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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Après les leucémies et la viticulture, voici les tumeurs embryonnaires et la viticulture

5 Novembre 2023 Publié dans #Article scientifique, #Pesticides, #Santé publique

Après les leucémies et la viticulture, voici les tumeurs embryonnaires et la viticulture

 

 

 

 

Dans la foulée d'une étude que nous avons commentée dans « Viticulture et leucémies infantiles : une étude un peu "survendue" et instrumentalisée », une équipe dont l'ossature relève du Centre d'Épidémiologie et de Statistiques (CRESS) a publié une étude sur les tumeurs embryonnaires dans Environmental Research.

 

C'est : « Residential proximity to vines and risk of childhood embryonal tumours in France - GEOCAP case-control study, 2006–2013 » (proximité résidentielle des vignes et risque de tumeurs embryonnaires chez l'enfant en France – Étude cas-témoins GEOCAP, 2006-2013) de Danielle Awounou, Matthieu Mancini, Brigitte Lacour, Perrine de Crouy-Chanel, Isabelle Aerts, Véronique Minard-Colin, Gudrun Schleiermacher, Arnauld Verschuur, Sandra Guissou, Emmanuel Desandes, Laurence Guldner, Jacqueline Clavel, Stéphanie Goujon.

 

En voici le résumé :

 

Contexte

 

On a suggéré que l'exposition aux pesticides est un facteur de risque potentiel de tumeur embryonnaire chez l'enfant. La littérature existante s'est principalement concentrée sur l'exposition professionnelle des parents et l'utilisation domestique des pesticides, et est très limitée en ce qui concerne l'exposition résidentielle aux pesticides agricoles. L'étude visait à tester l'hypothèse d'un risque accru de tumeur embryonnaire chez les enfants vivant à proximité de parcelles viticoles, susceptibles de faire l'objet d'applications fréquentes de pesticides.

 

Méthodes

 

L'étude fait partie du programme national français GEOCAP basé sur un registre. Nous avons inclus 2.761 cas de neuroblastome, rétinoblastome, tumeur de Wilms et rhabdomyosarcome diagnostiqués avant l'âge de 15 ans sur la période 2006-2013, et 40.196 témoins représentatifs de la population du même âge sur cette période. Les indicateurs de proximité des vignes, la présence de vignes et la densité de la viticulture dans un rayon de 1.000 m autour des adresses de résidence géocodées, ont été évalués en combinant trois sources de données sur l'utilisation des terres agricoles dans un système d'information géographique. Nous avons estimé les odds ratios (OR) et les intervalles de confiance (IC) à 95 % en utilisant des régressions logistiques non conditionnelles et avons effectué plusieurs analyses de sensibilité pour tester la stabilité des résultats.

 

Résultats

 

Environ 10 % des témoins vivaient à moins de 1.000 m de vignes, avec des variations régionales allant de <1 % à 38 %. Nous avons observé une augmentation de 5 % du risque de neuroblastome pour une augmentation de 10 % de la densité de la viticulture (OR = 1,05, IC 95 % : 0,98-1,13), avec une hétérogénéité régionale. Les indicateurs de proximité des vignes n'ont pas été associés aux autres tumeurs embryonnaires non-CNS.

 

Conclusion

 

L'étude a montré une légère augmentation du risque de neuroblastome chez les enfants vivant à proximité de vignes, suggérant que l'exposition résidentielle aux pesticides agricoles pourrait être impliquée dans la survenue de ces tumeurs. »

 

L'article est derrière un péage.

 

Il est du reste aussi en anglais, pour une recherche financée sur fonds publics français et issue d'une institution chargée

 

« d’étudier et de comprendre les facteurs déterminant la santé des populations aux différents âges de la vie (de la conception au vieillissement), de développer des méthodes innovantes, de concevoir et d’évaluer des interventions pour améliorer les pratiques cliniques et les politiques de santé publique. »

 

Nous retrouvons ici les « 40.196 témoins représentatifs de la population du même âge sur cette période ».

