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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Politique d'interdiction des pesticides de l'UE : la fin des pommes de terre et des asperges d'Allemagne

3 Juillet 2023 Publié dans #Pesticides, #Politique, #Allemagne, #Union Européenne

Politique d'interdiction des pesticides de l'UE : la fin des pommes de terre et des asperges d'Allemagne

 

Norbert Lehmann, AGRARHEUTE*

 

 

© stock.adobe.com/George Serban

Une interdiction totale des produits phytosanitaires chimiques signifierait la fin de la culture des pommes de terre et des légumes de plein champ dans ces régions. Pour le blé, le colza et d'autres fruits du marché, les agriculteurs situés sur de bons sites devraient s'attendre à une perte de revenu de 50 pour cent, selon une expertise de l'Université des Sciences Appliquées de Soest.

 

 

Une interdiction totale des produits phytosanitaires chimiques dans les zones protégées met en danger l'agriculture allemande. Les agriculteurs subiront des pertes de revenus massives. C'est ce que montre une expertise.

 

 

Les consommateurs devront bientôt renoncer aux pommes de terre, aux asperges et aux oignons d'Allemagne si la Commission Européenne fait passer sa proposition d'interdiction totale des produits phytosanitaires chimiques dans les zones protégées. C'est ce que révèle une expertise du professeur Friedrich Kerkhof de la Fachhochschule Soest, présentée le 9 mai 2023 aux députés du Parlement Européen à Strasbourg. L'étude a été réalisée à la demande de l'Union Allemande des Agriculteurs (DBV – Deutscher Bauernverband).

 

Pour cette expertise, les conséquences économiques de la proposition de la Commission Européenne pour un règlement sur l'utilisation durable des produits phytosanitaires (SUR) ont été calculées.

 

M. Kerkhof en conclut que les agriculteurs exploitant de bonnes terres arables situées dans des zones protégées perdent environ la moitié de leurs revenus. Sur les sites moins fertiles, les grandes cultures ne seraient plus rentables à moyen terme. Ce sont surtout les pommes de terre et le colza qui devraient être abandonnés, mais aussi les légumes comme les asperges et les oignons.

 

 

Les producteurs de légumes ne pourront plus répondre aux exigences de qualité

 

« Si on renonce à la protection phytosanitaire chimique, la culture de certaines espèces de légumes sera abandonnée ou ne sera rentable que si le niveau des prix est très élevé », a déclaré le professeur Kerkhof. Comme les critères de qualité exigés par le commerce ne peuvent pas être remplis sans produits phytosanitaires, les agriculteurs risquent rapidement de perdre totalement leur récolte.

 

Au lieu de cultiver des légumes de plein champ et des laitues iceberg, ils devraient cultiver des betteraves sucrières [ma note : ce ne serait pas la culture de substitution la plus facile... et il faut une sucrerie dans les environs] ou du blé d'hiver. Cela signifierait une perte de revenu de 6.900 euros/ha pour une exploitation typique avec des légumes.

 

 

Le plus grand groupe politique du Parlement Européen critique « l'interdiction de fait d'exercer » pour les agriculteurs

 

Dans le cadre de sa stratégie « de la ferme à la table », la Commission Européenne a proposé, comme on le sait, de réduire de 50 pour cent l'utilisation de produits phytosanitaires chimiques dans l'UE d'ici 2030. Un objectif de réduction plus élevé, de 55 pour cent, devrait même s'appliquer à l'Allemagne. Une interdiction totale de la protection phytosanitaire chimique est prévue dans les zones protégées.

 

Le plus grand groupe politique du Parlement Européen, le Parti Populaire Européen (PPE), a rejeté en bloc la proposition de règlement la semaine dernière. La Commission doit retirer le projet SUR, exige le PPE. L'interdiction des produits phytosanitaires dans les zones sensibles équivaut de fait à une interdiction professionnelle pour de nombreux agriculteurs.

 

Le projet a également été très largement rejeté par le Conseil agricole de l'UE. Seul le gouvernement fédéral soutient l'approche de la Commission européenne.

 

 

Perte de rendement de 30 pour cent pour le blé

 

 

© stock.adobe.com/GrebnerFotografie

Pour le colza, les agriculteurs devraient s'attendre à une baisse de rendement de 40 pour cent sans produits phytosanitaires, selon les estimations de la FH Soest.

