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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Remplacer le bœuf par des haricots, est-ce une solution pour réduire le réchauffement de la planète ?

2 Juillet 2022 Publié dans #Article scientifique, #alimentation, #Climat

Remplacer le bœuf par des haricots, est-ce une solution pour réduire le réchauffement de la planète ?

 

Chuck Dinerstein*

 

 

Image : kalhh sur Pixabay

 

 

Un nouvel exercice mathématique suggère que si nous cessons de manger du bœuf et remplaçons simplement la viande par des haricots, nous pouvons réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) de 75 %. Les mathématiques sont bonnes, mais les hypothèses, pas vraiment.

 

 

« ...La consommation alimentaire n'a pas été ancrée dans la politique de lutte contre le changement climatique dans la même mesure que la production et l'utilisation d'énergie […] nous abordons ces questions en effectuant une analyse relativement simple qui examine dans quelle mesure une substitution d'aliments pourrait contribuer à atteindre les objectifs de réduction des GES aux États-Unis (US). »

 

Ils commencent assez bien, en soulignant que la réduction des émissions de GES dans la production de viande se heurte à un certain nombre d'obstacles, y compris les limites biologiques de ce qui est donné comme nourriture au bétail et produit par lui – ainsi « l'atténuation technique des GES liés au bétail » est limitée à une réduction d'environ 10 %. Pour obtenir des réductions conséquentes, nous devons manger moins de viande. Pour fournir une analyse simplifiée, ils ont comparé les émissions de GES du cycle de vie du bœuf à celles des haricots.

 

Du point de vue de la nutrition :

 

  • Un kilo de bœuf produit 40,2 kilogrammes d'émissions de CO2 tout en fournissant 3.320 calories et 144 grammes de protéines.

 

  • Un kilo de haricots produit 0,8 kilo d'émissions de CO2 tout en fournissant 3.410 calories et 216 grammes de protéines.

 

  • Les haricots fournissent environ 3 % de calories et 33 % de protéines en plus qu'une quantité similaire de bœuf.

 

Nous pouvons les considérer comme « biosimilaires » sur le plan nutritionnel, même si les pinailleurs feront remarquer que les protéines et les sources de calories diffèrent, tout comme les conséquences possibles sur la santé. À partir de ces informations, les chercheurs calculent la réduction des émissions de CO2 qu'entraînerait le remplacement de la totalité de la consommation de bœuf par celle de haricots. Nous reviendrons sur cette hypothèse dans un instant.

 

Ils soulignent que ces chiffres de référence incluent les émissions de N2O et de CH4 provenant des aliments pour animaux, de la « fermentation entérique » (rots de vache), de la gestion du fumier et des émissions de carbone provenant du « processus d'abattage ». Les études qu'ils ont utilisées n'incluaient pas les émissions de carbone provenant des machines agricoles et du sol – peut-être que les chiffres concernant les haricots sont un peu sous-estimés, mais certainement pas de beaucoup.

 

« Remplacer le bœuf par des haricots dans le régime alimentaire américain réduirait les émissions de CO2e de 334 [millions de tonnes métriques], ce qui permettrait d'atteindre 75 % de l'objectif de réduction pour 2020 [...] Les résultats sont presque identiques lorsque l'on conserve la masse de protéines ou l'énergie. »

 

Tout un exploit si, et c'est un très grand si, cela pouvait être accompli. Laissons de côté les perturbations économiques pour les quelque 900.000 personnes impliquées dans la production de viande bovine aux États-Unis [1] et concentrons-nous sur la réalisation de cette conversion à 100 %. Les chercheurs ne sont pas stupides et admettent volontiers que leurs calculs représentent une valeur « limite supérieure » – le meilleur résultat que nous puissions obtenir. Ainsi, l'hypothèse de contrôle repose sur le nombre d'entre nous qui sont prêts à abandonner leur Porterhouse pour des haricots pinto.

 

« ...les changements qui en résulteraient – nécessitant un changement de comportement au niveau de la société – sont non négligeables et sans précédent au niveau national. […] Alors qu'un remplacement du bœuf par des haricots à l'échelle nationale serait socialement exigeant, il a été démontré qu'il existe une forte volonté de modifier son régime alimentaire pour améliorer l'environnement, notamment en éliminant la viande rouge. »

 

Ils pensent que la « volonté » est forte. Mais regardons leur citation d'un groupe de réflexion, la Chatham House, au Royaume-Uni. Les chercheurs de Chatham House ont interrogé un minimum de 1.000 citoyens de 12 pays [2]. Ils ont fait deux constatations intéressantes. Premièrement, nous « savons » moins de choses sur les contributions des différents facteurs au changement climatique que ce qui est correct. (Cela inclut cet auteur.)

 

 

Comparaison entre les contributions perçues et réelles au changement climatique (point rouge = contribution réelle)

En ordonnée à gauche : pourcentage de répondants qui pensent que le secteur est un contributeur majeur au changement climatique – qui répondent « beaucoup » (barres grises)

En ordonnée à droite : pourcentage des émissions globales

En abscisse : production d'énergie, industrie, déforestation, gaz d'échappement, production de viande et de lait, chauffage et climatisation des bâtiments, évacuation et traitement des déchets.

