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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) : Oh Canada !

13 Mars 2023 Publié dans #Toxicologie

Substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) : Oh Canada !

 

Susan Goldhaber*

 

 

Image : Randy Menear de Pixabay

 

 

Ma note : Nous voyons se dérouler en ce moment, en France, une grosse campagne contre les « polluants éternels ». Petit aperçu de ce qui se passe de l'autre côté de la grande mare.

 

Le 11 février 2023, Santé Canada a proposé des recommandations pour les PFAS dans l'eau potable qui sont 50.000 à 300.000 fois plus élevées que les avis sanitaires de l'EPA. Cet article se penche sur cette question et sur une autre question importante, la classification par l'EPA des PFAS comme substances dangereuses.

 

 

Les avis sanitaires de l'EPA

 

En août 2022, j'avais écrit « Pulling Back the Curtain on EPA's PFAS Health Advisories » pour examiner les avis sanitaires actualisés de l'EPA de 0,004 parties par trillion [mille milliards] (ppt) pour le PFOA et 0,02 ppt pour le PFOS. Les avis sanitaires sont des conseils, et non des règlements, sur les niveaux acceptables dans l'eau potable. Ces niveaux sont des milliers de fois inférieurs aux avis sanitaires de l'EPA de 2016, qui sont de 70 ppt pour les deux produits chimiques – si bas qu'ils ne sont même pas mesurables dans l'eau potable et qu'ils sont fondés sur une méthodologie scientifique défectueuse.

 

Plusieurs autres pays et agences ont récemment proposé des niveaux de sécurité pour les PFAS dans l'eau potable bien plus élevés que ceux de l'EPA.

 

  • La semaine dernière, le Canada a proposé des directives pour la qualité de l'eau potable de 200 ppt pour le PFOA et 600 ppt pour le PFOS, soit 50.000 et 300.000 fois plus que les avis sanitaires de l'EPA ! Ces recommandations sont mesurables, pratiques et fondées sur des études animales, et non humaines, ce que l'EPA a utilisé comme base pour ses avis sanitaires. L'objectif du Canada est de remplacer ces directives par une directive unique de 30 ppt pour la somme des PFAS totaux détectés dans l'eau potable.

 

  • L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a proposé en septembre 2022 des valeurs pour l'eau potable de 100 ppt pour le PFOA et le PFOS et de 500 ppt pour les PFAS totaux. Ces valeurs sont 25.000 et 5.000 fois supérieures aux avis sanitaires de l'EPA. L'OMS a examiné en détail les données relatives à la santé et à l'exposition et a conclu qu'il existait des incohérences et des incertitudes entre les valeurs sanitaires et les valeurs « pratiques » proposées pour l'eau potable.

 

Certains États adoptent les conseils de l'EPA en tant que règles, comme l'Alaska, le Colorado, le Connecticut, le Delaware, le Nouveau-Mexique et l'Ohio qui ont adopté les avis sanitaires de l'EPA de 2016 de 70 ppt pour leurs limites pour le PFOA et le PFOS.

 

 

Eau potable sûre

 

L'EPA ne dispose actuellement d'aucune réglementation sur l'eau potable pour le PFOA ou le PFOS. Elle avait prévu la publication de son projet de règlement pour décembre 2022, mais cela a été reprogrammé pour mars 2023.

 

En vertu du Safe Drinking Water Act (loi sur la sécurité de l'eau potable), lorsque l'EPA établit une réglementation pour un contaminant dans l'eau potable, elle doit d'abord fixer un objectif sanitaire fondé sur le risque pour les populations sensibles – le Maximum Contaminant Level Goal (MCLG). Elle fixe ensuite une limite légale, le Maximum Contaminant Level (MCL), aussi proche du MCLG que possible, en tenant compte des coûts, des méthodes d'analyse et des technologies de traitement. L'EPA doit également réaliser une analyse d'impact de la réglementation (RIA – Regulatory Impact Analysis), montrant que les avantages dépassent les coûts.

 

Pour la plupart des produits chimiques, l'EPA fixe le MCLG au même niveau que l'avis sanitaire (si celui-ci est disponible). Pour le PFOA et les PFAS, l'EPA pourrait fixer le MCLG au niveau de l'avis sanitaire et la MCL au seuil de détection (4 ppt). Cependant, les coûts de traitement seraient énormes à ce niveau et, tout aussi important, les avantages seraient pratiquement inexistants.

 

Pour estimer le RIA, l'EPA utilise des modèles permettant de déterminer le nombre de décès ou de maladies qui seront évités grâce à la réglementation proposée. Le type de maladie évitée est fondé sur le critère critique utilisé pour fixer son objectif sanitaire (le MCLG). Pour le PFOA et les PFAS, ce critère critique est une diminution des niveaux d'anticorps après les vaccinations contre la diphtérie et le tétanos. L'étude (réalisée dans les îles Féroé, un groupe d'îles appartenant au Danemark) n'a pas montré que les PFAS étaient à l'origine de la diminution des taux d'anticorps ou d'une quelconque augmentation de la diphtérie ou du tétanos sur les îles. L'étude a suggéré une association entre les PFAS et la diminution des niveaux d'anticorps. Le Danemark connaît rarement un cas de l'une ou l'autre maladie ; les États-Unis ont enregistré en moyenne moins d'un cas de diphtérie par an au cours des 40 dernières années, et le tétanos est également très rare.

