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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Sauver les greniers agroécologiques de l'Afrique du mouvement agroécologique occidental

22 Février 2021 , Rédigé par Seppi Publié dans #Afrique, #Alimentation, #Activisme

Sauver les greniers agroécologiques de l'Afrique du mouvement agroécologique occidental

 

Pacifique Nshimiyimana*

 

 

 

 

Alors que l'activisme en matière d'agroécologie s'intensifie au sein du système alimentaire mondial, de nombreuses communautés africaines impliquées dans l'agriculture et la production alimentaire, ainsi que les consommateurs sont déboussolés.

 

Cette confusion provient de l'antagonisme entre le besoin du continent d'une révolution verte – définie comme l'accès à des semences améliorées et à des technologies modernes de lutte contre les parasites et maladies, y compris les outils d'édition génétique – et le mouvement agroécologique poussé par les ONG occidentales opérant en Afrique. Malgré les promesses des innovations agricoles scientifiquement prouvées qui peuvent augmenter le rendement, les agriculteurs africains sont toujours confrontés à l'idéologie de ces intrus sur la façon de se nourrir.

 

Les paysans ne peuvent pas facilement déterminer quels principes agroécologiques adopter ou pourquoi des technologies comme les OGM et l'édition des gènes qui sont utilisées ailleurs – y compris dans les pays où le mouvement agroécologique est né et où il collecte des fonds – ne peuvent pas être mises à leur disposition. Il est erroné de laisser les Africains à la merci de l'agriculture biologique, ce qui est presque impossible dans un climat tropical où les criquets, les légionnaires d'automne, la mineuse sud-américaine de la tomate (Tuta absoluta) et d'autres parasites ravagent les cultures.

 

Pour résoudre le dilemme des idéologies contradictoires en matière de production alimentaire, il est important d'examiner les faits et les limites existantes des régions qui constituaient auparavant les greniers agroécologiques de l'Afrique. Les cultures traditionnelles comme le teff en Éthiopie et le maïs, introduit à l'époque coloniale en Afrique de l'Est, avaient bénéficié des conditions climatiques idéales pour répondre aux besoins nutritionnels du continent. Mais depuis les années 1980, la sécurité alimentaire de ces régions a changé, principalement en raison du réchauffement climatique, qui se manifeste par la sécheresse, les parasites envahissants et les maladies des plantes.

 

La situation s'est aggravée à l'époque de l'aide alimentaire humanitaire d'urgence fournie par l'Europe et les États-Unis, qui a suivi une série de guerres et de conflits armés et n'a pas réussi à promouvoir la durabilité de l'agriculture africaine. Les régions du grenier alimentaire n'ont pas pu mettre à jour leurs technologies et doivent maintenant faire face à la pression supplémentaire d'une population en croissance rapide.

 

Les agriculteurs africains et d'autres parties prenantes scientifiquement informées comprennent l'importance de doter nos agriculteurs des bons outils, notamment des OGM, des semences hybrides et des pesticides dont la sécurité a été prouvée, afin de protéger les investissements des agriculteurs et d'assurer l'autonomie du continent. Il est tout à fait erroné – et c'est une question de justice sociale – d'utiliser de fausses allégations concernant les préoccupations environnementales, les semences indigènes et la préservation du patrimoine alimentaire de l'Afrique pour empêcher toute une population d'accéder aux technologies qui peuvent sauver les cultures traditionnelles et accroître la productivité. Les actions des militants condamnent une population à un cercle vicieux de pauvreté sans fin.

 

À l'heure où elles sont confrontées aux conséquences du changement climatique sur la sécurité alimentaire, les communautés agricoles africaines sont contraintes d'utiliser des semences de variétés vieilles de 50 à 60 ans, introduites à l'époque coloniale, qui ne résistent plus aux nouveaux parasites et maladies d'aujourd'hui. Le mouvement agroécologique affirme que ces semences anciennes doivent être protégées de la révolution verte africaine. Et comme si cela n'était pas assez cruel, les militants du « rien que du bio » font également pression pour interdire les quelques pesticides et engrais africains existants, même s'ils sont scientifiquement approuvés et recommandés par l'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture et d'autres organisations pour lutter contre les parasites et maladies.

