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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Statistiques de l'Agence Bio : ils ont mis les pieds dans le plat

2 Mars 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #Agriculture biologique

Statistiques de l'Agence Bio : ils ont mis les pieds dans le plat

 

 

Des sénateurs très polis, mais lucides

 

Le rapport d'information des sénateurs Alain Houpert et Yannick Botrel, fait au nom de la commission des finances du Sénat, « sur les financements publics consacrés à l'agriculture biologique » est critique des prestations statistiques de l'Agence Bio, quoique en termes politiquement corrects.

 

Avec ce beau langage bureaucratique, les sénateurs ont proposé de

 

« fiabiliser les données de suivi de l’extension des surfaces biologiques produites par l’Agence bio ».

 

Dans leur rapport détaillé ils ajoutent :

 

« le soupçon d'une "politique de l'indice" devant être impérativement conjuré. »

 

Plus loin dans le résumé, c'est :

 

«  On a indiqué comment cette situation pouvait jeter un doute sur le décompte des surfaces agricoles en bio tel qu’il est proposé par l’Agence bio. »

 

Et d'une manière générale :

 

« En ce qui concerne l’Agence Bio, ses missions sont composites et souvent contradictoires, l’Agence consacrant une partie considérables des moyens publics qui lui sont attribués à assurer la "promotion" de l’agriculture biologique aux dépens de missions d’intérêt public majeur. [...] »

 

Reprenons du rapport complet :

 

« L'agence présente des faiblesses institutionnelles auxquelles il convient à tout le moins d'apporter des correctifs, l'éventualité d'une suppression de l'agence ne devant pas être écartée, à condition que ses missions, qui méritent d'être révisées pour certaines d'entre elles, soient reprises par des structures existantes. »

 

En fait, c'est toute la politique en matière d'agriculture biologique qui serait à revoir.

 

 

Nous avons nos propres doutes... ou plutôt certitudes

 

Illustrons ce problème avec le tableau suivant :

 

 

 

 

Pourquoi les surfaces en deuxième et troisième années de conversion sont-elles amalgamées dans une ligne ? Il n'y a aucune contrainte technique à cela. Mais cela empêche de suivre l'évolution avec précision et, notamment, de savoir combien il y a d'hectares « décrocheurs » (par le KO d'un refus de certification ou par jet de l'éponge de l'agriculteur).

 

Astucieux, non ?

 

Les surfaces en C1 passant en C2 l'année suivante – en admettant une absence de « décrocheurs » –, la formule

 

C2/C3(n + 1) – C1(n) 

 

fournit les C3 de l'année n+1.

 

Serait-il possible qu'on ait eu quelque 1.800 hectares en 2016 et 60.000 hectares en 2018 ?

 

Dans un autre tableau, l'Agence Bio annonce quelque 16.000 hectares en C3 en 2018. Que conclure de la prodigieuse différence avec les 60.000 calculés précédemment ?

 

Posons la formule

 

certifiées(n + 1) – [certifiées(n) + C2/C3(n)]

 

Elle fournit une estimation de la somme des « décrocheurs » et des surfaces en deuxième année de conversion qui passent en troisième année. Les résultats tournent autour de 40.000 hectares, sauf pour 2014-2015, où il tombe en gros à 26.600. Crédible ?

 

 

C'est rude sur Youmatter

 

Le titre sonne comme une injonction : « Santé, écologie : les habitudes de consommation n’évoluent pas, arrêtons de nous mentir ». C'est de M. Clément Fournier, rédacteur en chef.

 

L'article aborde différent sujets, dont le bio. Certes, le bio a progressé, mais :

 

« De là à croire qu’aujourd’hui, la majorité des consommateurs se tournent vers le bio ? Pas vraiment. Si l’on regarde les études, qui nous disent fièrement que près des 3/4 des français consomment "régulièrement" des produits bio, on voit tout de suite le piège. En réalité, ce "régulièrement" signifie… au moins 1 fois par mois. 71% des Français consommeraient au moins un produit bio une fois par mois. Mais si l’on regarde la consommation quotidienne ? On passe à 12%. Et encore, si l’on regarde seulement ceux qui y consacrent plus des 3/4 de leur budget alimentaire, on tombe à 3%. En résumé, 3% des Français déclarent (et encore faudrait-il pouvoir le vérifier) se nourrir essentiellement de produits issus de l’agriculture biologique. »

 

L'auteur ose même exprimer son scepticisme sur les mérites, largement vantés, de l'agriculture biologique. Mais on lira cela sur site.

