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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

PFAS : une tribune dans le Monde, une citation de l'ANSES...

6 Avril 2024 Publié dans #critique de l'information, #Activisme

PFAS : une tribune dans le Monde, une citation de l'ANSES...

 

 

(Source)

 

 

Dans une tribune publiée par le Monde sur son site Web, pour donner plus de crédit à son propos, un collectif militant « de scientifiques et de vulgarisateurs » a osé produire une citation qui paraît fort problématique.

 

Dans mes vies antérieures – comme fonctionnaire international et comme syndicaliste producteur de dossiers juridiques pour les tribunaux administratifs de l'OIT et de l'ONU (pro bono) – j'ai cultivé un souci de l'exactitude des citations. Ce souci, je l'avais acquis dans un cursus scolaire qui transmettait à l'époque des valeurs sans subir le relativisme qui prévaut actuellement et auquel on succombe si facilement.

 

J'ai donc vu une tribune d'un « collectif », en date du 3 avril 2024, sur le site Web du Monde, « Les PFAS doivent être gérés comme une classe chimique unique au nom de leur persistance et de leurs risques sur la santé ».

 

En chapô :

 

« Un projet de loi visant à interdire les polluants éternels sera voté, jeudi, à l’Assemblée. Un collectif de scientifiques et de vulgarisateurs attire l’attention, dans une tribune au "Monde", sur la mise en doute de leur toxicité par des industriels, et appelle les responsables politiques à les interdire. »

 

La tribune s'ouvre par une déclaration tonitruante et un appel à l'autorité, en l'occurrence de l'ANSES :

 

« Les PFAS, ou substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, sont des molécules fabriquées par l’homme et surnommées "polluants éternels" par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail à cause de leur stabilité et de leur caractère difficilement dégradable dans l’environnement. On compte plusieurs milliers de PFAS différentes. »

 

Le « collectif de scientifiques et de vulgarisateurs » a donc fait le choix de s'inscrire d'emblée dans le discours démagogique porté par le militantisme forcené qui veut la peau de ces substances pour des motifs divers, dont l'ambition de faire prospérer un fond de commerce politique ou économique. Curieuse conception de la science et de la vulgarisation.

 

Que fait l'obsédé textuel dans ce cas ? Il va vérifier...

 

Le lien mène à une page pour grand public, « PFAS : des substances chimiques très persistantes ».

 

Point de « polluants éternels » dans cette page.

 

J'ai bien sûr sauté au plafond. Combien de fois ai-je vu, notamment dans les réponses à mes écritures, des prétendues citations plus ou moins artistiquement truandées ou simplement sorties de leur contexte ou mises dans un autre ?

 

Mais il me faut reconnaître que la réalité est peut-être plus complexe.

 

La tribune a été publiée par le Monde le 3 avril à 17 heures.

 

 

 

 

Le texte de l'ANSES mis en lien est daté du 4 avril 2024. Il n'y a pas de version antérieure archivée en cache ou sur Archive.org.

 

 

 

 

Que s'est-il passé ?

 

 

J'ai eu un échange sur X (ex-Twitter) avec un certain Vlavv que je remercie vivement. Il a cru me mettre sur la bonne piste. Mais son lien mène à une autre page de l'ANSES qui date du 12 mai 2022, a été archivée de nombreuses fois, « PFAS : des substances chimiques dans le collimateur ».

 

 

 

 

C'est celle que l'on s'attend à trouver sur la base de l'URL mise en lien dans la tribune.

 

Mais les mots « polluants éternels » n'y figurent pas non plus. Tout au plus y a-t-il un pavé :

 

« Pourquoi appelle-t-on les PFAS les "produits chimiques éternels" ?

 

Les PFAS contiennent tous des liaisons carbone-fluor très stables. Ils varient selon la longueur de leur chaîne carbonée. Ces liaisons chimiques stables en font des composés chimiques très peu dégradables une fois dans l'environnement. C’est la raison pour laquelle on les surnomme parfois les "forever chemicals" ou "produits chimiques éternels". »

 

Il y a bien le mot « éternels », mais collé à une autre expression.

 

Et il est fondamentalement inadmissible de traduire le « on les surnomme parfois » de l'ANSES par « surnommées "polluants éternels" par [l'ANSES] ».

 

Le titre ancien figure toujours dans les moteurs de recherche avec son URL, mais le moteur nous renvoie maintenant au texte daté du 4 avril 2024. Il y a donc une quasi-coïncidence de la publication de la tribune dans le Monde et de la révision de la page de l'ANSES. Mais c'est sans incidence sur la qualification qu'il convient de donner à la citation (n'employons pas ici des mots qui fâchent...).

 

 

 

 

Il est loisible à l'ANSES d'actualiser ses pages. On peut discuter du choix qui a consisté à rediriger une requête vers la nouvelle page. Les uns trouveront cela problématique ; d'autres préférerons cette solution à un « page introuvable ».

 

On peut sans aucun doute saluer le nouveau titre dépourvu de connotation militante, et la suppression de la référence aux « forever chemicals », tout à fait inopportune sur le site d'une agence d'évaluation et de décision, laquelle doit s'en tenir aux seuls faits objectifs.

 

Et je n'ai pas d'explication charitable pour la pseudo-citation de la tribune dans le Monde. Mais, comme d'autres, un avis très tranché sur son utilisation...

 

 

(Source)

 

 

Post scriptum

 

Sur le site du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, dans « Plan d’action ministériel sur les PFAS » (du 17 février 2023), on trouve ceci (c'est nous qui graissons) :

 

« Plus connues sous le nom de PFAS, les per- et polyfluoroalkylées sont des substances aux propriétés chimiques spécifiques, utilisées dans de nombreux domaines industriels et produits de la vie courante. Extrêmement persistantes dans l’environnement, elles sont parfois appelées produits chimiques éternels. Porté par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le plan d’action PFAS 2023-2027 a pour objectif de renforcer la protection des Français et de l’environnement contre les risques liés à ces substances.

 

[…]

 

Ces substances contiennent toutes des liaisons carbone-fluor, qui comptent parmi les liaisons chimiques les plus stables. Cela signifie qu’elles se dégradent très peu après utilisation ou rejet dans l’environnement. C’est la raison pour laquelle on les surnomme parfois les forever chemicals, ou produits chimiques éternels. »

 

Il y a des emprunts évidents à la prose de l'époque de l'ANSES, d'ailleurs citée en référence... mais aucune trace de « polluants éternels »...

 

 

 

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T
et oui .je me suis abonné à plusieurs revues scientifiques Américaines et anglaises (merci l'ordinateur de traduire) qui explique les choses en tout objectivité comme American council on science and health,alliance pour la science, phys org qui met des articles scientifiques en ligne.Cela me permet de voir la version des scientifiques les journalistes ne vérifie jamais leurs sources.
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H
Il y a quelques jours, je ne sais plus quel canard pour coin coin parlait des PFAS en expliquant qu'ils étaient cancérigènes et en donnant un lien vers une revue scientifique contenant un article en anglais n'évoquant aucun cancer mais mesurant la persistance de différents PFAS dans l'environnement et notre corps et s'inquiétant des effets éventuels à longs termes. <br /> Je suppose qu'un certain nombre de journalistes sont aussi insuffisants en sciences qu'en anglais.
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