale de produits chimiques que nous pouvons consommer. La plupart des poissons d'eau douce de nos lacs et cours d'eau ne sont pas commercialisés, mais sont consommés par les pêcheurs à la ligne ; seuls 5 % de nos poissons et fruits de mer répondent à ces critères.

 

Voyez-vous le modèle ici ?

 

Selon l'enquête nationale de 2016 sur la pêche, la chasse et les loisirs associés à la vie sauvage du US Fish and Wildlife Service, 30,1 millions d'Américains pêchent en eau douce ; 18 % d'entre eux pêchent dans les Grands Lacs, que l'EWG a désignés comme présentant certains des niveaux de PFOS les plus élevés au niveau national. Il s'avère que tous les poissons capturés ne sont pas conservés. Les pêcheurs à la ligne ont tendance à garder pour eux ou à partager avec leur famille et leurs amis certaines espèces, comme le saumon et le poisson-chat, plus que d'autres – environ 60 % des poissons d'eau douce sont « capturés et remis à l'eau ».

 

L'Estimated Fish Consumption Rates for the US Population and Selected Subpopulations de l'EPA rapporte que le 50e percentile des Américains mangeant du poisson d'eau douce consomme 35 grammes par semaine, tandis que le 90e percentile, les grands consommateurs de poisson d'eau douce, en consomment 210 grammes par semaine. Ils notent que « les taux de consommation récréative ou d'auto-récolte varient selon les régions et sont mal connus, en particulier pour les consommateurs fréquents, ce qui rend difficile de soutenir des évaluations à l'échelle nationale ». [1]

 

« Une consommation hebdomadaire de poisson commercial aurait un impact sur les taux sériques environ deux fois moins important qu'une seule portion de poisson d'eau douce par an, d'après les résultats de l'U.S. EPA... »

 

 

 

 

Il y a peu d'inquiétude à avoir pour les plus de 90 % d'entre nous qui ne sont pas des pêcheurs à la ligne. Pour les pêcheurs, cela dépend de la quantité de poissons qu'ils consomment sur une année. Selon l'étude de l'EPA sur notre consommation de poisson, les 5 % de pêcheurs à la ligne les plus importants, ainsi que leur famille et leurs amis, qui mangent du poisson pêché localement, consommeraient le poisson toxique de l'EWG. Nous parlons d'environ 3 millions d'individus.

 

 

La pêche de subsistance

 

Permettez-moi de souligner rapidement que 3 millions d'individus à risque ne sont pas insignifiants, mais cela relativise certainement le fait que « manger un bar équivaut à boire de l'eau contaminée par des PFOS pendant un mois ». Les personnes les plus menacées sont celles qui pêchent pour mettre de la nourriture sur la table, non pas comme une friandise, mais comme leur subsistance quotidienne. Ces personnes en situation d'insécurité alimentaire sont souvent les mêmes que les Américains autochtones qui continuent à pêcher pour des raisons culturelles. La pêche de subsistance est fréquente chez les Américains indigènes du Nord-Est et de l'Alaska ; dans les zones rurales de l'Alaska, près de 100 % des ménages pratiquent la pêche de subsistance. La pêche de subsistance est également présente dans nos zones urbaines ; une étude sur la pêche dans la baie de Tampa a suggéré que 11 % des pêcheurs à la ligne étaient des pêcheurs de subsistance. Par conséquent, la détermination de leur nombre est complexe, il est donc juste de dire que le chiffre de 3 millions que j'ai proposé pourrait augmenter ou diminuer si ces individus étaient facilement identifiables. Plus important encore, l'étude de l'EWG ne se concentre pas sur cette population, donc au-delà de dire qu'ils sont ceux qui courent le plus grand risque, nous ne pouvons pas du tout quantifier ce risque.

 

 

Une analogie et peut-être un tour de passe-passe ?

 

Contrairement à nos agences de santé publique, l'EWG sait élaborer un message mémorable. Dans le cas présent, il s'agit d'une analogie entre la consommation d'un poisson de 225 grammes et la consommation d'un mois d'eau « contaminée ».