 

Le blasphème continue avec en intertitres « Il est temps de se poser les bonnes questions » et « Les inégalités sociales au coeur du problème », et un retour sur le bio et la description des classes sociales dans lesquelles il est (relativement) en vogue.

 

 

En 2017 déjà...

 

...nous avions produit, à la suite d'un article de M. Gil Rivière-Wekstein, « L'Agence Bio en bisbilles avec les statistiques ».

 

Il reste malheureusement d'actualité. Et on ne peut que se féliciter que le Sénat et Youmatter aient mis les pieds dans le plat et dénoncé des statistiques dignes du Gosplan.

 

 

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J
3/4 des français mangent au moins un produit bio chaque mois.<br /> C'est pas difficile ni volontaire car souvent il n'y a plus d'alternative dans les magasins/restaurants ... bref on a pas le choix (notamment les enfants dans les écoles et hop plus de 10% des français mangent bio au moins une fois par semaine)
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M
En même temps, on ne pouvait pas s'attendre à autre chose de la part d'un groupe créer par Yves Cochet.
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C
je suis allé faire un tour sur youmatter auquel vous faites référence<br /> En moyenne, ça semble intéressant et bien sourcé<br /> mais je suis tombé sur 1 article de 2017 sur le glypho...<br /> https://youmatter.world/fr/interdiction-glyphosate-france/<br /> il y a bcp d'approximations. Il a aussi été mis à jour après l'article récent du Monde sur la revue de Portier... sans discernement !<br /> Sur le plan agricole et agronomiqueq, c'est pire. Il range le glyphosate au rang des "herbicides non-écologiques" ?<br /> Monsieur Fournier devrait s'abonner à votre blog !
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H
Une question qui mériterait également d'être soulevée est la durabilité réelle des exploitations bio. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec une cadre d'une chambre d'agriculture, il y a apparemment actuellement un turn over énorme et très coûteux sur le petit maraichage bio. Plein de jeunes citadins aux grandes illusions se lancent et pas qu'eux, l'enseignement agricole actuel est assez effarant et il vide aussi le cerveau de jeunes issus du monde agricole. Ces jeunes s'épuisent et se ruinent sans pouvoir dégager de salaires et quittent la barque en quelques années, laissant la place à d'autres rêveurs qui foncent vers le même crash. Les seuls qui durent sont ceux qui se reconvertissent en fermes à stages de jardinage, de compostage et j'en passe. On voit même désormais des stages "d'écologie intérieure" (traduisez néo-yoga) pour faire fonctionner des fermes bio. Alors quid du chiffrage de tout ceux qui se "crashent" et qui ont pourtant été aidés financièrement et techniquement dans leurs projets pour une rentabilité finale de zéro ? Les chiffres existent peut-être mais sont introuvables. Quid aussi des dégâts sociaux et psychologiques ? J'ai vu, il y a presque 2 ans maintenant, à un stage sur un logiciel d'identification des maladies et parasites des plantes, un couple de petits jeunes désespérés. La jeune femme a subitement éclaté en sanglots en racontant leur quotidien harassant, les insectes ramassés à la lampe de poche, de nuit dans les cultures, le manque de sommeil, l'absence de tout loisir. Quand aux revenus.... Tout le monde leur a conseillé d'arrêter et de recommencer leur vie, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus, mais je vous assure que cela bouleverse.
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D
Même observation chez moi: on raconte le début de l'histoire, rarement la fin.<br /> J'avais revu un collègue de promo, dans les premiers à se lancer dans le maraichage bio en périphérie urbaine. A à peine 40 ans, déjà cassé physiquement, en train de rechercher un travail car ça ne nourissait pas son homme et sa famille: mais aux dernières nouvelles, il avait retrouvé un job comme...formateur en agri bio.<br /> De même, près de chez moi, un néo agri bio en permaculture, facilement donneur de leçons (coquelicots et toussa), mais dont on ne connait pas toute l'histoire, à savoir qu'il avait un patrimoine immobilier potentiel très important (merci papa, merci maman), chose qu'il n'a pas précisé dans le journal local. Evidemment, dans ces conditions...<br /> D'ailleurs, récemment sur Arte ou la 5, il y avait un portrait d'un couple de britannique installé en Ariège en maraichage bio: ils reconnaissaient honnêtement qu'ils n'en vivaient pas et vivaient sur leur patrimoine financier gagné en UK.<br /> Dans le genre durabilité, on fait mieux.