 

Si l'EPA fixe les MCLG sur la base de ses avis sanitaires révisés, elle devra conclure que les bénéfices sont nuls, une conclusion peu probable ! L'autre option de l'EPA est de fixer le MCLG à une valeur plus élevée et plus réaliste, mais comment expliquera-t-elle qu'il s'agit d'une valeur basée uniquement sur la santé ?

 

 

Les PFAS en tant que substances dangereuses

 

En avril 2022, j'ai écrit « PFAS : Fear and Misinformation Runs Wild », qui traite de l'intention de l'EPA de classer les PFAS comme des substances dangereuses en vertu de la « loi Superfund » [1]. Au début de 2021, l'EPA a publié un avis avancé de proposition de réglementation (ANPRM – Advanced Notice of Proposed Rulemaking) indiquant qu'elle a le pouvoir, en vertu de cette loi, de répondre aux rejets dans l'environnement de toute substance dangereuse « qui peut présenter un danger imminent et important pour la santé et le bien-être du public ». [c'est nous qui soulignons]

 

L'EPA n'a jamais tenté auparavant de répertorier comme dangereuses des substances qui ne figurent pas dans d'autres lois environnementales. L'EPA a proposé de le faire pour les PFAS selon son interprétation de l'expression « peut présenter », indiquant que le Congrès n'exige pas la certitude que la substance présente un danger substantiel ou la preuve d'un dommage réel. Une fois qu'une substance est désignée comme dangereuse, cela a de vastes répercussions sur l'économie américaine.

 

En septembre 2022, l'EPA a proposé de désigner deux PFAS, l'acide perfluorooctanoïque (PFOA) et l'acide perfluoroctanesulfonique (PFOS), comme des substances dangereuses. Cette mesure aurait un impact et des effets économiques importants sur 21 secteurs, dont les mousses anti-incendie, les dispositifs médicaux, le traitement des eaux usées et même les stations de lavage de voitures. [2]

 

Lorsque le Bureau de la Gestion et du Budget (OMB) a initialement examiné la règle proposée par l'EPA, il l'a classée dans la catégorie « autre importance », ce qui signifie qu'elle devait avoir des coûts ou des avantages inférieurs à 100 millions de dollars par an. Après plusieurs commentaires, dont celui de la Chambre de Commerce qui estimait que la règle aurait un impact sur les coûts de plus de 700 millions de dollars par an, l'OMB a modifié sa décision initiale et a déclaré que l'EPA devrait réaliser une RIA. La RIA devra justifier et expliquer que la désignation est la manière la moins contraignante et la plus rentable d'atteindre les objectifs de l'EPA. Une RIA n'a pas encore été publiée.

 

Le Canada et l'OMS ont tous deux proposé des lignes directrices pour l'eau potable concernant les PFAS à des niveaux nettement plus élevés, mais qui, selon eux, restent aussi sûrs que ceux de notre EPA. Ils suivent l'exemple d'autres pays, dont l'Australie et le Royaume-Uni, qui ont fixé des niveaux à 100 ppt et plus. L'EPA verra-t-elle la lumière rouge clignotante et comprendra-t-elle les impacts économiques importants sans avantage correspondant pour la santé dans sa désignation des PFAS comme substances dangereuses ?

 

______________

 

[1] Officiellement, Comprehensive Environmental, Compensation, and Liability Act (CERCLA), loi globale sur l'environnement, l'indemnisation et la responsabilité.

 

[2] Une liste complète comprendrait : les exploitants d'aéronefs ; les fabricants de tapis ; les laveurs de voitures ; la fabrication de produits chimiques ; les services d'électrodéposition du chrome, d'anodisation et de gravure ; les fabricants de revêtements, de peintures et de vernis ; les fabricants de mousse pour la lutte contre l'incendie ; les décharges ; les dispositifs médicaux ; les services d'incendie municipaux et les centres de formation à la lutte contre l'incendie ; les usines de papier ; les pesticides et les insecticides ; la fabrication de produits du pétrole et du charbon ; les raffineries de pétrole et terminaux ; la fabrication de films photographiques ; les fabricants de produits de polissage, de cire et de nettoyage ; les fabricants de polymères ; les imprimeries où les encres sont utilisées en photolithographie ; les usines de textiles (textiles et rembourrage) ; les services de gestion des déchets et d'assainissement ; les usines de traitement des eaux usées.

 

Susan Goldhaber, M.P.H., est une écotoxicologue qui a plus de 40 ans d'expérience dans des agences fédérales et d'État ainsi que dans le secteur privé. Elle s'intéresse particulièrement aux produits chimiques présents dans l'eau potable, l'air et les déchets dangereux. Elle se concentre actuellement sur la traduction des données scientifiques en informations utilisables par le public.

 

Source : Oh Canada!      | American Council on Science and Health (acsh.org)

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