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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Des promoteurs de l'agro-écologie au Ghana disent adopter les technologies modernes

10 Avril 2021 , Rédigé par Seppi Publié dans #Agro-écologie, #Afrique

Des promoteurs de l'agro-écologie au Ghana disent adopter les technologies modernes

 

Joseph Opoku Gakpo*

 

 

Image : Un agriculteur éthiopien utilise une charrue traditionnelle en bois et des bœufs pour préparer son champ. Shutterstock

 

 

Bien que de nombreux promoteurs de l'agro-écologie adoptent une position stricte contre l'utilisation d'outils et de technologies agricoles modernes, des défenseurs de ce mode de production du Ghana ont signalé qu'ils sont ouverts à une approche plus inclusive.

 

« Il y a quelques idées fausses sur l'agro-écologie que je voudrais corriger », a déclaré le Dr Charles Nyaaba, responsable du plaidoyer et des programmes à la Peasant Farmers Association of Ghana, l'une des organisations promouvant l'agro-écologie dans le pays. « Habituellement, lorsque nous parlons d'agro-écologie, ce qui vient à l'esprit de nombreuses personnes, c'est qu'elle n'implique pas l'utilisation de machines, elle n'implique pas l'utilisation d'intrants externes, elle utilise nécessairement des cultures mixtes [plutôt qu'une monoculture] et elle ne peut pas être mise à l'échelle. Ce n'est pas le cas. »

 

« L'agro-écologie, tout comme l'agriculture conventionnelle, peut être mise à l'échelle », a-t-il poursuivi. « S'il y avait une définition – avant que nous commencions à promouvoir la nôtre – qui inclut le fait de ne pas passer à plus grande échelle ou de confondre l'agro-écologie avec l'agriculture biologique, alors ce n'est pas ce que nous cherchons à promouvoir. »

 

M. Nyaaba, qui a fait ses commentaires lors d'un webinaire de l'Alliance pour la Science (AfS) Live, a déclaré que les inventions technologiques modernes, y compris les engrais et les pesticides de synthèse, peuvent être appliquées même dans la production agro-écologique, tant que le principe fondamental de la protection de l'environnement n'est pas violé.

 

« Il y a une distinction claire entre l'agriculture agro-écologique et l'agriculture biologique », a expliqué M. Nyaaba, qui est également maître de conférences en économie agroalimentaire à l'Université de l'Énergie et des Ressources Naturelles du Ghana. « Lorsque vous commencez à faire une ferme agro-écologique et qu'il y a un sol mort, dans ce cas, vous voulez ramener ce sol mort à la vie. Ce que nous faisons, c'est que nous soutenons ce sol avec un minimum d'engrais inorganiques. Nous n'encourageons pas l'utilisation de machines lourdes comme les tracteurs pour retourner le sol et détruire sa structure, mais nous utilisons des rippers et d'autres machines pour planter. »

 

 

Des définitions différentes

 

Sa position marque une rupture avec l'approche promue par l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), l'Alliance pour la Souveraineté Alimentaire en Afrique (AFSA) et des organisations d'aide internationale comme ActionAid et Oxfam, qui ont promu une définition plus étroite de l'agro-écologie comme étant l'avenir de la production agricole en Éthiopie, en Ouganda, au Burkina Faso, au Ghana, au Sénégal et dans d'autres pays africains.

 

La FAO définit l'agro-écologie comme l'application de principes écologiques dans le but de protéger l'environnement. Elle assure le renouvellement durable des ressources naturelles nécessaires à la production comme l'eau, le sol et la biodiversité. Et elle utilise avec parcimonie les ressources non renouvelables. En éliminant progressivement l'utilisation de produits chimiques, elle s'efforce de mettre en place une agriculture biologique, contribuant ainsi à améliorer la santé des agriculteurs et des consommateurs.

 

Sur son site web, l'AFSA énumère les principes de l'agro-écologie, notamment la défense des systèmes de production et des petites exploitations familiales africaines fondés sur des approches agro-écologiques et indigènes, la résistance à l'industrialisation de l'agriculture africaine, l'accent mis sur les solutions africaines aux problèmes africains et le rejet du génie génétique et de la privatisation des organismes vivants. Certains universitaires et ONG occidentaux, dont Pesticide Action Network, la Community Alliance for Global Justice et Regeneration International, poussent également l'Afrique à adopter une définition étroite de l'agro-écologie, à l'exclusion d'autres formes de production.

 

 

Bernard Guri, directeur exécutif du Center for Indigenous Knowledge and Organizational Development au Ghana, a fait remarquer lors du webinaire AfS Live que l'agro-écologie n'est pas anti-science, comme le dépeignent certains opposants.

