« Sortie du glyphosate » : Manu, press delete !
En ces temps de Covid-19, il est des sujets qui ont du mal à apparaître sur les écrans radar. Tel est la cas de la « sortie du glyphosate » prévue pour la fin de l'année. M. Gil Rivière Wekstein vient de remettre le sujet sur le tapis.
Cette évolution d'une ampleur insoupçonnée par une grande partie du public (et des décideurs politiques) est le fruit d'une décision du Président Emmanuel Macron, ou d'un caprice démagogique, ou encore d'une manœuvre politicienne destinée à amadouer M. Nicolas Hulot. Elle fut annonçée à la mode Trump par un gazouillis, à la suite de la décision des États membres de l'Union Européenne de renouveler l'autorisation du glyphosate pour une durée de cinq ans.
(Source)
« J'ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans. #MakeOurPlanetGreatAgain »
Il suffit de lire cette phrase pour mesurer l'irresponsabilité de la décision : nous allions « sortir du glyphosate » même en l'absence d'alternatives.
Or on sait qu'il n'y a pas d'alternatives – techniquement et économiquement crédibles et viables –, n'en déplaise aux courtisans dont l'Institut National de la Recherche Agronomique (son nom de l'époque) fournit un exemple grotesque – et inquiétant pour la bonne marche de la République. Car c'est sur la base d'une évaluation objectivement résumée par le tableau ci-dessous, très majoritairement de rouge coloré, que l'on a laissé entendre qu'on disposait de solutions pour 90 % des situations (ou de la surface agricole utile).
Le sens des réalités a fini par percer, mais a minima. Ainsi, au Salon International de l'Agriculture de 2019, le Président Emmanuel Macron laissait entendre qu'on ne laisserait personne « sans solution »...
(Source)
...Tout en fanfaronnant dans le gazouillis suivant qui, lu à la lettre, implique qu'il y aurait bien de la casse. Car, pris à la lettre, « montrer qu'on peut le faire sous 3 ans » signifie qu'il n'y aura pas d'exceptions ou de dérogations.
Notons que le premier gazouillis a aussi de quoi laisser pantois : « il ne faut pas voir ça comme une contrainte, mais comme une opportunité d'évoluer profondément »... sait-il de quoi il parle ? A-t-il, s'agissant d'un autre domaine, saisi les enjeux techniques et économiques pour la SNCF qui doit désherber ses lignes ou les industries qui doivent garder propres leurs sites pour des raisons de sécurité ?
Ces éléments de contexte étant rappelés, M. Gil Rivière-Wekstein, rédacteur d'Agriculture et Environnement, vient d'interpeller le Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation Didier Guillaume :
Dans 6 mois, l’usage du #glyphosate sera interdit pour des raisons idéologiques. Monsieur le Ministre, @dguillaume26 , pour retrouver la confiance du monde agricole, il est encore temps de revenir sur cette décision ! Mobilisons nous! https://t.co/GnKIJKW7v0 pic.twitter.com/dqWoB0M83T
— GRW (@AEGRW) May 19, 2020
« Il est temps de faire un choix, un vrai choix » ? Certes, selon la formule du Cardinal de Retz, souvent faussement attribuée à François Mitterrand, « On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment ». Mais, n'est-ce pas le sort que se réserve celui qui s'y met ?
C'est à ce point que l'on peut discuter du choix de l'interlocuteur qu'a fait M. Gil Rivière-Wekstein. Le véritable destinataire de l'injonction devrait être le Président Emmanuel Macron, même si le très volubile Didier Guillaume sème dans les micros mis à sa portée ses assurances de bonnes intentions gouvernementales envers les agriculteurs.
Placé au pied du mur – ou plutôt devant un parterre d'agriculteurs –, Jupiter a admis les faits :
Emmanuel Macron sur l'interdiction totale du glyphosate d'ici 3 ans : "Si je le fais (...), je tue complètement certaines filières" pic.twitter.com/L7l9g9IJYT
— CNEWS (@CNEWS) January 24, 2019
Quoi qu'il en soit, une décision ayant des conséquences d'une grande ampleur ne peut raisonnablement se prendre avec un préavis de six mois. Il est en revanche temps de prendre la seule décision raisonnable : press delete !
Quoi qu'il en soit aussi, la crise du Covid-21 a soudainement fait comprendre à d'aucuns l'importance de l'agriculture française, pourvoyeuse de première ligne de l'alimentation des Français.
Il faut juste un peu de courage et de détermination pour faire de la pédagogie : expliquer, d'une part, que c'est se tirer une balle dans le pied, avec une victime collatérale à mi-corps, que de grever la production agricole – alimentaire – de nouvelles charges et contraintes ; contrer une fois pour toute la désinformation sur les pesticides, et le glyphosate en particulier ; expliquer enfin que l'emploi raisonné du glyphosate est un geste en faveur de l'environnement (et de la sécurité dans le cas de la SNCF et de certaines industries).
« When in doubt tell the truth. It will confound your enemies and astound your friends » (en cas de doute, dites la vérité. Cela confondra vos ennemis et étonnera vos amis) – Mark Twain.