 

 

Nous sous-estimons la production d'électricité, de viande et de produits laitiers, tandis que nous surestimons les contributions de l'industrie, des gaz d'échappement, de la déforestation, du chauffage et de la climatisation, et de l'élimination des déchets. Le résultat le plus important est le graphique qui montre à quel point notre volonté de renoncer à la viande est « forte ».

 

 

Impact de la connaissance sur la volonté de prendre des mesures individuellesportant sur les habitudes en matière de transport et de consommation de viande et de produits laitiers

En ordonnée : pourcentage de personnes interrogées

Couleurs, de haut en bas : non applicable, action prise, susceptible de prendre une action, non susceptible de prendre une action.

Couples de barres : conscient/non conscient de l'impact sur le climat, pour : manger moins de viande, manger moins de produits laitiers, se déplacer de manière soutenable.

 

 

Les deux premières colonnes sont les plus pertinentes. Le groupe de Chatham House s'en est servi pour illustrer le fait qu'une plus grande sensibilisation se traduit par un plus grand nombre de participants qui passent à l'action (15 %) et même un plus grand nombre d'individus qui sont « susceptibles de passer à l'action » (44 %). Combien de personnes exactement cesseront de manger de la viande ? Nous ne le savons pas ; pouvons-nous hasarder une supposition ?

 

« D'une manière générale, les consommateurs donnent la priorité aux facteurs ayant une conséquence personnelle directe lorsqu'ils font des choix alimentaires. Le goût, le prix et les considérations relatives à la sécurité alimentaire et à la santé sont plus formateurs dans l'élaboration des décisions de consommation que les facteurs ayant une conséquence sociétale indirecte comme le bien-être des animaux ou le changement climatique. »

 

Dans un sondage réalisé pour NPR en 2016, 51 % des Américains mangeaient de la viande une à quatre fois par semaine, 38 % cinq fois ou plus. Entre 2014 et 2019, notre consommation de viande bovine par habitant a augmenté de 7 %. Je suis donc forcé de conclure que « susceptible » et « désireux » d'agir est, comme le déclare la célèbre nutritionniste Mary Poppins, « une promesse en croûte, facilement faite et facilement brisée ». Nous pouvons compter sur les 10 % de la population américaine qui ont déjà cessé de manger de la viande pour continuer. Mais j'ai du mal à croire que nous pourrons éviter le réchauffement climatique en mangeant – notre parti pris en faveur de ce qui est bon aujourd'hui plutôt que de ce qui pourrait être bon demain, surtout si demain se compte en années, est trop fort. Comme l'a dit un autre observateur bien connu, Wimpy, en 1932, il y a 90 ans, « Je vous paierai volontiers mardi pour un hamburger pris aujourd'hui ».

 

_____________

 

[1] Production de bovins de boucherie aux États-Unis

 

[2] Afrique du Sud, Brésil, Chine, États-Unis, France, Allemagne, Inde, Italie, Japon, Pologne, Royaume-Uni et Russie – Livestock – Climate Change’s Forgotten Sector: Global Public Opinion on Meat and Dairy Consumption (l'élevage, secteur oublié du changement climatique Opinion publique mondiale sur la consommation de viande et de produits laitiers).

 

Source : Substituting beans for beef as a contribution toward US climate change targets (substituer les haricots au bœuf pour contribuer aux objectifs des États-Unis en matière de changement climatique) DOI : 10.1007/s10584-017-1969-1

 

* Le Dr Charles Dinerstein, M.D., MBA, FACS, est le directeur médical de l'American Council on Science and Health. Il a plus de 25 ans d'expérience en tant que chirurgien vasculaire.

 

Source : Is 'Beans to Beef' an Answer to Reducing Global Warming? | American Council on Science and Health (acsh.org)

 

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P
Du temps de Buffalo Bill des centaines de millions de ruminants vivaient dans les plaines d'Amérique du Nord (et dans les plaines d'Europe du temps de nos ancêtres les Celtes). Par quel miracle ne provoquaient-ils aucun réchauffement climatique ?
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P
Quelque chose me trouble dans cet article.Sauf erreur de ma part, dans les haricots, il y a moins de protéines qu'il est indiqué (environ 10 gr pour 100 grammes cuits). En outre, pour avoir toute les protéines indispensables, il faut ajouter des céréales... Dans la viande route, le taux est de 17gr pour 100 gr cru, ces protéines restent intactes après cuisson. Il y a toutes les protéines indispensables dans cette viande... Mais je me trompe peut être...
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A
Et la production de méthane ? Parce que tout ces haricots, une fois digérés... :)
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U
Toutes les protéines ne se valent pas. Certaines sont très nutritives et d'autres pas du tout. Selon de vieux souvenirs, un grammes de protéine animale devrait être compensé par 3g de protéine végétale. Se nourrir de haricots forcerait à ingérer 3 fois plus de calories, ce qui serait excessif.<br /> Ce genre de calcul est déterminé essentiellement par ce qu'il n'inclut pas, et qui peut se vanter de savoir tout ce qu'il faut inclure ?
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