 

« Le mouvement de l'agro-écologie ne dit pas que la science n'est pas importante [...] L'agro-écologie se penche sur les connaissances indigènes. Mais aussi les bonnes pratiques scientifiques que nous pouvons intégrer », a-t-il déclaré. « Ainsi, par exemple, nous disons que nous n'acceptons pas les pesticides, mais si nous nous trouvons dans une situation de pandémie, nous devrions être en mesure d'utiliser certains pesticides spécifiques pour éliminer [les parasites]. Mais pas pour en faire une pratique et ensuite fournir et utiliser des pesticides en quantité tous les jours. »

 

 

L'agro-écologie évolue

 

M. Nyaaba a ajouté : « Tout comme l'agriculture conventionnelle évolue, nous continuons à obtenir de nouvelles technologies en agro-écologie également. Personnellement, ma position sur l'agro-écologie n'est pas idéologique. Elle est flexible. Mais ce que je reconnais, c'est que nous devons protéger notre biodiversité et nos agro-écosystèmes. Donc, toute pratique qui ne compromet pas l'agrobiodiversité et l'agro-écosystème, je n'ai personnellement aucun problème avec cela. »

 

Le Dr Irene Egyir, professeur associé au Département d'Économie Agricole de l'Université du Ghana, qui a été une forte critique de l'agro-écologie, a déclaré que la redéfinition du concept fait qu'il vaut la peine de l'adopter. « Quand on faisait de l'agriculture agro-écologique, quand on disait agro-écologie, on ne voulait pas labourer et utiliser des semences améliorées. C'était le modèle de la frontière et de la conservation. Mais si maintenant le périmètre change et que la typologie change, alors c'est bien. C'est ce que j'appelle l'agriculture intelligente face au climat », a-t-elle fait observer.

 

M. Nassib Mugwanya, spécialiste ougandais de la communication agricole qui travaillait auparavant pour l'Institut National de Recherche sur les Ressources des Cultures, estime que la définition holistique de l'agro-écologie permet d'adopter les technologies émergentes, telles que les semences génétiquement modifiées (GM).

 

« Par exemple, ce dont l'agro-écologie se soucie aujourd'hui, c'est de minimiser les dommages causés à l'environnement », a déclaré M. Mugwanya. « Et si je vous parlait de la culture génétiquement modifiée qui a été conçue pour réduire l'utilisation de pesticides ? Si ce qui importe à l'agro-écologie, c'est que les agriculteurs choisissent ce qui leur convient, que se passerait-il si je vous disais qu'il y a des agriculteurs en Ouganda qui sont intéressés par la variété de manioc résistante à des virus qui est génétiquement modifiée ? Voilà la conversation que je veux entendre, qui est ancrée dans les réalités contextuelles de l'agriculture en Afrique. »

 

 

Agro-écologie et biotechnologie agricole

 

Jusqu'à présent, l'activisme anti-OGM a été au cœur des mouvements d'agro-écologie en Afrique. Mais les promoteurs de cette approche du Ghana ont indiqué une certaine réceptivité aux semences améliorées.

 

« En termes d'OGM, l'agro-écologie parle de l'écologie », a expliqué M. Nyaaba. « Donc, nous ne mettons pas plus l'accent sur les OGM ou les espèces végétales. Nous pensons que les méthodes modernes d'agriculture encouragent l'utilisation des OGM pour augmenter la productivité, car avec nos terres actuelles, si vous utilisez des semences indigènes, vous n'obtiendrez pas le rendement que vous recherchez. Mais avec l'agro-écologie, que ce soit avec les OGM ou les semences indigènes, sans les engrais, vous allez quand même augmenter vos rendements. Il n'est donc pas nécessaire de dépenser de l'argent pour essayer de faire venir des semences d'ailleurs. C'est pourquoi nous ne mettons pas l'accent sur les OGM. »

 

M. Guri a une position plus ouverte. « Si cette biotechnologie ne travaille pas contre la nature et ne produit pas de choses artificielles, elle est acceptable. Mais la plupart des biotechnologies comme les OGM consistent à jouer avec les gènes et à créer quelque chose. Et nous ne connaissons pas les effets à long terme de ces OGM. Ce genre de choses n'est pas accepté en agro-écologie. Mais s'il s'agit d'un processus naturel, et d'utiliser la biotechnologie pour améliorer un processus naturel, c'est acceptable en agro-écologie... tout ce qui réduit l'utilisation d'intrants artificiels est acceptable... L'agro-écologie n'est pas anti-technologie. C'est la façon dont la technologie est développée. »

 

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* Source : Agroecology promoters in Ghana say they embrace modern technologies - Alliance for Science (cornell.edu)

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