Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le « lait d'avoine »* n'est pas une solution

7 Mai 2022 Publié dans #Willi l'Agriculteur, #Alimentation, #Ecologie

Le « lait d'avoine »* n'est pas une solution

 

Willi l'agriculteur**

 

 

 

 

C'est malheureusement derrière un péage, mais cela vaut la peine d'être lu, car cela va à l'encontre du courant dominant :

 

https://zeitung.faz.net/fas/wirtschaft/2022-04-24/hafermilch-ist-keine-loesung/750639.html

 

Voici les premières lignes : (citation FAZ)

 

Monsieur [Wilhelm] Windisch, que pensez-vous du lait d'avoine ?

 

Je trouve le lait d'avoine fondamentalement bon, sa couleur et son goût sont corrects. Que ceux qui l'aiment pour leur café l'achètent au supermarché, je m'en moque. Mais seulement si le lait d'avoine a été produit de manière professionnelle. Et tant que nous le considérons comme un complément au lait de vache, et non comme un substitut. Il n'a en fait rien à voir avec le lait. Il contient beaucoup moins de protéines et c'est un produit final de la production alimentaire [un aliment ultra-transformé]. Le lait, en revanche, est un produit primaire de l'élevage qui peut être transformé en fromage, en yaourt et en bien d'autres aliments encore.

 

Ne s'agit-il pas justement d'abolir l'élevage avec ses conséquences sur le climat, l'environnement et le bien-être des animaux ?

 

Non, le lait d'avoine n'est pas une solution à la crise climatique, ni au problème de l'alimentation mondiale.

 

Mais pour le climat et l'alimentation mondiale, l'agriculture purement végétalienne est pourtant bien meilleure.

 

C'est une erreur de raisonnement. Vous négligez quelque chose de décisif. Si vous remplacez le lait par du lait d'avoine, vous augmentez votre consommation de biomasse végétalienne au détriment des animaux. Idéalement, les vaches mangent de l'herbe et des résidus de la production d'aliments végétaux. Cela signifie qu'elles tirent plus de la biomasse que ce qui serait disponible pour nourrir l'humanité sans elles – parce que leur système digestif fait des merveilles.

 

Comment cela se fait-il ?

 

L'élevage, le deuxième cycle de l'agriculture après celui de la culture des plantes, nous fournit pratiquement gratuitement une grande quantité supplémentaire de kilocalories et de protéines, au moins autant qu'un demi-kilo d'aliments végétaliens. Cela signifie que si nous supprimons ce deuxième circuit, par exemple en passant entièrement au lait d'avoine, nous devons, pour compenser, augmenter massivement la production végane. Les tracteurs doivent alors passer plus souvent dans les champs, il faut épandre plus d'engrais azotés – et les émissions de CO2 augmentent.

 

Vous devez expliquer cela plus précisément. Le fourrage pour la vache n'existe pas non plus sans émissions.

 

Maintenant, nous devons parler brièvement de biologie. Les ruminants, dont font partie les vaches, ont eu énormément de succès dans l'évolution. Ils survivent dans des régions où de nombreux autres animaux ne trouvent pas de nourriture. La vache y parvient parce que sa panse est pleine de micro-organismes. En effet, la vache ne mange pas d'herbe. Elle nourrit plutôt ses microbes de la panse avec de l'herbe et mange ce que les microbes en font : des produits de dégradation utilisables comme source d'énergie et les micro-organismes eux-mêmes comme protéines de haute qualité. Pour une vache laitière digne de ce nom, cela représente chaque jour un seau de nettoyage rempli de protéines végétaliennes. Et cela avec une nourriture que l'Homme ne peut même pas manger ! Ce système est si performant que les professionnels de l'agriculture peuvent facilement nourrir une vache produisant 6.000 litres de lait par an sans qu'elle n'ait ôté de la bouche d'un Homme une seule kilocalorie ou un seul gramme de protéines.

 

Et plus loin, il y a encore un aspect dont je n'étais pas conscient et qui va certainement déclencher des contradictions chez l'un ou l'autre. J'aime manger du pain complet...

 

Si on veut se nourrir sainement, on mange du pain complet. Là, on utilise le grain entier, il reste beaucoup moins de biomasse dans le moulin.

 

Je peux certes manger le son, mais je l'élimine ensuite en grande partie sans le recycler. Du point de vue de l'efficacité alimentaire, c'est du gaspillage. Les fibres pour lesquelles la farine complète est toujours si louée, je peux les obtenir bien mieux à partir de légumes. Je peux ensuite donner le son aux animaux et gagner des calories supplémentaires. Rendez à l'animal ce qui est à l'animal !

 

Cela signifie que le mangeur de pain complet est le pécheur, pas le buveur de lait ?

 

Oui, tout à fait ! Et, sans parler des calories, ce n'est pas tout. Dans le son se trouvent les trois quarts du phosphore qui a été retiré du champ lors de la récolte des céréales. Si je mange le son, le phosphore se retrouve dans la station d'épuration, et l'agriculteur doit fertiliser le champ avec d'autant plus de ce phosphore, et ce à partir de sources fossiles. Encore du gaspillage ! L'élevage du bétail fait en sorte que ce phosphore revienne dans les champs via le fumier. Nous voyons déjà que de nombreux champs du nord-est de l'Allemagne, qui sont cultivés sans bétail, s'appauvrissent en phosphore. Il est urgent d'y réintroduire l'élevage, sinon les rendements vont chuter.

 

____________

 

 

Les dénominations de certains produits contenant une référence à un produit laitier ont été interdites par un arrêt rendu le 14 juin 2017 par la Cour de Justice de l’Union Européenne. C'est le cas du « lait d'avoine ».

 

** Source : Hafermilch ist keine Lösung - Bauer Willi

 

*** Professeur, chaire de nutrition animale, Département de Sciences Animales, Centre Scientifique Weihenstephan pour l'Alimentation, l'Utilisation des Terres et l'Environnement, Université Technique de Munich (TUM).

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article