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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

« Il analyse l’eau de son robinet [FAUX] et découvre plus de 200 substances issues de pesticides [FAUX] » dans Ouest France

16 Mars 2024 Publié dans #critique de l'information, #Activisme, #Pesticides

« Il analyse l’eau de son robinet [FAUX] et découvre plus de 200 substances issues de pesticides [FAUX] » dans Ouest France

 

 

 

Un quidam se trompe sur l'interprétation des résultats d'une analyse de son eau du robinet... Errare humanum est. Mais avec le concours de deux personnes a priori plus éclairées... Et l'impéritie de deux journalistes est sidérante.

 

Il y a vraiment des corniauds dans la profession journalistique (ailleurs aussi, du reste). Et n'incriminez pas le/la stagiaire !

 

Ouest France – ce journal qui a adopté une charte « pour un journalisme au niveau de l'enjeu écologique » – a publié un extraordinairement ridicule « Il analyse l’eau de son robinet et découvre plus de 200 substances issues de pesticides » le 15 mars 2024.

 

C'est déjà grave que les lecteurs du quotidien soient désinformés. Et cet article qui constitue une bonne nouvelle sur le plan médiatique – parce que c'est une mauvaise nouvelle (alléguée) sur le plan factuel – risque de faire des petits, et aussi de se répandre sur les réseaux sociaux. Je suis tombé dessus via MSN.

 

En fait, cet article est déjà le rejeton de « Dans l'eau de son robinet, il y a "209 molécules chimiques issues de pesticides" » publié par le Progrès (derrière un péage). Publié à 6 heures... pompé à 12h31...

 

Or donc, selon le chapô de l'article d'Ouest France,

 

« Un habitant de Saint-Just-Saint-Rambert, dans la Loire, a découvert plus de 200 molécules chimiques issues de pesticides dans l’eau de son robinet. Un "cocktail explosif" qui ne serait pas sans danger pour la santé humaine. »

 

Non, il n'a pas analysé son eau... Il est allé chercher les résultats des analyses publiées sur le site pertinent de ce qui est maintenant le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités.

 

Oui, il a « découvert plus de 200 molécules chimiques »... enfin des noms de molécules qui sont par définition chimiques, comme chacun devrait savoir et comme beaucoup ne savent plus dans ce pays qui a résolument tourné le dos à la science, même élémentaire.

 

Non, ce n'est pas un cocktail explosif. Et non, il n'y a pas de danger pour la santé humaine, même au conditionnel.

 

Voici deux extraits de la fiche.

 

 

 

 

 

 

Notez que le fipronil a été interdit en agriculture, mais continue à être utilisé pour antipucer Médor et Minet ; la bromadiolone est un raticide, et le glyphosate... ben on n'en a pas détecté.

 

Tous les résultats de mesure avec le signe « inférieur à » – « < » en notation mathématique, comme chacun devrait savoir – dénotent des molécules qui ont été recherchées et qui n'ont pas été trouvées.

 

Conformément aux usages – et à l'honnêteté, intellectuelle et plus – on a indiqué que la valeur réelle est inférieure à la limite de détection ou de quantification. Parce qu'on ne peut pas affirmer une absence avec certitude. Et, sauf erreur de ma part, aucun résidu de pesticide n'a été détecté dans cette eau : tous les résultats sont donnés avec le signe « < ».

 

 

Extrait de la photo du Progrès, avec pour légende : « Michel Celle montre sur une page une partie des pesticides soulignés en jaune fluo présents dans l’eau du robinet. Photo Anne-Laure Negro »

 

 

Mais c'est suffisant pour faire de la gesticulation... tout en affirmant ne pas vouloir créer une psychose.

 

« "Nous avons rencontré 209 molécules chimiques issues de pesticides. Même si ces références de qualité ne sont pas dépassées, c’est le cumul total de toutes ces molécules qui représentent un cocktail explosif pour la santé humaine", explique-t-il à nos confrères. »

 

Pour faire bonne mesure, on convoque un témoin à charge à la barre :

 

« Quant à l’effet de ces molécules sur le long terme, Alexis Guilpart, de l’association France Nature Environnement, prévient : "Beaucoup d’études scientifiques montrent que ces molécules peuvent être des perturbateurs endocriniens et cancérogènes, même à faible concentration. Il peut y avoir des effets cocktails avec des résidus de médicaments et de métaux lourds présents dans l’eau. Pour l’instant, c’est en recherche." »

 

Notre habitant de Saint-Just-Saint-Rambert (Loire) – « fervent défenseur de la nature » selon le Progrès – aurait décrypté le rapport d'analyse « avec l’aide d’une étudiante-chercheuse en biologie et un ami pharmacien ».

 

Pourtant, il suffisait de réfléchir un peu. Est-ce plausible de trouver 209 traces de pesticides dans l'eau potable ? Que conclure si on trouve la même liste, avec les mêmes résultats précédés d'un « < », pour d'autres réseaux de distribution d'eau ?

 

Que dire en définitive ? Peut-être que l'hystérie anti-pesticides mène à l'aveuglement. C'est grave.

 

 

Additif du 28 mars 2024

 

Ouest France a discrètement supprimé son article. Nous aurions préféré un rectificatif qui aurait fait œuvre de pédagogie

 

Celui du Progrès -- à l'origine de la bévue -- est toujours là. L'ARS Auvergne-Rhône-Alpes n'a à notre connaissance pas réagi.

 

Additif du 30 mars 2024

 

Ouest-France a publié le 28 mars 2024 un article pédagogique, "Pesticides dans l’eau du robinet : comment lire les données des analyses menées dans chaque commune". C'est une démarche qui lui fait honneur et cela me fait grand plaisir de le souligner.

 

 

 

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H
Mise au point juste excellente. <br /> Ouest fut un bon journal...autrefois... C'est devenu une outre à balivernes écolo-catastrophistes ! Le changement avait débuté avant l'adhésion à la charte de propagange écologiste.
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