Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le prochain défi réglementaire européen pour les sélectionneurs de plantes

25 Octobre 2023 Publié dans #NGT, #Union Européenne

Le prochain défi réglementaire européen pour les sélectionneurs de plantes

 

David Zaruk (Risk-monger)*

 

 

 

 

Alors que l'Union Européenne commence à réaliser que les avantages des nouvelles techniques génomiques (NGT) pour la sécurité alimentaire l'emportent largement sur les risques (en particulier parce que Farm2Fork aura un impact sérieux sur les rendements agricoles européens), il existe désormais un environnement réglementaire plus favorable pour les technologies innovantes de sélection des plantes. Mais il ne faut pas croire un seul instant que cela se traduira par une navigation sans encombre pour ceux qui mettent de nouvelles variétés sur le marché. À l'instar de ce qui s'est passé dans le passé pour les nouvelles technologies agricoles, il faut s'attendre à un processus réglementaire très coûteux et donc très exclusif.

 

 

L'un des avantages les plus intéressants des NGT est le faible coût d'entrée pour les innovateurs. Les laboratoires des pays en développement peuvent se concentrer sur la recherche de solutions aux problèmes agricoles locaux plutôt que de dépendre de grandes entreprises dotées de budgets de recherche considérables et à la recherche de marchés plus lucratifs pour les semences de plantes cultivées de base. Mais si les activistes sont contraints d'accepter un régime réglementaire moins restrictif pour les NGT (qu'ils considèrent toujours comme des OGM), ils se battront bec et ongles pour rendre les obstacles réglementaires aussi restrictifs que possible (et donc plus coûteux).

 

David Zaruk

 

En 2005, j'étais responsable de la communication sur la gestion des produits au CEFIC (Conseil Européen de l'Industrie Chimique), lors de la première lecture de REACH au Parlement Européen. Le règlement prévoyait d'imposer à l'industrie des coûts de recherche importants pour satisfaire aux exigences d'enregistrement. J'ai remarqué à l'époque que les grandes entreprises chimiques n'étaient pas trop préoccupées par ces coûts, alors que les PME l'étaient, et qu'elles exprimaient haut et fort leur crainte de faire faillite (et d'être plus vulnérables face aux grandes entreprises qui les rachèteraient à bas prix).

 

Deux décennies plus tard, Bruxelles est devenue encore plus restrictive sur le plan réglementaire. Nous devrions donc nous demander comment des coûts de mise en conformité aussi élevés peuvent créer des obstacles à l'entrée sur les marchés pour toutes les entreprises de sélection de plantes, à l'exception des plus grandes. Une petite entreprise de biotechnologie peut-elle se permettre d'attendre dix ans et de payer des dizaines de millions d'euros pour se conformer aux exigences des agences et des gouvernements ? Les petits sélectionneurs de plantes devront-ils conclure des accords avec des entreprises plus importantes ?

 

Vient ensuite le défi de maintenir les semences sur le marché. À l'époque des délibérations de la Commission Européenne sur le Règlement Relatif à l'Utilisation Durable des Pesticides, Phillips McDougall a publié une étude montrant que plus de la moitié des frais de recherche engagés par les entreprises de pesticides visaient à maintenir les produits existants sur le marché. Avec Farm2Fork, je ne peux pas m'attendre à ce que les coûts diminuent ou que les opportunités augmentent.

 

 

Des idiots utiles

 

L'ironie de la création d'obstacles réglementaires quasi impossibles à franchir est que les ONG militantes ont créé un environnement de coûts et de temps avantageux pour les grandes entreprises et uniquement pour les semences destinées aux marchés lucratifs des cultures de rente plutôt que pour les technologies qui aideraient les petits exploitants confrontés à des défis locaux avec des variétés de cultures moins importantes. Ainsi, les ONG promeuvent involontairement un type d'agriculture qu'elles méprisent tout en décourageant les innovations de pointe des jeunes chercheurs locaux.

 

Chaque fois que je vois une nouvelle campagne d'ONG, je cherche à savoir quelle grande industrie en profitera. Dans le domaine de l'énergie, des entreprises comme Gazprom ont ouvertement financé des ONG comme les Amis de la Terre pour attaquer le nucléaire et promouvoir le gazoduc Nord Stream, tandis que ceux qui exigent une transition plus rapide s'agissant des combustibles fossiles permettent sciemment une nouvelle décennie (au moins) d'émissions de charbon polluant. Les gouvernements se contentent de hausser les épaules et de dire qu'ils donnent au peuple (quel peuple ?) ce qu'il veut.

 

Les militants sont souvent bornés dans leur recherche de solutions simples pour promouvoir leurs idéologies. La débâcle de Greenpeace sur le Riz Doré montre à quel point il est facile pour les nantis d'exploiter le système réglementaire actuel sur la base d'une idéologie puritaine de privilégiés. La situation s'aggrave lorsque les grandes entreprises collaborent avec ces ONG pour promouvoir leurs intérêts tout en prétendant se préoccuper de la durabilité.

 

 

Mesures visant à améliorer l'environnement innovant

 

Ce serait bien si nous pouvions tous nous mettre d'accord sur le fait qu'une meilleure (moins de) réglementation des innovations en matière de semences est la meilleure voie à suivre ; mais étant donné la nature participative et consensuelle du processus politique européen, cela n'arrivera pas. Alors, comment Bruxelles peut-elle créer un environnement réglementaire qui n'étouffe pas la recherche sur les NGT ou qui n'aide que les plus grandes entreprises sur les marchés de semences les plus rentables ?

 

Les mesures prises dans le cadre du processus d'enregistrement des produits pharmaceutiques pourraient être utiles. Si un médicament s'avère prometteur dans la lutte contre une maladie grave (ou une pandémie), il peut faire l'objet d'une procédure accélérée d'autorisation de mise sur le marché en cas d'urgence. Lorsqu'une nouvelle solution en matière de semences pourrait aider les petits exploitants à faire face à de graves menaces pesant sur l'approvisionnement alimentaire (comme le flétrissement du bananier, la maladie des stries brunes du manioc ou la pourriture noire des cabosses du cacao...), devrions-nous obliger les agriculteurs à attendre 20 ans pour qu'une société quelconque dispose d'un dossier complet ? S'il existe des phases d'essai clairement comprises, comme dans le processus de développement d'un médicament, seuls les idéologues les plus intransigeants s'opposeraient à une législation sur l'utilisation d'urgence des semences en cas de mauvaises récoltes massives.

 

Si la Commission Européenne est déterminée à imposer des restrictions réglementaires étouffantes, elle devrait envisager de soutenir financièrement les PME qui tentent de mettre sur le marché des innovations prometteuses. Laisser les petites organisations sans autre choix que d'être rachetées ou de s'engager dans des partenariats défavorables n'encourage ni l'innovation ni la concurrence. La Commission Européenne doit être responsable des conséquences de ses actions.

 

Enfin, les entreprises devraient être dénoncées par leurs pairs si elles ont soutenu des ONG qui promeuvent un climat de peur et des restrictions réglementaires.

 

________________

 

David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur Twitter ou la page Facebook de Risk-monger.

 

Source : The Next European Regulatory Challenge for Seed Breeders - Seed World Europe (european-seed.com)

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article