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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les médicaments anticancéreux et le glyphosate : un autre exemple révèle l'insignifiance croissante du mouvement anti-OGM (aux USA)

6 Juin 2021 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Activisme

Les médicaments anticancéreux et le glyphosate : un autre exemple révèle l'insignifiance croissante du mouvement anti-OGM (aux USA)

 

Cameron English*

 

 

Une nouvelle étude met en évidence le chevauchement entre le génie génétique en médecine et en agriculture, offrant un autre exemple de la raison pour laquelle le mouvement anti-OGM perd sa pertinence culturelle.

 

 

Image : James Farley de Pixabay

 

Introduites dans les années 1990, les cultures génétiquement modifiées (GE) pour résister à l'exposition à un herbicide, le glyphosate (Roundup), ont changé la donne pour l'agriculture. Elles ont permis à de nombreux agriculteurs d'économiser de l'argent sur le désherbage, de réduire les émissions de gaz à effet de serre dues au labour et à l'utilisation de combustibles fossiles, et d'augmenter indirectement le rendement des cultures, ce qui s'est traduit par une baisse des prix des aliments pour les consommateurs.

 

Mais ces avantages incroyables ont eu un coût, à savoir des mauvaises herbes résistantes à l'herbicide en cause. La combinaison des semences génétiquement modifiées et du glyphosate a si bien fonctionné que certains agriculteurs en ont abusé, ce qui a accéléré l'évolution des populations de mauvaises herbes capables de survivre à l'exposition au glyphosate. L'élaboration de solutions à ce problème croissant est désormais l'une des priorités des agronomes, et une étude récemment publiée dans PNAS pourrait contribuer à cet effort.

 

Selon l'article, certaines mauvaises herbes tolérantes au glyphosate neutralisent l'herbicide à peu près de la même manière que les cellules cancéreuses évitent les effets mortels des médicaments conçus pour les tuer : en pompant les produits chimiques hors de la région de la cellule où ils sont les plus efficaces, à l'aide de protéines appelées transporteurs ABC.

 

Il s'agit d'une information utile pour les agriculteurs et les malherbologistes, mais cette découverte met également en lumière deux raisons importantes pour lesquelles le mouvement anti-OGM perd sa pertinence culturelle et qui méritent d'être prises en considération.

 

 

Bref récapitulatif

 

Les chercheurs ont identifié les gènes surexprimés des transporteurs ABC dans une population résistante à l'herbicide d'Echinochloa colona (herbe à poux), une espèce de mauvaise herbe très répandue dans les régions tropicales et subtropicales. Ils ont ensuite introduit ces gènes dans le riz et l'ont traité au glyphosate pour révéler la source de la résistance à l'herbicide. Enfin, les chercheurs ont ciblé l'un des gènes à l'aide d'un mécanisme d'invalidation CRISPR/Cas9 afin d'accroître la sensibilité de la plante au glyphosate.

 

L'expérience, écrivent les chercheurs, fournit « la preuve de l'existence d'un transporteur ABC végétal (ABCC8) qui sert probablement d'exportateur de glyphosate à la membrane plasmique, abaissant le niveau de glyphosate cytoplasmique et conférant ainsi une résistance au glyphosate ». Ce mécanisme présente une ressemblance frappante avec la pompe de lutte contre les médicaments que l'on trouve sur certaines cellules cancéreuses :

 

« Dans le cas du carcinome pulmonaire à petites cellules, par exemple, les cellules cancéreuses sont équipées d'une pompe qui leur permet d'éjecter des médicaments qui se lieraient normalement aux cellules et les tueraient, rendant la maladie effectivement impossible à traiter.

