« Les modèles agro-écologiques ont fait leurs preuves »... disent-ils
Les "modèles agro-écologiques", quelle part ?
Il est toujours plaisant de voir le mot valise « agro-écologie » quand Wikipedia vous explique :
« L’agroécologie ou agro-écologie est un ensemble de théories, réalités scientifiques, et pratiques agricoles nourries ou inspirées par les connaissances de l'écologie, de la science et du monde agricole. Ces idées concernent donc l'agriculture, l'écologie, et l'agronomie, mais aussi des mouvements sociaux ou politiques, notamment écologistes. Dans les faits, ces diverses dimensions de théorie, pratique et mouvements, s'expriment en interaction les unes avec les autres, mais de façon différente selon les milieux ou régions. »
« ...de façon différente selon les milieux ou régions » ? De plus en plus souvent, dans le monde activiste, comme un faux-nez pour l'agriculture biologique qui, elle, est formatée par un cahier des charges et a souvent besoin d'avancer masquée.
Donc, selon le Monde (version électronique du 22 février 2019), « Les modèles agro-écologiques ont fait leurs preuves » selon « [t]rente-cinq organisations de défense des paysans et de protection de l’environnement » qui chassent en meute et sont censées présenter « douze priorités pour une autre politique agricole commune ».
L'article est disponible dans son intégralité, avec tous les liens adéquats, sous le titre : « Du champ à l’assiette, une révolution nécessaire »... Le Monde ne pouvait pas refuser ce service aux amis naviguant sur la même ligne socio-politique.
Les faux-nez apparaissent d'emblée (c'est nous qui graissons) :
« II est urgent de faire évoluer notre système agricole et alimentaire. Les représentants politiques doivent saisir cette urgence et opérer un changement de cap pour valoriser la richesse de l’agro-écologie paysanne, la renforcer et la généraliser par des politiques adéquates. Notamment au travers de la politique agricole commune (PAC). C’est ce que présente au Salon de l’agriculture la plate-forme Pour une autre PAC.
[...] S’il [le Salon de l’Agriculture] représente un moment-phare de médiatisation du monde agricole, il est temps de braquer les projecteurs sur une autre approche, celle de l’agro-écologie paysanne, de l’agriculture biologique ou de l’agro-foresterie. »
La rhétorique, surtout activiste, ne s'embarrasse pas de logique. « Les modèles agro-écologiques ont fait leurs preuves », mais en fait tellement peu qu'« [i]l est urgent de faire évoluer notre système agricole et alimentaire » – lire : utiliser l'incitation voire le coercition – par des « politiques adéquates ».
Elle est aussi grandiloquente sur les merveilles de la nouvelle politique à imposer, mise en œuvre – le choix des termes n'est pas innocent – par des « paysans et paysannes » :
« L’agriculture que nous défendons, plus autonome, plus résiliente et privilégiant les processus naturels, produit une alimentation saine, respectueuse de l’environnement et des animaux, mais ce n’est pas tout. Elle contribue au dynamisme de l’économie de nos territoires, en créant de l’emploi et de la valeur ajoutée ; elle se pratique dans le respect de la biodiversité et s’attache à prendre en compte le bien-être des animaux d’élevage, la santé des consommateurs et les impacts sur l’environnement et le climat. »
Au secours ! Pétain et « la terre qui ne ment pas » reviennent ! Notez bien que, par implication, l'agriculture dont ils ne veulent pas ou plus fait tout le contraire...
Il y a tout de même une certaine bienveillance verbale, vite polluée par l'injure :
« Notre mot d’ordre : ni dénigrement ni complaisance avec l’agro-industrie. »
Vraiment ?
« ...modèle agro-industriel actuel insoutenable qui concentre foncier et moyens de production, élimine les fermes et leurs paysans et cause de nombreuses pollutions, la perte de biodiversité et divers déséquilibres alimentaires. »
Et, bien sûr, il y a, répétons-le, les implications a contrario à tirer de la description du merveilleux monde des « modèles agro-écologiques ».
Mais allons droit au but :
« ...il est urgent de soutenir ces paysans garants de la pérennité de notre agriculture. »
Selon le paragraphe précédent, pourtant :
« Les modèles agro-écologiques que nous soutenons ont fait leurs preuves, tant en termes de potentiel de production que de capacité à faire vivre dignement ses acteurs. »
Pour les « douze priorités pour la prochaine PAC » de la plate-forme Pour une autre PAC, il faut cliquer sur le lien. C'est peut-être mieux ainsi... ça évitera à bien des lecteurs rationnels du Monde de tomber à la renverse ; beaucoup d'autres glousseront de plaisir en lisant la priorité des priorités :
« Co‐construire la PAC avec les citoyen·ne·s et les acteur·trice·s public·que·s de l’environnement et de la santé
Ouvrir les instances de gouvernance à la société civile et aux décideur·se·s en charge de l’environnement et de la santé à toutes les échelles territoriales »
Non seulement il faut prendre à Pierre – l'agriculteur conventionnel qui nous nourrit – pour habiller Paul – le porteur de « modèles agro-écologiques », mais encore confier les clés de la décision « à toutes les échelles territoriales » à une « société civile » autoproclamée. On échappe à la dictature du verchévisme : co-construire implique – en principe – qu'il restera quelques strapontins pour les autres...
Et il y a, bien sûr, l'inévitable :
« Rendre l’agriculture biologique accessible à tou·te·s
Attribuer des financements importants pour le maintien et le développement de l’agriculturebiologique »
C'est a priori très malin – malhonnête selon le point de vue – de mettre ça sous «« Citoyen·ne·s et alimentation ».
Mais c'est aussi un formidable aveu : l'agriculture biologique n'est pas accessible à « tou te s ». Et ce n'est pas la seule occurrence de « Moi y en a vouloir des sous ».