« 1.000 scientifiques » dans le Monde... « 1.000 technocrates » dans les Échos... ou 1.000 irresponsables ?
(Source)
Le Monde a publié le 20 février 2020 (date sur la toile) une tribune, « L’appel de 1 000 scientifiques : "Face à la crise écologique, la rébellion est nécessaire" » (texte complet ici).
En chapô, sans doute de la rédaction :
« Faisant le constat de l’inaction des gouvernements face à l’urgence écologique et climatique, près de 1 000 scientifiques de toutes disciplines appellent, dans une tribune au « Monde », les citoyens à la désobéissance civile et au développement d’alternatives. »
Notons que la « désobéissance civile » n'est pas la « rébellion ».
C'est une tribune hallucinée et hallucinante.
À sa lecture, et si on omet les éléments de langage incantatoires, on doit comprendre que les signataires ne sont pas prêts à abandonner les commodités de la vie actuelle, juste les futures :
« Continuer à promouvoir des technologiessuperflues et énergivores comme la 5G ou la voiture autonome est irresponsable à l'heure où nos modes de vie doivent évoluer vers plus de frugalité et où nos efforts collectifs doivent être concentrés sur la transition écologique et sociale. »
Cela ne les empêche pas d'être des ré-vo-lu-tion-naires :
« En conséquence, nous appelons à participer aux actions de désobéissance civile menées par les mouvements écologistes, qu'ils soient historiques (Amis de la Terre, Attac, Confédération paysanne, Greenpeace... ) ou formés plus récemment (Action non violente COP21, Extinction Rebellion, Youth for Climate... ).
Nous invitons tous les citoyens, y compris nos collègues scientifiques, à se mobiliser pour exiger des actes de la part de nos dirigeants politiques et pour changer le système par le bas dès aujourd'hui. En agissant individuellement, en se rassemblant au niveau professionnel ou citoyen local (par exemple en comités de quartier), ou en rejoignant les associations ou mouvements existants (Alternatiba, Villes en transition, Alternatives territoriales... ), des marges de manœuvre se dégageront pour faire sauter les verrous et développer des alternatives. »
Faut-il prendre cela au sérieux ? Oui ! Mais pour la déliquescence intellectuelle, morale et civique ainsi manifestée... dans les milieux académiques et de la recherche. Ce genre de gesticulation est momentanément dépassé par la crise du Covid-19, mais nul doute que le prurit « écologiste » et décroissantiste redeviendra d'actualité plus tard.
Un philosophe, M. Serge Champeau, s'en est ému dans les Échos, dans « Opinion | Crise écologique : le dangereux appel à la "rébellion" des 1.000 technocrates ». Il juge l'initiative « dangereuse tant elle repose sur une argumentation typiquement technocratique ».
On peut le suivre quand il écrit :
« Les signataires se rangent sans hésiter derrière les dénonciations les plus simplistes des mouvements populistes : les politiques sont des incapables, des irresponsables et des hypocrites. À aucun moment le texte n’envisage que les gouvernements démocratiques ont à arbitrer entre des exigences contradictoires (la réduction de l’empreinte carbone et la sauvegarde de l’emploi, par exemple) et que cette tâche complexe et délicate ne se fait pas en un jour, sauf à renoncer à la démocratie. »
Ou encore quand il dénonce :
« ...la rhétorique antilibérale et anticonsumériste qui anime la tribune, la nature des organisations proposées comme modèles (Attac, Extinction Rebellion...) – tout montre que les signataires entendent faire triompher une analyse politique particulière, cela en instrumentalisant la science. »
Quoique... pour l'instrumentalisation de la science, il n'y a guère que leur auto-définition en représentants « des disciplines et domaines académiques différents ». Plus pertinente est la dénonciation de l'atteinte à la science :
« Instrumentaliser la science, comme le font les signataires, risque de se retourner contre eux en suscitant injustement des doutes sur leurs recherches et sur la science en général ("voyez, l’avis des experts n’est rien d’autre qu’une opinion parmi d’autres, et toutes les opinions se valent"). »
Mais c'est à condition de généraliser.
En définitive, ces gens sont des irresponsables.
(Source)