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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le dysfonctionnement de l'OMS en ce qui concerne l'aspartame suscite des craintes inutiles chez les consommateurs

19 Juillet 2023

Le dysfonctionnement de l'OMS en ce qui concerne l'aspartame suscite des craintes inutiles chez les consommateurs

 

Susan Goldhaber, ACSH*

 

 

Image : Jessica Denham de Pixabay

 

 

Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a récemment conclu que le populaire édulcorant artificiel aspartame, largement utilisé dans les aliments et les boissons diététiques, est « peut-être cancérogène pour l'homme », une conclusion alarmante car l'aspartame est utilisé dans des milliers de produits à faible teneur en calories. Toutefois, une autre organisation de l'OMS, le Comité Mixte d'Experts des Additifs Alimentaires (JECFA), a conclu que la consommation d'aspartame ne présentait aucun danger. Peut-on comprendre ces conclusions contradictoires ?

 

 

Le CIRC classe le danger des substances, c'est-à-dire si la substance peut causer le cancer – et non pas le risque en fonction du niveau d'exposition. Le JECFA évalue le risque, c'est-à-dire la probabilité qu'un cancer survienne à la suite d'une exposition à une substance. Ces deux approches contribuent aux conclusions différentes des deux organisations.

 

 

 

 

Le CIRC

 

Le CIRC a commencé à classer les substances en 1971 et l'a fait pour plus de 900 substances. En 52 ans, le CIRC n'a classé qu'une seule substance dans le groupe 4, « probablement non cancérogène pour l'homme ». Cette substance, le caprolactame, utilisée dans la fabrication de fibres synthétiques, a été déplacée par le CIRC dans le groupe 3 en 2019.

 

Le CIRC a classé l'aspartame dans le groupe 2B, « peut-être cancérogène pour l'homme ».

 

Les preuves de cancer chez l'homme sont limitées, notamment en ce qui concerne le cancer du foie.

 

Trois études sont à la base de cette conclusion :

 

  • Une étude européenne a montré que la consommation de plus de six canettes de boissons gazeuses par semaine était associée à un risque plus élevé de cancer du foie que la non-consommation de boissons gazeuses. Toutefois, sur environ 500.000 participants, seul un petit nombre de cas de cancer du foie a été recensé (191), et l'étude ne montre pas que l'aspartame contenu dans les boissons gazeuses est à l'origine du cancer.

     

  • Une étude américaine a examiné l'association entre les boissons gazeuses sucrées et artificiellement sucrées et le cancer du foie chez les diabétiques et les non-diabétiques et n'a trouvé aucune association chez les non-diabétiques, mais une association significative chez les diabétiques.

     

  • Une autre étude américaine a examiné l'association entre les boissons gazeuses édulcorées artificiellement et la mortalité due à tous les types de cancer. Une association a été constatée « pour les cancers associés à l'obésité », le cancer colorectal et le cancer du rein, mais aucune association n'a été constatée pour la mortalité globale par cancer.

 

 

Preuves limitées de cancer chez l'animal

 

  • La majorité des études animales n'ont pas montré d'association entre l'aspartame et le cancer, y compris une étude du National Toxicology Program (NTP) des États-Unis, la principale agence gouvernementale chargée de la recherche toxicologique, qui n'a rapporté aucune preuve de cancérogénicité chez des souris auxquelles on a donné de l'aspartame pendant deux ans.

 

  • Le CIRC a fondé sa conclusion de « preuves limitées » sur des études discréditées menées sur des rongeurs par l'Institut Ramazzini. L'Institut Ramazzini a été critiqué à plusieurs reprises pour son manque de contrôle de la qualité. Comme je l'ai déjà écrit, l'EPA et d'autres agences n'utilisent plus les données de l'Institut Ramazzini dans leurs évaluations.

 

Le CIRC a conclu que « le hasard, les biais ou la confusion ne pouvaient être exclus avec une confiance raisonnable dans cet ensemble d'études ». Ainsi, les preuves d'un lien entre l'aspartame et le cancer étaient « limitées » pour le cancer du foie et « inadéquates » pour les autres types de cancer.

 

 

Comité mixte d'experts sur les additifs alimentaires (JECFA)

 

Le JECFA est un comité international d'experts scientifiques administré conjointement par l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Il se réunit depuis 1956 pour évaluer la sécurité des additifs alimentaires et des contaminants et a évalué plus de 2.500 additifs alimentaires et plus de 40 contaminants.