 

 

 

 

Le tableau 2 montre une exposition croissante à des poissons de plus en plus « toxiques ». Mais l'analogie du groupe utilise une valeur issue de tests de la FDA, non pas sur des poissons d'eau douce, mais sur des poissons et fruits de mer disponibles dans le commerce. Cet ensemble de données particulier est faussé par la présence de palourdes importées de Chine. [2]

 

Les tests de la FDA sont conformes à la moyenne pour les poissons d'eau douce, mais si nous devions utiliser la médiane, comme cela a été le cas dans le rapport de l'EWG, cette même portion de 8 onces (225 grammes) serait équivalente à deux fois la quantité d'eau, soit deux mois d'eau potable.

 

Il s'agit peut-être d'un point discutable, car l'« avis sanitaire provisoire de l'EPA concernant les PFOS dans l'eau potable, [...] suppose que 80 % de l'exposition provient de sources autres que l'eau potable ». [3] Le poisson, commercial ou récréatif, n'est pas une source d'eau potable, les valeurs acceptables sont donc plus élevées.

 

 

Conflits d'intérêts

 

Les auteurs déclarent dans une déclaration soigneusement rédigée qui mérite un moment d'attention qu'ils « n'ont pas d'intérêts financiers concurrents connus ou de relations personnelles qui auraient pu sembler influencer le travail rapporté dans cet article ».

 

Tous les conflits ne sont pas financiers ou sociaux. Tous les auteurs travaillent ou ont travaillé pour l'EWG. La « conceptualisation » de l'étude a été réalisée par un employé de l'EWG, et le seul universitaire était un stagiaire de mai à août 2022. Y avait-il un objectif commun qui pourrait influencer le récit présenté ?

 

 

 

« Si vous mangez du poisson pêché par votre famille ou vos amis, vérifiez les avis sur les poissons. S'il n'y a pas d'avis, ne mangez qu'une portion et aucun autre poisson cette semaine-là. Certains poissons pêchés par la famille et les amis, comme les grosses carpes, les poissons-chats, les truites et les perches, sont plus susceptibles de faire l'objet d'avis sur les poissons en raison de la présence de mercure ou d'autres contaminants. Les avis de l'État vous indiqueront à quelle fréquence vous pouvez consommer ces poissons en toute sécurité. »

 

Tout bien considéré, il s'agit d'un ensemble d'hypothèses, de calculs et de conclusions louches.

 

______________

 

[1] « ...les taux de consommation les plus faibles ont été enregistrés chez les adultes du Midwest intérieur (12,4 g/jour ; 0,44 oz/jour) et des Grands Lacs intérieurs (14,6 g/jour ; 0,52 oz/jour), et les taux de consommation les plus élevés ont été enregistrés chez les adultes de la côte du Nord-Est (24,5 g/jour ; 0,86 oz/jour) et de la côte du Pacifique (22,1 g/jour ; 0,78 oz/jour)."

 

[2] Il n'y avait aucun rapport de la FDA sur les poissons d'eau douce, et je n'ai pu trouver aucun repère de l'EPA sur les tissus de poissons pour la santé humaine pour soutenir ces chiffres les plus élevés de PFOS.

 

[3] La norme provisoire de l'EPA pour l'eau est basée sur « une diminution de l'immunité (c'est-à-dire une diminution des concentrations d'anticorps sériques après vaccination) chez les enfants dans une étude épidémiologique humaine », l'effet non cancéreux le plus sensible qu'ils ont pu identifier. Après avoir pris en compte la variabilité de la réponse humaine, « l'EPA s'attend à ce que cet effet critique protège de tous les autres effets néfastes sur la santé observés chez les humains ».

 

Source :  Locally caught freshwater fish across the United States are likely a significant source of exposure to PFOS and other perfluorinated compounds (les poissons d'eau douce pêchés localement à travers les États-Unis sont probablement une source importante d'exposition aux PFOS et autres composés perfluorés), Environmental Research DOI : 10.1016/j.envres.2022.115165

 

Directeur de la médecine. Le Dr Charles Dinerstein, M.D., MBA, FACS, est le directeur médical de l'American Council on Science and Health. Il a plus de 25 ans d'expérience en tant que chirurgien vasculaire.

 

Source : EWG’s Toxic Fish Fillet | American Council on Science and Health (acsh.org)

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