 

Et, sans doute les mêmes problèmes d'interprétation des données.

 

Nous regretterons, à nouveau, l'approche qui a été prise pour la présentation des résultats.

 

L'information principale – diluée dans le résumé – est qu'on n'a pas trouvé d'augmentation significative des cas de rétinoblastome, tumeur de Wilms et rhabdomyosarcome en lien avec la culture de la vigne.

 

Notons cependant que l'étude sur les leucémies (deux types dont un bien plus fréquent que l'autre) a porté sur 3.711 cas. Ici, il s'agit de 2.761 cas pour quatre affections. Il est donc possible que la puissance statistique ait été insuffisante pour les trois affections précitées. C'est plus que vraisemblable pour le rétinoblastome dont l'incidence varie, suivant les études, entre 3 et 50 par million d'enfants de moins de 14 ans selon Wikipedia.

 

Selon le résumé, on aurait « une augmentation de 5 % du risque de neuroblastome pour une augmentation de 10 % de la densité de la viticulture ». Mais l'intervalle de confiance chevauche la valeur 1 (0,98-1,13)...

 

La conclusion selon le résumé est, quant à elle, choquante.

 

Non, l'étude ne suggère pas que « l'exposition résidentielle aux pesticides agricoles pourrait être impliquée dans la survenue de ces tumeurs » – même avec le verbe « suggérer » et un conditionnel. Et l'évocation des « pesticides », sans nuance et sans distinction, relève de la généralisation abusive.

 

C'est de la « science » post-moderne que de tirer des conclusions qui vont largement au-delà des constatations que l'on a faites – qui, du reste, devraient être confirmées.

 

Et c'est rendre un très mauvais service aux décideurs que le CRESS a pour mission de servir en évaluant « des interventions pour améliorer [...] les politiques de santé publique ».

 

Les propos de Mme Jacqueline Clavel, directrice de recherche INSERM au CRESS, dans son entretien avec l'Express – « Vignes et risque accru de leucémie : les chercheurs répondent aux critiques » – sont du reste sans ambiguïtés 

 

« L’Express : L’une des limites de votre étude est de montrer une corrélation, mais pas un lien de causalité, entre la densité de vignes autour du lieu d’habitation et l’augmentation du risque de leucémie lymphoblastique aiguë. Vous ne démontrez donc pas que les vignes ou que les pesticides sont responsables de ces cancers ?

 

Jacqueline Clavel : Nous observons un lien, mais, en effet, nous ne démontrons pas qu’il est causal. Mais nous morons une association, pas seulement une corrélation. Notre étude compare les zones de 1 kilomètre autour du lieu d’habitation de plus de 3 711 enfants malades et de 40 196 enfants non malades, zones dans lesquelles nous avons déterminé la densité des vignes. Nous avons trouvé que, plus cette densité était élevée, plus le risque de leucémie lymphoblastique aiguë était élevé. Nous ne nous prononçons pas sur la responsabilité des produits phytosanitaires épandus sur ces cultures parce que, à ce stade, nous ne savons pas quels produits ont été utilisés ni à quelle dose. » (Souligné par nous.)

 

À propos...

 

L'incidence du neuroblastome est d'environ 1/70 000 enfants de la tranche d'âge de 0 à 15 ans.

 

 

Post scriptum

 

À propos des leucémies, on lira aussi avec intérêt les analyses de M. Philippe Stoop et Mme Géraldine Woessner sur LinkedIn.

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H
Si cela peut en rassurer certains, la sécheresse et l'ensoleillement 2022 ont permis de limiter drastiquement les traitements, la météo ayant éliminé naturellement la plupart des maladies de la vigne, les vignerons ont très rarement sorti les pulvérisateurs. Comme quoi chaleur et sécheresse peuvent avoir du bon.<br /> Et en dépit des cris des hystériques du climat, la récolte a été très bonne en volume dans la plupart des régions de France. Bref du 2022 d'exception presque partout en France !
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