 

Le JECFA a examiné les mêmes études que le CIRC pour l'aspartame et a conclu [selon le Dr Moez Sanaa, Chef de l’Unité Normes et Avis Scientifiques sur l’Alimentation et la Nutrition de l’OMS] que

 

« les données faisant état d’une association entre la consommation d’aspartame et le cancer chez l’homme ne sont pas convaincantes ».

 

Le comité a déterminé qu'il n'y avait aucune raison de modifier sa conclusion antérieure selon laquelle une consommation quotidienne d'aspartame à des niveaux allant jusqu'à 40 milligrammes par kilogramme de poids corporel n'aurait pas d'effets néfastes sur la santé, y compris le cancer. La limite fixée par la FDA est légèrement plus élevée, à savoir 50 mg par kilogramme de poids corporel. Étant donné qu'une boisson gazeuse diététique de 12 onces [35 centilitres] contient généralement entre 200 et 300 mg d'aspartame, un adulte pesant 184 livres [83 kg] pourrait boire entre 11 et 16 canettes par jour tout en respectant cette limite.

 

 

La FDA

 

La FDA a approuvé l'aspartame pour la première fois en 1974 et a réapprouvé et étendu ses utilisations à plusieurs reprises. La FDA a examiné et continuellement réévalué des centaines d'études sur la sécurité de l'aspartame. Les scientifiques de la FDA n'ont aucune inquiétude quant à la sécurité de l'aspartame lorsqu'il est utilisé dans les conditions approuvées. Comme ils l'ont écrit dans leur réponse au CIRC,

 

« Le fait que l'aspartame soit étiqueté par le CIRC comme "peut-être cancérogène pour l'homme" ne signifie pas que l'aspartame soit réellement lié au cancer. La FDA n'est pas d'accord avec la conclusion du CIRC selon laquelle ces études soutiennent la classification de l'aspartame comme cancérogène possible pour l'homme. Les scientifiques de la FDA ont examiné les informations scientifiques incluses dans l'étude du CIRC en 2021 et ont identifié des lacunes importantes dans les études sur lesquelles le CIRC s'est appuyé. »

 

Lacunes dans la classification du CIRC

 

Les procédures de classification du CIRC posent des problèmes qui vont bien au-delà de l'aspartame. Des scientifiques ont mis l'accent sur le fait que le CIRC n'a classé qu'une seule substance dans le groupe 4, c'est-à-dire « probablement non cancérogène pour l'homme » (avant de la retirer de ce groupe).

 

Une étude portant sur 100 substances classées par le CIRC dans le groupe 3 (non classables quant à leur cancérogénicité pour l'homme) a révélé que 24 de ces substances remplissaient les critères pour être classées dans le groupe 4. Les auteurs ont conclu :

 

« Les résultats de cette analyse démontrant qu'une minorité importante d'agents classés dans le groupe 3 ne possèdent pas de preuves de leur potentiel cancérogène suggèrent que l'absence d'agents classés dans le groupe 4 est due, au moins en partie, à une réticence de la part des membres du comité du CIRC à désigner des agents comme n'étant probablement pas cancérogènes pour l'homme ».

 

Il est extrêmement inhabituel que la FDA soit publiquement en désaccord avec les conclusions d'une autre agence. Je félicite la FDA d'avoir critiqué la classification de l'aspartame par le CIRC et d'avoir soutenu les conclusions de ses scientifiques.

 

L'évaluation des dangers est un défi, mais lorsqu'elle est effectuée correctement, elle peut apporter une valeur ajoutée ; cependant, les exigences de classification du CIRC sont si générales qu'elles n'ont aucun sens – si ce n'est d'offrir une nouvelle « action collective » aux avocats qui s'extasient devant cette dernière conclusion erronée. Ce que le CIRC a fait est une forme de désinformation scientifique, et l'OMS est complice en ne résolvant pas le conflit entre ses deux organisations.

 

__________________

 

Susan Goldhaber, M.P.H., est une écotoxicologue qui a plus de 40 ans d'expérience dans des agences fédérales et d'État ainsi que dans le secteur privé. Elle s'intéresse particulièrement aux substances chimiques présentes dans l'eau potable, l'air et les déchets dangereux. Elle se concentre actuellement sur la traduction des données scientifiques en informations utilisables par le public.

 

Source : WHO’s Dysfunction on Aspartame Leads to Unnecessary Consumer Fear | American Council on Science and Health (acsh.org)

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