Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La biotechnologie agricole sera-t-elle l'héritage de Kenyatta pour le Kenya ?

23 Décembre 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Afrique

La biotechnologie agricole sera-t-elle l'héritage de Kenyatta pour le Kenya ?

 

Rose Mukonyo*

 

 

Image : CIAT/Neil Palmer

 

 

Le président du Kenya, Uhuru Kenyatta, qui exerce son deuxième et dernier mandat, selon la Constitution, est déterminé à laisser un héritage mémorable.

 

Il entend y parvenir en tenant ses promesses telles que formulées dans le plan d’action du programme des quatre grands [Big Four Agenda: augmenter le produit intérieur brut (PIB) du pays de 9,2 % à 20 % d’ici 2022 grâce à une industrie manufacturière améliorée ; assurer la sécurité alimentaire et la nutrition à 100 % ; assurer une couverture universelle des soins de santé ; et créer 500.000 nouveaux logements abordables.

 

Le plus difficile de tout cela sera peut être d'assurer la sécurité alimentaire et une meilleure nutrition. Plus de 10 millions de Kenyans [ma note : sur près de 50 millions] souffrent toujours d'insécurité alimentaire chronique et un quart des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition, car une famille sur cinq n'est pas en mesure de répondre aux besoins alimentaires minimaux. Au cours des deux dernières décennies, les pénuries alimentaires ont provoqué quatre catastrophes nationales qui ont plongé le pays dans plus de faim et de pauvreté.

 

On estime que la population kenyane doublera pour atteindre 94 millions d’habitants d’ici 2050, ce qui souligne la nécessité urgente d’augmenter considérablement la production alimentaire si le pays veut être en sécurité alimentaire. Les moyens d'atteindre cet objectif comprennent l'irrigation dans les zones arides et semi-arides, l'utilisation de la culture des tissus pour améliorer la qualité et la quantité de matériel de plantation et, éventuellement, la culture de plantes génétiquement modifiées (GM).

 

À mon avis, le meilleur héritage que notre président pourrait laisser aux Kenyans est de prendre l'initiative pour l'adoption des cultures GM. Permettre aux agriculteurs de cultiver du maïs, du manioc, du sorgho et des patates douces transgéniques pourrait l'aider à réaliser son désir de parvenir à la sécurité alimentaire, tandis que l'approbation du cotonnier transgénique résistant à des ravageurs pourrait stimuler l'industrie manufacturière grâce à la résurrection des industries du vêtement et du textile.

 

 

Analyse des actualités

 

Le Kenya n'a pas adopté les cultures transgéniques principalement en raison de préoccupations concernant la sécurité alimentaire, les impacts environnementaux et l'éthique religieuse. Cependant, en 2000, il a été le premier pays à signer le Protocole de Cartagena – un accord international qui guide chaque pays dans la manière de faire face aux éventuels impacts négatifs de la biotechnologie sur la société et l'environnement et d'accroître la confiance du public dans la technologie.

 

Le ministère de la Santé a interdit les importations de produits GM en 2012 après qu'une étude du scientifique français Gilles-Éric Séralini avait affirmé que le maïs transgénique avait causé des tumeurs chez le rat. Bien que trois études ultérieures aient discrédité ses affirmations, le ministère n'a pas mis fin à son interdiction. Au lieu de cela, il a récemment présenté une déclaration au Sénat selon laquelle les cultures transgéniques seraient autorisées au cas par cas, étant donné que certaines conditions étaient remplies.

 

Les scientifiques du Kenya ont salué cette décision et ont exprimé leur optimisme quant au fait que le cotonnier Bt, qui est maintenant au stade final des essais nationaux de performance (National Performance Trials NPT), sera la première culture à être commercialisée. Le maïs Bt a terminé des essais en champ confiné, mais l'Autorité Nationale de Gestion de l'Environnement (National Environmental Management Authority – NEMA) n'a pas accordé d'autorisation pour les NPT.

 

Le maïs est un aliment de base principal pour la plus grande partie de la population kenyane, qui en consomme de 98 à 125 kilogrammes par personne et par an. Cela se traduit par environ 59 % de la consommation de glucides pour les ménages pauvres et 36 % pour les familles riches.

 

En outre, la demande de maïs dépasse l'offre, ce qui nécessite des importations en provenance des pays voisins et d'outre-mer. Le maïs Bt devrait augmenter les rendements, comme le montrent ses performances aux États-Unis, qui produisent 9,93 tonnes métriques par hectare, contre 1,50 tonnes métriques par hectare au Kenya.

 

Les producteurs de maïs kényans subissent également des pertes massives lorsque les pluies irrégulières et les insectes ravageurs, principalement la pyrale et la chenille légionnaire d'automne, annéantissent leur investissement. La légionnaire d'automne prospère dans le climat tropical de l'Afrique, les agriculteurs des régions orientale et occidentale du Kenya subissant une nouvelle invasion du ravageur. Cela les a poussés à essayer des méthodes brutales de lutte, telles que le mélange de poudre de poivre et de savon Ariel (poudre à laver), car les pesticides disponibles sur le marché kényan ne sont pas d'un grand secours.

 

Des essais sur le terrain ont montré que les cultures transgéniques, comme le maïs Bt, peuvent aider les agriculteurs à lutter contre la légionnaire d'automne, ainsi qu'à atténuer les effets du changement climatique.

 

Le président Kenyatta semble comprendre la valeur du cotonnier Bt pour relancer les industries du vêtement et du textile qui ont été un pilier économique clé dans le pays. Lors des célébrations de la journée Mashujaa de l'année dernière (2018), il a ordonné aux ministres de l'agriculture, de la santé, des industries et du commerce de proposer un mécanisme rapide pour relancer la production de coton, y compris la possibilité d'adopter le cotonnier Bt.

 

Actuellement, seules cinq usines d'égrenage sur 22 sont opérationnelles au Kenya, produisant en moyenne 25.000 balles pour une demande annuelle de 200.000 balles. Le déficit est couvert par les importations, ce qui ne serait pas le cas si le Kenya cultivait déjà du cotonnier Bt.

 

Si le cotonnier Bt devait être commercialisé, espérons-le en 2020, les agriculteurs bénéficieront de l'amélioration des rendements, de la réduction de leur utilisation de pesticides et de la réduction de leurs coûts de production – tout cela se traduira par le développement économique.

 

Si les Kenyans sont bien nourris et ont gagné en autonomie sur le plan économique, les soins de santé seront abordables pour tous et les gens seront en mesure d'acheter de nouvelles maisons. Par conséquent, en levant l'interdiction des cultures GM au Kenya, le président Kenyatta mettra en place une pièce clé du puzzle dans la réalisation de son programme des quatre grands et sera assuré de laisser un héritage noté dans les livres d'histoire.

 

______________

 

* Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2019/12/will-ag-biotech-be-kenyattas-legacy-for-kenya/

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article