 

 

Dans son expertise sur le règlement SUR, la Fachhochschule Soest part du principe qu'une interdiction totale des produits phytosanitaires chimiques dans les zones protégées en Allemagne toucherait environ 31 pour cent des surfaces cultivées et 36 pour cent des surfaces d'arboriculture et de viticulture.

 

Dans ces zones, les pertes de rendement s'élèveraient à 30 pour cent pour les céréales d'hiver et à environ 40 pour cent pour les pommes de terre et le colza d'hiver. Des pertes nettement moins importantes seraient à prévoir pour les céréales de printemps, les légumineuses à grains et le maïs.

 

Pour les prairies, il faudrait s'attendre à des baisses de rendement de 5 à 10 pour cent. M. Kerkhof a parlé dans ce contexte d'une « approche modérée ».

 

 

En dehors des régions favorisées, les cultures ne sont plus rentables

 

La baisse des rendements signifie également une baisse des revenus pour les agriculteurs. Sur un bon site de grandes cultures, le professeur Kerkhof chiffre les pertes à 427 euros/ha pour le colza d'hiver, à 360 euros/ha pour le blé d'hiver et à 345 euros/ha pour les betteraves sucrières. Au total, il en résulte une perte de revenu de 449 euros/ha dans une exploitation typique.

 

Sur un site de grandes cultures à faible potentiel de rendement, les grandes cultures ne seraient pas économiquement viables en l'absence de protection phytosanitaire, compte tenu des prix à la production.

 

 

Les éleveurs laitiers pourraient devoir se séparer de leurs vaches laitières

 

Pour les exploitations laitières situées dans des régions d'herbages, il est important de savoir si elles peuvent compenser en interne les pertes attendues en matière d'approvisionnement en fourrage de base. Si ce n'est pas le cas, le cheptel devra être réduit. Dans ce cas, la perte de revenu risque d'atteindre 205 à 305 euros/ha dans l'exploitation fourragère, selon l'intensité de l'utilisation des produits phytosanitaires.

 

Les conséquences économiques sont relativement modérées si l'exploitation laitière peut compenser la baisse de rendement des cultures fourragères et ne doit pas réduire le nombre de ses vaches laitières.

 

M. Kerkhof a clairement indiqué qu'une interdiction totale des produits phytosanitaires chimiques serait également problématique pour les exploitations biologiques concernées. Ce n'est que dans le cas d'une adaptation du projet SUR, qui continuerait à autoriser l'utilisation de produits phytosanitaires autorisés dans l'agriculture biologique dans les zones protégées, que la conversion des exploitations conventionnelles à l'agriculture biologique serait une solution. Cependant, il faudrait alors s'attendre à des perturbations du marché dans ces régions.

 

 

Le président des agriculteurs Rukwied critique les « projets irréalistes » de la Commission Européenne

 

Du point de vue du président de la DBV Joachim Rukwied, l'expertise montre clairement que la Commission Européenne, avec ses « plans irréalistes » [littéralement : « étrangers au monde »], ne met pas seulement en danger l'existence de nombreuses exploitations agricoles, mais met également en péril de manière irréfléchie la sécurité de l'approvisionnement alimentaire en Europe.

 

M. Rukwied a exigé des solutions intelligentes et surtout réalisables pour réduire l'utilisation de produits phytosanitaires, grâce auxquelles l'UE pourrait assumer sa responsabilité en matière de sécurité alimentaire. Selon lui, des objectifs de réduction forfaitaires et des interdictions totales constituent une approche tout à fait erronée.

 

____________

 

Norbert Lehmann travaille depuis plus de 25 ans comme journaliste spécialisé. Après des études d'économie agricole à Bonn, le service de presse et d'information Agra-Europe a été sa première étape professionnelle. Il a fait de fréquents séjours à Bruxelles en tant que correspondant. Ensuite, activités au sein du groupe d'édition Handelsblatt, dans les relations publiques scientifiques ainsi qu'en tant qu'indépendant. Depuis 2012, il travaille au dlv, en dernier lieu en tant que chef de la rubrique Management & Markt à la rédaction d'AGRARHEUTE.

 

* Source : EU-Verbotspolitik: Das Aus für Kartoffeln und Spargel aus Deutschland | agrarheute.com

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