 

Grâce à un mécanisme appelé interférence ARN (ARNi), les chercheurs en cancérologie peuvent réduire au silence (éteindre) ce gène de pompe et rendre ainsi les cellules cancéreuses à nouveau sensibles à la chimiothérapie. Cette innovation n'en est qu'à ses débuts, mais l'ARNi aide les experts à développer des thérapies médicamenteuses plus ciblées contre le cancer, et des dizaines d'essais cliniques sont en cours pour tester des traitements contre le cancer basés sur l'ARNi. »

 

Dans cette optique, les auteurs de l'étude ont suggéré que leur découverte pourrait conduire à la mise au point d'herbicides que les mauvaises herbes ne peuvent pas battre avec le même mécanisme. « Les nouveaux médicaments anticancéreux bien conçus ne peuvent pas être pompés hors des cellules cancéreuses humaines et cette découverte de la résistance à des herbicides devrait stimuler davantage la recherche de nouvelles solutions chimiques et non chimiques pour le contrôle des mauvaises herbes dans l'agriculture mondiale », a écrit M. Stephen Powles, co-auteur de l'étude et professeur émérite à l'Université de l'Australie Occidentale, dans un courriel.

 

D'autres projets en cours poursuivent des approches similaires. Il y a quelques années, Monsanto a mis au point un produit à base d'ARN qui bloque la résistance des mauvaises herbes à des herbicides. Plus récemment, des chercheurs britanniques ont mis au point deux méthodes, le VIGS (virus-induced gene silencing – silençage de gènes induite par un virus) et le VOX (virus-mediated protein overexpression – surexpression de protéines médiée par un virus), qui peuvent re-sensibiliser certaines mauvaises herbes résistantes à un autre herbicide, le glufosinate.

 

 

Le tableau d'ensemble

 

Il reste encore beaucoup de recherches à faire avant que ces études ne débouchent sur des produits commerciaux pour les agriculteurs, mais il y a tout de même deux points importants à prendre en compte aujourd'hui.

 

  • Tenir compte des risques et des avantages.

 

Les groupes anti-biotechnologie mettent souvent en garde contre le fait que les cultures génétiquement modifiées accélèrent le développement de « super mauvaises herbes » résistantes aux herbicides, mais ils n'ont pas grand-chose à dire sur ces applications de lutte contre la résistance aux herbicides, si ce n'est qu'ils ne les aiment pas. C'est là que réside la première leçon à retenir : il faut prendre en compte les risques et les avantages d'une technologie. Les cultures génétiquement modifiées ont, dans une certaine mesure, contribué au problème de la résistance à des herbicides ; personne ne le nie. Mais il est malvenu de minimiser des solutions viables. C'est la raison pour laquelle le mouvement anti-OGM est en train de perdre peu à peu sa raison d'être : les plaintes concernant les dangers de la biotechnologie agricole ne se sont jamais concrétisées ou sont en train d'être résolues.

 

  • Les « OGM » ne présentent pas une nuisibilité spécifique.

 

Dans le même ordre d'idées, si le mouvement anti-OGM s'est concentré sur les questions de sécurité alimentaire dans les années 1990, c'est parce que les attaques précédentes contre l'utilisation du génie génétique en médecine n'ont pas réussi à susciter l'intérêt du public, et non parce que la biotechnologie agricole présente un risque spécifique. Comme l'a souligné M. Alan McHughen, généticien moléculaire de l'Université de Californie à Riverside, en 2007 :

 

« La même technologie, avec le même type et le même degré de risques, lorsqu'elle est utilisée pour créer des produits médicaux, suscite très peu d'inquiétudes. En d'autres termes, si le soja génétiquement modifié, en raison exclusivement du processus de l'ADN recombinant utilisé dans son développement, s'avérait causer un trouble médical inattendu, l'insuline génétiquement modifiée devrait également causer ce trouble et susciter les mêmes inquiétudes. Mais ce n'est pas le cas ; le public semble non seulement tolérer les applications médicales de la biotechnologie, mais aussi les adopter. »

 

Observer les groupes anti-biotechnologie s'efforcer de justifier leur opposition à la biotechnologie dans l'agriculture tout en défendant son utilisation en médecine offre une confirmation puissante de l'analyse de McHughen et une autre raison claire pour laquelle ces groupes de plaidoyer retombent progressivement dans l'obscurité.

 

 

___________

 

Cameron English, directeur de Bioscience

 

Cameron English est auteur, éditeur et co-animateur du podcast Science Facts and Fallacies. Avant de rejoindre l'ACSH, il était rédacteur en chef du Genetic Literacy Project.

 

Source : Cancer Drugs And Glyphosate: Another Example Reveals The Anti-GMO Movement's Growing Irrelevance | American Council on Science and Health (acsh.org)

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