 

Les promoteurs de l'agroécologie d'aujourd'hui utilisent également la désinformation pour faire pression sur les institutions locales en prétendant à tort que les pesticides, les engrais, les semences hybrides, les OGM et la modification génétique ne sont pas sûrs. Cette stratégie de peur vise à empêcher les agriculteurs africains d'adopter de nouvelles technologies.

 

Les tentatives du mouvement agroécologique pour empêcher l'Afrique d'utiliser la technologie de l'édition génétique sont malavisées et menacent de faire disparaître les cultures alimentaires indigènes d'une grande diversité nutritionnelle. Des cultures comme le plantain Kayinja et de nombreuses variétés endémiques de bananes d'Afrique de l'Est ont succombé à la fusariose (également connue sous le nom de maladie de Panama) alors même que l'édition génétique offre un moyen de sauver et de faire revivre ces cultures importantes. La diversité génétique des semences africaines offre une source inépuisable de traits désirables, dérivés de plantes qui ont évolué localement et qui résistent à certains des parasites et des maladies les plus difficiles à combattre dans le monde. Grâce à la modification génétique, ces caractères peuvent être utilisés pour produire des cultures plus résistantes.

 

Si les idéologues de l'agroécologie d'aujourd'hui sont capables de contrôler l'élaboration des politiques africaines, ils représentent une menace pour les 690 millions de personnes qui se couchent chaque soir le ventre vide. Dans des endroits comme l'Éthiopie, où la majorité des habitants vivent d'une culture importante comme le teff, une seule sécheresse ou une attaque de criquets peut tuer plus de gens que les 140.000 qui sont morts lorsque la bombe nucléaire a été larguée sur Hiroshima. Un million d'Éthiopiens sont morts lors de la famine de 1984-85, et la Corne de l'Afrique a continué à connaître une instabilité politique et économique. Les jeunes de cette zone agroécologique perturbée migrent vers l'Occident en quête d'espoir et d'un avenir meilleur. Les gens doivent comprendre le lien entre les mauvaises politiques agricoles en Afrique et les troubles et l'insécurité dans la région qui ont conduit des milliers de migrants désespérés à se noyer dans la mer Méditerranée.

 

Les organismes d'aide internationaux et les institutions de recherche indépendantes prévoient que le changement climatique causera plus de dommages potentiels aux communautés agricoles africaines qu'au reste du monde. Plutôt que de dépenser des milliards pour préparer une mission humanitaire au Sud-Soudan, le simple fait de diffuser un maïs à haut rendement, résistant aux parasites et tolérant à la sécheresse permettrait de mettre un terme aux conflits tribaux pour le contrôle des pâturages qui déclenchent souvent des guerres. Une production abondante de maïs permettrait de nourrir le bétail et d'augmenter la production laitière, ce qui stimulerait l'économie et stabiliserait les communautés pastorales.

 

L'ouverture aux biotechnologies et l'intensification de la R&D en matière de protection des cultures restent le principal espoir pour émanciper les communautés africaines et soutenir l'indépendance économique et la sécurité alimentaire. Tout comme la technologie de la téléphonie mobile a changé le paysage financier de l'Afrique, les technologies agricoles innovantes dans le domaine de l'amélioration des plantes sont une solution à la malnutrition et une source d'activités entrepreneuriales pour employer les femmes et les jeunes.

