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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

40 ans de données sur la conservation : tendances des populations d'insectes indigènes (en Bavière)

19 Juillet 2022 Publié dans #Article scientifique, #Biodiversité

40 ans de données sur la conservation : tendances des populations d'insectes indigènes (en Bavière)

 

Les amateurs de chaleur sont les plus chanceux

 

Université Technique de Munich*

 

 

 

 

En raison de la rareté des données, il est souvent difficile de déterminer comment le changement climatique affecte les populations d'espèces d'insectes. Une nouvelle étude menée par l'Université Technique de Munich (TUM) et le Centre Allemand de Recherche Intégrative sur la Biodiversité (iDiv) vient d'évaluer une vaste base de données de cartographie des espèces (Artenschutzkartierung, ASK) organisée par l'Office Bavarois de l'Environnement (LfU) et a évalué les tendances des populations de papillons, de libellules et de sauterelles en Bavière depuis 1980. Principale conclusion : les espèces aimant la chaleur ont augmenté.

 

 

Azuré de la sarriette

 

 

Le changement climatique se produit depuis longtemps en Europe centrale, et ce n'est un secret pour personne qu'il affecte les populations et la répartition des animaux et des plantes. L'évolution des insectes en particulier est de plus en plus préoccupante, car de multiples études ont montré leur déclin. L'évolution des populations de nos espèces d'insectes au cours des dernières décennies est une question explorée par le BioChange Lab de la TUM. « Ce n'est pas seulement le climat qui change, mais aussi le type et l'intensité de l'utilisation des sols. Cela inclut l'agriculture, la sylviculture, les zones urbaines et les infrastructures de transport », explique le Dr Christian Hof, chef du groupe de recherche BioChange à la TUM.

 

 

Grillon transparent

 

 

Si les changements de la flore et de la faune sont bien documentés dans certaines zones ou pour des espèces spécifiques, les données relatives aux insectes et, surtout, pour des périodes prolongées, sont très rares. Il est donc difficile de tirer des conclusions générales sur l'évolution des populations d'espèces d'insectes et sur les facteurs de changement de la biodiversité. Pourtant, ce sont précisément les conclusions sur l'évolution des populations d'espèces dans le temps, ainsi que sur des facteurs tels que l'utilisation des terres et le climat, qui alimentent les plans de conservation visant à protéger les espèces, les biotopes et le climat.

 

 

Libellule écarlate

 

 

Un riche filon de données

 

Grâce aux efforts inlassables des observateurs bénévoles et professionnels de la nature, nous disposons de séries de données sur la présence de différentes espèces en Allemagne. Une ressource particulièrement utile est la base de données de cartographie des espèces (ASK) de l'Office Bavarois de l'Environnement. L'ASK est le registre national des espèces animales et végétales en Bavière et compte actuellement environ 3,1 millions d'enregistrements d'espèces. Il constitue une ressource centrale de données pour le travail quotidien des autorités chargées de la protection de la nature et pour la compilation par le LfU des Listes Rouges d'espèces menacées.

 

 

Nacré noirâtre

 

 

À l'aide de méthodes statistiques complexes, les chercheurs de la Chaire d'Écologie Terrestre de la TUM ont évalué les précieuses données ASK et analysé les tendances démographiques de plus de 200 espèces d'insectes en Bavière – environ 120 papillons, 50 orthoptères et 60 libellules. En collaboration avec de nombreux autres experts, ils ont montré que dans tous ces groupes d'insectes, on observe une augmentation des populations d'espèces aimant la chaleur et un déclin des espèces adaptées aux températures plus fraîches.

 

 

Des espèces comme la libellule écarlate, qui aime la chaleur, profitent du changement climatique.

 

Les insectes ont été divisés entre ceux qui préfèrent les températures chaudes et ceux qui préfèrent les températures froides sur la base de données empiriques. « Nous avons déterminé les préférences de température de chaque espèce à l'aide de données sur leur répartition en Europe et de la température moyenne dans cette région. En d'autres termes, les espèces dont la répartition est principalement septentrionale sont des espèces adaptées au froid, et celles dont la répartition est principalement méridionale sont des espèces adaptées au chaud », explique Mme Eva Katharina Engelhardt, doctorante au BioChange Lab de la TUM.

