L'interdiction des importations de maïs au Nigeria pourrait favoriser l'adoption des variétés génétiquement modifiées
Nkechi Isaac*
Un essai de maïs de 2019 en Afrique du Sud montre que la variété TELA (à droite) offre une meilleure protection contre les parasites qu'une variété conventionnelle (à gauche).
Bien qu'une interdiction des importations de maïs pourrait accélérer l'adoption par le Nigeria du maïs génétiquement modifié (GM) TELA, il faudra peut-être attendre deux ans avant que la variété résistante à des insectes ne soit approuvée, ce qui créerait entre-temps de graves difficultés pour la filière avicole du pays.
Des essais en champ en milieu confiné du maïs TELA, qui offre une résistance à la sécheresse et à certains insectes nuisibles, sont actuellement en cours au Nigeria. Les scientifiques sont optimistes et pensent que ces essais permettront à terme de mettre les semences améliorées à la disposition des producteurs de maïs du pays, ce qui augmentera les rendements et assurera la résistance au climat dans les zones sujettes à la sécheresse.
« Le projet du maïs TELA a apporté une innovation nouvelle et durable dans la gestion des contraintes biotiques et abiotiques à la production et à la productivité du maïs », a déclaré le professeur Rabiu Adamu, chercheur principal du projet à l'Institut de Recherche Agricole (IRA) de Samaru, en Zarie. « Les producteurs de maïs nigérians devraient s'attendre dans les deux prochaines années à trouver sur les marchés nigérians des hybrides de maïs à haut rendement, résistants à la pyrale, à la légionnaire d'automne et à la sécheresse. »
Mais en attendant, la filière avicole du pays semble être la plus touchée, car elle lutte pour s'approvisionner en maïs afin de nourrir son cheptel face à l'interdiction des importations.
« La décision politique qui a interdit l'importation de maïs a complètement et négativement affecté la filière de la volaille plus que ce que l'on attendait... cela a pris la plupart des éleveurs de volaille au dépourvu... la plupart des élevages de volaille ferment maintenant parce qu'ils n'ont pas les moyens de nourrir leurs oiseaux », a déploré M. Onallo Akpa, le directeur général de l'Association de la Volaille du Nigeria (PAN), lors d'un webinaire sur l'impact de l'interdiction.
Outre la filière avicole du Nigeria, les masses populaires dans la rue ressentent également les effets de l'interdiction. S'adressant en exclusivité à notre correspondant, Hannatu Sanni, un petit colporteur de maïs, a déclaré que les colporteurs ont maintenant du mal à acheter du maïs pour le vendre dans la rue car il est devenu rare.
À la suite de la pandémie de Covid-19, le gouvernement nigérian a révisé sa politique en matière de devises (forex) pour interdire aux importateurs de maïs d'accéder au forex par l'intermédiaire de la Banque Centrale du Nigeria (CBN).
Le ministère fédéral nigérian de l'agriculture et du développement rural a établi la production nationale de maïs à 10,5 millions de tonnes, tandis que la demande s'élève à 15,5 millions de tonnes métriques. Cela signifie que le pays doit combler localement le déficit existant de plus de 5 millions de tonnes métriques.
Cette politique a été accueillie avec des sentiments mitigés, un échantillon représentatif de Nigérians estimant qu'elle était inopportune. Mais le gouvernement a expliqué que cette mesure avait été prise dans le but d'augmenter la production locale et de stimuler une reprise économique rapide.
Le Dr Ozoemena Nnaji, le responsable de la CBN qui a signé la circulaire transmettant la décision du gouvernement, a déclaré que cette mesure visait à préserver les moyens de subsistance des populations rurales et à accroître les emplois perdus en raison de la pandémie de Covid-19 en cours.
Selon Nnaji, la banque estime que les petits exploitants agricoles peuvent répondre à la demande nationale de maïs si le gouvernement leur apporte un soutien suffisant et leur offre les conditions nécessaires pour réussir.
Toutefois, les producteurs de maïs sont confrontés à de graves problèmes de production en raison de nombreux insectes nuisibles, notamment les foreurs de tiges et d'épis, les nématodes, les coléoptères et, plus récemment, la légionnaire d'automne (FAW).
Le Nigeria s'est réveillé dans un cauchemar en 2017 alors que les agriculteurs regardaient, impuissants, les FAW envahir le pays et dévaster les champs de maïs dans les cinq zones de culture du pays. Avec une perte de plus de 268 millions de dollars US pour les 7,8 millions d'hectares de terres agricoles touchées par le ravageur, comme l'a rapporté l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), le gouvernement a demandé une réunion d'urgence avec les commissaires à l'agriculture de tous les États du pays. Bien que l'infestation ait été contenue par la suite, elle reste une menace pour la culture du maïs dans le pays.
Le gouvernement et les parties prenantes sont toujours à la recherche de solutions aux défis constants liés à la culture du maïs dans le pays, ce qui a conduit le Nigeria à s'inscrire parmi les sept pays africains participant au projet de maïs TELA. Le projet est mené par la Fondation Africaine pour les Technologies Agricoles (AATF) en partenariat avec l'IRA à Samaru, en Zarie.
Les résultats préliminaires des essais en champ confiné (CFT) sont très prometteurs, selon une déclaration publiée par Alex Abutu, le responsable de la communication de l'AATF en charge de l'Afrique de l'Ouest et du Centre. Les premières conclusions indiquent que les variétés GM TELA ont donné un avantage de rendement de plus de deux tonnes en cas d'infestation par le foreur de tiges et la légionnaire d'automne, par rapport aux meilleures variétés actuellement cultivées par les agriculteurs du Nigeria.
« Ces résultats préliminaires prometteurs de la première phase des essais ont montré que les producteurs de maïs du pays vont en tirer un immense bénéfice lorsque le maïs sera commercialisé, car les variétés permettront aux agriculteurs d'économiser des centaines de millions de nairas sur les coûts de production liés aux applications de pesticides pour lutter contre le foreur des tiges et la légionnaire d'automne », a déclaré M. Abutu.
Sa déclaration a souligné que les CFT sont répétés pour une deuxième saison afin de confirmer la performance en conformité avec les règlements de biosécurité du Nigeria. Si l'Agence Nationale de Gestion de la Biosécurité (NBMA) donne son accord, les variétés seront évaluées dans plusieurs endroits à partir de 2021, les agriculteurs participant à la sélection des variétés de maïs TELA préférées.
Le Dr Issoufou Kollo, directeur régional de l'AATF, a déclaré à l'Alliance pour la Science que le projet de maïs TELA présentait un grand potentiel pour la Nation, en termes de développement de semences résistantes à des ravageurs et à la sécheresse.
Cependant, il a averti que le projet à long terme – qui a la capacité d'aider le gouvernement fédéral à réaliser son rêve de rendre la Nation autosuffisante en matière de production de maïs – doit aller de pair avec de bonnes pratiques agronomiques pour réussir.
« Il est tout à fait possible que la Nation devienne autosuffisante en maïs », a déclaré M. Kollo. « Nous avons la terre, l'eau et le pétrole pour fabriquer des engrais. Des projets comme le maïs TELA, qui résiste à des insectes foreurs et à la légionnaire d'automne, peuvent beaucoup stimuler notre production. Mais ils ne peuvent pas le faire seuls. Ils ont encore besoin d'une bonne gestion des sols, de bonnes pratiques agronomiques et d'engrais. C'est comme un système ; vous enlevez une unité et le système s'effondre. Il faut donc de bonnes variétés comme les variétés TELA, mais il faut aussi de bonnes pratiques agronomiques pour les accompagner. »
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