Statistiques de l'Agence Bio : ils ont mis les pieds dans le plat
Le rapport d'information des sénateurs Alain Houpert et Yannick Botrel, fait au nom de la commission des finances du Sénat, « sur les financements publics consacrés à l'agriculture biologique » est critique des prestations statistiques de l'Agence Bio, quoique en termes politiquement corrects.
Avec ce beau langage bureaucratique, les sénateurs ont proposé de
« fiabiliser les données de suivi de l’extension des surfaces biologiques produites par l’Agence bio ».
Dans leur rapport détaillé ils ajoutent :
« le soupçon d'une "politique de l'indice" devant être impérativement conjuré. »
Plus loin dans le résumé, c'est :
« On a indiqué comment cette situation pouvait jeter un doute sur le décompte des surfaces agricoles en bio tel qu’il est proposé par l’Agence bio. »
Et d'une manière générale :
« En ce qui concerne l’Agence Bio, ses missions sont composites et souvent contradictoires, l’Agence consacrant une partie considérables des moyens publics qui lui sont attribués à assurer la "promotion" de l’agriculture biologique aux dépens de missions d’intérêt public majeur. [...] »
Reprenons du rapport complet :
« L'agence présente des faiblesses institutionnelles auxquelles il convient à tout le moins d'apporter des correctifs, l'éventualité d'une suppression de l'agence ne devant pas être écartée, à condition que ses missions, qui méritent d'être révisées pour certaines d'entre elles, soient reprises par des structures existantes. »
En fait, c'est toute la politique en matière d'agriculture biologique qui serait à revoir.
Illustrons ce problème avec le tableau suivant :
Pourquoi les surfaces en deuxième et troisième années de conversion sont-elles amalgamées dans une ligne ? Il n'y a aucune contrainte technique à cela. Mais cela empêche de suivre l'évolution avec précision et, notamment, de savoir combien il y a d'hectares « décrocheurs » (par le KO d'un refus de certification ou par jet de l'éponge de l'agriculteur).
Astucieux, non ?
Les surfaces en C1 passant en C2 l'année suivante – en admettant une absence de « décrocheurs » –, la formule
C2/C3(n + 1) – C1(n)
fournit les C3 de l'année n+1.
Serait-il possible qu'on ait eu quelque 1.800 hectares en 2016 et 60.000 hectares en 2018 ?
Dans un autre tableau, l'Agence Bio annonce quelque 16.000 hectares en C3 en 2018. Que conclure de la prodigieuse différence avec les 60.000 calculés précédemment ?
Posons la formule
certifiées(n + 1) – [certifiées(n) + C2/C3(n)]
Elle fournit une estimation de la somme des « décrocheurs » et des surfaces en deuxième année de conversion qui passent en troisième année. Les résultats tournent autour de 40.000 hectares, sauf pour 2014-2015, où il tombe en gros à 26.600. Crédible ?
Le titre sonne comme une injonction : « Santé, écologie : les habitudes de consommation n’évoluent pas, arrêtons de nous mentir ». C'est de M. Clément Fournier, rédacteur en chef.
L'article aborde différent sujets, dont le bio. Certes, le bio a progressé, mais :
« De là à croire qu’aujourd’hui, la majorité des consommateurs se tournent vers le bio ? Pas vraiment. Si l’on regarde les études, qui nous disent fièrement que près des 3/4 des français consomment "régulièrement" des produits bio, on voit tout de suite le piège. En réalité, ce "régulièrement" signifie… au moins 1 fois par mois. 71% des Français consommeraient au moins un produit bio une fois par mois. Mais si l’on regarde la consommation quotidienne ? On passe à 12%. Et encore, si l’on regarde seulement ceux qui y consacrent plus des 3/4 de leur budget alimentaire, on tombe à 3%. En résumé, 3% des Français déclarent (et encore faudrait-il pouvoir le vérifier) se nourrir essentiellement de produits issus de l’agriculture biologique. »
L'auteur ose même exprimer son scepticisme sur les mérites, largement vantés, de l'agriculture biologique. Mais on lira cela sur site.
Le blasphème continue avec en intertitres « Il est temps de se poser les bonnes questions » et « Les inégalités sociales au coeur du problème », et un retour sur le bio et la description des classes sociales dans lesquelles il est (relativement) en vogue.
...nous avions produit, à la suite d'un article de M. Gil Rivière-Wekstein, « L'Agence Bio en bisbilles avec les statistiques ».
Il reste malheureusement d'actualité. Et on ne peut que se féliciter que le Sénat et Youmatter aient mis les pieds dans le plat et dénoncé des statistiques dignes du Gosplan.