 

 

Miramelle alpestre

 

 

Parmi les espèces adaptées au réchauffement, citons l'azuré de la sarriette, le grillon transparent et la libellule écarlate. « La libellule écarlate est l'un des bénéficiaires les plus connus du réchauffement climatique. Cette libellule, que l'on trouve le plus souvent dans la région méditerranéenne, est apparue pour la première fois en Bavière au début des années 1990 et est désormais très répandue», nous dit M. Hof.

 

Parmi les espèces adaptées au froid figurent le nacré noirâtre, la miramelle alpestre et la leucorrhine douteuse.

 

 

Les populations de papillons, d'orthoptères et de libellules affectées par le changement climatique

 

« Nos comparaisons entre les différents groupes d'insectes ont révélé des différences significatives », explique Mme Engelhardt. « Alors qu'il y avait plus de déclin que d'augmentation des espèces de papillons et d'orthoptères, les tendances pour les libellules étaient largement positives. » L'une des raisons possibles est l'amélioration de la qualité de l'eau au cours des dernières décennies, un changement qui profite particulièrement aux libellules, qui dépendent des habitats aquatiques. Les spécialistes de l'habitat, c'est-à-dire les espèces adaptées à des écosystèmes très spécifiques, ont connu un déclin. Les papillons tels que le fadet des tourbières ou l'azuré de la canneberge sont des exemples de spécialistes puisqu'ils dépendent d'habitats très spécifiques.

 

 

Leucorrhine douteuse

 

 

« Notre étude met en évidence l'effet complexe du changement climatique sur notre faune d'insectes. Notre travail est également un exemple de la manière dont les approches modernes de l'analyse des données peuvent être utilisées pour obtenir des résultats fascinants à partir d'ensembles de données existants. Le travail de conservation des bénévoles et des agences génère souvent des données, mais celles-ci sont rarement évaluées de manière systématique. Cela devrait se produire beaucoup plus souvent grâce à des collaborations comme la nôtre », déclare le Dr Diana Bowler du Centre Allemand de Recherche Intégrative sur la Biodiversité (iDiv).

 

 

Fadet des tourbières

 

 

M. Johannes Voith, entomologiste au sein du Bayerisches Artenschutzzentrum (centre bavarois de protection des espèces) du LfU, ajoute que « dans le cadre de la collaboration avec la TUM en particulier, nous bénéficions des connaissances acquises. Ensuite, nous prévoyons de créer des cartes de distribution dynamiques pour les différentes espèces. »

 

 

Publication :

Eva Katharina Engelhardt, Matthias F. Biber, Matthias Dolek, Thomas Fartmann, Axel Hochkirch, Jan Leidinger, Franz Löffler, Stefan Pinkert, Dominik Poniatowski, Johannes Voith, Michael Winterholler, Dirk Zeuss, Diana E. Bowler, Christian Hof (2022) : Consistent signals of a warming climate in occupancy changes of three insect taxa over 40 years in central Europe (signaux cohérents d'un réchauffement climatique dans les changements d'occupation de trois taxons d'insectes sur 40 ans en Europe centrale). In : Global Change Biology

 

 

Azuré de la canneberge

 

 

Plus d'informations :

 

L'étude fait partie des travaux du groupe de recherche junior « mintbio » du BioChange Lab de la TUM, qui est financé par le réseau bavarois de recherche sur le climat bayklif. La doctorante Eva Katharina Engelhardt et le Dr Christian Hof ont travaillé en étroite collaboration avec Diana Bowler du Centre Allemand de Recherche Intégrative sur la Biodiversité (iDiv) de Halle-Jena-Leipzig, de l'Université Friedrich Schiller de Iéna, du Centre Helmholtz pour la Recherche Environnementale (UFZ), de l'Office Bavarois de l'Environnement et de divers autres chercheurs et experts sur les groupes d'insectes étudiés.

 

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* Source : Heat-lovers are the lucky ones - TUM

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P
L'étude semble se focaliser sur le réchauffement climatique comme unique facteur pris en considération. N'y a-t-il pas des facteurs de confusion ?
Répondre
M
Monsieur Aubrin pose la question qui fâche...