Biocheckons le laboratoire Biocheck...
Glané sur la toile 338
On doit maintenant le savoir partout... Une Association « Campagne glyphosate » bat la campagne (et les villes) pour recruter des « pisseurs involontaires de glyphosate » prêts à faire don de leur personne – enfin, n'exagérons rien – de leur pipi matinal pour le faire analyser quant à la présence de glyphosate pour la modique somme de 85 euros.
S'y ajouteront 50 euros si le généreux donateur de pipi désire participer à une opération de dépôt de plaintes – nécessairement individuelles mais coordonnées pour pouvoir submerger un seul et même tribunal (le Pôle Santé Publique du Tribunal de Grande Instance de Paris) – contre « [t]oute personne impliquée dans la distribution et la large diffusion dans l’environnement de molécules probablement cancérigène de glyphosate » pour « [m]ise en danger de la vie d’autrui, [t]romperie aggravée, [a]tteintes à l’environnement (Destruction de la biodiversité, pollution des cours d’eau, des nappes phréatiques, des sols …) » – « [l]e cas échéant, en réunion ».
La presse généraliste en a parlé... Notre bien-aimé Monde Planète a par exemple fait savoir le 5 octobre 2018 (date sur la toile) que « La mobilisation des "pisseurs involontaires de glyphosate" prend de l’ampleur ».
L'infâme « Envoyé Spécial » sur le glyphosate du 17 janvier 2019 s'y était également mis avec son « glyphotest », son micro-trottoir et ses commentaires à la limite de l'hystérie.
Dans les gazettes régionales et locales, il y a toujours un journaliste sympathisant consciencieux qui annonce la nouvelle d'une collecte d'échantillons. C'est généralement suivi, quelque temps après, par l'annonce des résultats, avec l'inévitable comparaison avec la norme de qualité (qui n'est pas une valeur de référence sanitaire...) de 0,1µg/L pour l'eau potable. Et c'est souvent accompagné par l'annonce d'un nouveau rendez-vous de collecte.
Nous vivons décidément une époque formidable !
Tellement formidable que, comme dans des temps lointains, à l'École des Fans de Jacques Martin, « tout le monde a gagné ». Car, curieusement, 100 % des analyses sont positives : et même si les quantités détectées sont minuscules, cela suffit pour alimenter le fond de commerce de la peur et de la gesticulation anti-pesticides* (* de synthèse), des analyses et in fine de l'instrumentalisation de la justice.
Le site de Campagne glyphosate – totalement opaque (mais on sait que le mouvement est parti de l'Ariège où un tribunal doit se prononcer sur des faits reprochés à des « faucheurs volontaires » – précise :
« Afin de ne pas encourager les démarches personnelles, nous ne préférons pas mentionner le nom du laboratoire sur ce site. »
Cachotterie bien vaine... les échantillons d'urine sont envoyés au laboratoire allemand BioCheck, Leipzig 53, Walter-Markov-Ring.
Le 21 février 2019, l'excellent Agriculture et Environnement publiait un non moins excellent « BioCheck, un laboratoire aux curieuses analyses ». Résumé :
« Le chiffre de 100% semble être une constante infaillible de ces analyses. Du moins lorsque les prélèvements sont analysés par le laboratoire BioCheck, systématiquement à l’origine de tous ces résultats spectaculaires. »
Spectaculaires, en effet, quand on les compare à des résultats produits par d'autres laboratoires, certes avec des outils qui peuvent être différents.
Que faut-il aussi retenir ? Que ce laboratoire a été fondé par une militante anti-pesticides et anti-OGM notoire... C'est ce que la mouvance anti appelle un « laboratoire indépendant »...
D'autres, à la suite de l'effarant « Envoyé Spécial » de la mi-janvier 2019, se sont aussi attaqués à ces résultats étonnants, pas toujours avec bonheur. Il a ainsi été suggéré que le test pourrait (également) réagir à l'AMPA, un produit de dégradation du glyphosate mais aussi... des détergents.
Libération – avec le concours d'un chercheur de l'INRA en épidémiologie des plantes – a cru bon de voler au secours des preux chevaliers blancs de France 2 avec un pathétique « checknews » intitulé « Les tests urinaires du glyphosate mesurent-ils en réalité… des résidus de lessive ? »
Un extrait du délire journalistique d'Actu.fr !
Pathétique parce que, manifestement, on a voulu noyer le poisson pour conclure fort prudemment :
« Il est donc extrêmement probable que la substance quantifiée dans les tests urinaires est bien uniquement du glyphosate.
[… voir ci-dessous]
Pour autant, aucun test spécifique de l’AMPA n’ayant été réalisé, rien ne prouve que cette substance n’était pas présente dans les échantillons d’urine. Les études scientifiques sur ce sujet ont fait état de concentration en AMPA dans les urines généralement du même ordre de grandeur que celles en glyphosate sans établir de lien entre les deux. »
Il va de soi que les preux chevaliers terrassant les dragons agrochimiques ont crié victoire... Et M. Gil Rivière-Wekstein s'est fendu le 27 mars 2019 d'un « Glyphosate dans les urines : Libération vole au secours du laboratoire BioCheck ».
La partie omise de la citation ci-dessus a la teneur suivante :
« Certains scientifiques nous ont indiqué préférer la chromatographie (une méthode de quantification plus coûteuse) à l’Elisa. Ceci dit, une étude de 2014 de comparaison des deux techniques obtient des bons niveaux de corrélation (entre 0,87 et 0,97). »
Problème : l'étude citée porte sur une comparaison des deux techniques sur... l'eau... C'est même précisé dans le titre ! Voilà un « checknews » qui ressemble fortement à des « fake news », même s'il ne s'agissait là que d'une remarque incidente...
Passons au blog Ma concierge m'a dit... bla bla bla », sous-titré :
« Nous croyons plus volontiers les mensonges qui nous plaisent que les vérités qui nous déplaisent. Ce blog tente de rétablir la vérité face aux mensonges et à la désinformation généralisée déversés par les média et Internet. »
Dans le nouveau billet, « ma concierge » a dit : « que BioCheck c'était le grand laboratoire allemand pour le glyphosate ».
Ce à quoi M. Jakez Gwenan répond lapidairement :
« BioCheck a une certification ISO/CEI 17025 et non CEI 15189 pour laboratoire de biologie médicale. »
Et d'enfoncer le clou :
« Ma concierge : "Mais alors, leurs analyses sont bidons ?"
On peut douter de leurs résultats, qui de toutes les façons n'ont aucune valeur, puisque non valables en biologie médicale… »
Ce n'est pas tout... mais allez le lire sur son site.
Cela dit, ne nous réjouissons pas trop vite. Justice et science ne font pas forcément bon ménage.
Mais ajoutons tout de même deux points.
D'une part, le descriptif du test ELISA d'Abraxis précise :
« Comme pour toute technique d'analyse (GC, HPLC, etc.), les résultats positifs appelant une action réglementaire devraient être confirmés par une méthode alternative. »
D'autre part, les résultats communiqués par Biocheck gravitent autour de 1 microgramme par litre d'urine, ce qui, en comptant large, correspond à une ingestion de 10 microgrammes, à comparer à la dose journalière admissible de 0,5 milligrammes/kg de poids corporel, soit 30 milligrammes admissibles pour une petite personne de 60 kg. Une telle personne, qui est incitée à porter plainte, absorbe donc – pour autant que les résultats de Biocheck ne soient pas des faux positifs – une dose qui représente le trois millième de la dose journalière qui déclenche une alerte, sachant que cette dose a elle-même été établie avec un facteur de sécurité de 100.
Alerte! ALERTE ! ALERTE !