 

Les scientifiques africains découvrent de nouvelles solutions basées sur les biotechnologies pour lutter contre les parasites et les maladies et il serait dommage que ces technologies ne puissent pas être utilisées pour tirer les Africains de leur misère. Le reste du monde a adopté les OGM et la technologie d'édition génétique et en a tiré profit. Il tire aujourd'hui des bénéfices considérables du dilemme de la politique africaine de production alimentaire. Il devient quasi-impossible pour les producteurs laitiers d'Afrique de l'Ouest d'atteindre le seuil de rentabilité en raison de la forte productivité du lait en Europe, transformé en poudre de lait bon marché qui inonde maintenant le marché formel et informel de la CEDEAO. Mais le secteur laitier européen ne serait pas rentable sans le maïs et le soja génétiquement modifiés importés des États-Unis et du Brésil.

 

L'inégalité d'accès aux technologies, associée au changement climatique, condamne les Africains à la pauvreté et à la dépendance alimentaire. Cette injustice envers les populations et l'avenir de l'Afrique est principalement due à la désinformation systématique des militants qui collectent des fonds au nom de l'agroécologie auprès des mêmes riches Nations occidentales qui ont accès à la biotechnologie. Ils ruinent l'avenir et la stabilité socio-économique des Nations africaines.

 

Alors que l'avenir de la sécurité alimentaire sur le continent africain dépend en fin de compte des décideurs politiques du continent, la lutte pour sauver la souveraineté alimentaire traditionnelle de l'Afrique doit commencer par ignorer les agroécologistes de l'Occident. L'agenda de ces organisations à but non lucratif et de ces activistes n'est pas l'environnementalisme mais le maintien de notre beau continent et de ses habitants dans un état de dépendance alimentaire.

 

La révolution verte de l'Afrique doit être mise en œuvre en excluant totalement le mouvement agroécologique occidental. Les outils d'édition génétique ne sont pas les ennemis de l'écologie. Ils offrent plutôt l'espoir de réduire l'empreinte carbone de l'agriculture, de contrôler les espèces envahissantes et de construire un avenir basé sur la science pour la jeunesse africaine. Ils ne devraient pas avoir à mourir en Méditerranée alors que des outils comme les biotechnologies peuvent résoudre les problèmes de sécurité alimentaire chez eux.

 

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Saving Africa's agroecological food baskets from the agroecology movement - Alliance for Science (cornell.edu)

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H
Curieux que l'intelligentsia africaine en France, si prompte à dénoncer le colonialisme blanc, ne s'insurge pas contre le néo colonialisme de ces ONG qui s'acharnent à maintenir dans la misère le continent africain par un activisme bloquant toute innovation technologique. I<br /> l ne s'agit pas seulement dans le domaine agricole de la propagande scandaleuse visant à bloquer les OGM, le génie génétique, les indispensables pesticides ou les engrais. Il s'agit également dans le domaine énergétique en les inondant de "renouvelable" peu productif et intermittent : panneaux solaires ou éoliennes, de bloquer tout développement industriel susceptible de leur permettre de décoller économiquement. Et que dire de ces ONG qui s'opposent aux incitations à la restriction des naissances, condition sine qua non pour permettre à des pays africains d'éduquer correctement les nouvelles générations sans être débordées par leur nombre. La réussite éclatante de la Chine, certes, multifactorielle, doit en partie au contrôle des naissances au moins sur une quarantaine d'années.<br /> <br /> A lire également Michael Schellenberger, qui dans Apocalypse Never, écrit des pages intéressantes sur la situation économique dans laquelle la bien pensance occidentale met les africains. Et pourtant il s'agit d'un vieux militant écologiste qui fut de tous les combats. Mais il a su remettre en question toutes ses convictions.
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M
Bonjour, toutes ces ONG qui "travaillent" en Afrique que feront-elle lorsque ce continent aura retrouver son indépendance alimentaire ? Elles vivent du malheur des uns avec l'argent des autres ! Elles veulent des gens malheureux pour affirmer leur existence. Cela est peut-être trop dur à entendre, mais c'est une sinistre vérité. L'Afrique a énormément de personnes cultivées, capables, professionnelles pour se sortir de cet état dans le quel nous les avons mis.
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