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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Biotechnologie et biosécurité sous l'administration Trump : le diable sera dans les détails

18 Mars 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Politique

Biotechnologie et biosécurité sous l'administration Trump : le diable sera dans les détails

 

Greg Jaffe*

 

 

Plantes de soja à Hawaii. Photo : Robert Hazen

 

En 2017, la biotechnologie agricole ne figurait pas au premier rang des priorités du Département de l'Agriculture des États-Unis (USDA). Puis, ce mois-ci, l'USDA a publié son rapport sur l'agriculture et la prospérité rurale, qui souligne la valeur de l'innovation biotechnologique dans l'agriculture américaine et recommande de rationaliser la réglementation en matière de biotechnologie.

 

Bien que les recommandations du rapport ne semblent pas différer des positions prises par l'administration Obama, il sera important de voir comment l'administration Trump les mettra en œuvre dans les mois à venir.

 

 

Le rapport sur l'agriculture et la prospérité rurale

 

Le rapport de l'USDA affirme que la biotechnologie est un domaine de leadership américain et un « moteur de la quatrième révolution industrielle » qui « offre une opportunité incroyable pour les agriculteurs américains et les communautés rurales de prospérer à la pointe de l'innovation ». Il conclut que les biotechnologies ont « permis aux agriculteurs américains d'augmenter l'offre et la qualité des produits agricoles et fourragers en utilisant moins de ressources et à moindre coût de production ». Cependant, il conclut que les réglementations fédérales limitent les applications biotechnologiques et qu'une meilleure coordination entre les organismes de réglementation est « nécessaire pour réduire les obstacles à la commercialisation d'entités génétiquement modifiées, sûres, bénéfiques et améliorées. »

 

Le rapport recommande une « politique de réglementation rationalisée et scientifique pour la biotechnologie ». Il réaffirme le soutien de l'administration actuelle à deux documents publiés par la Maison Blanche du temps d'Obama : le Cadre Coordonné de Réglementation de la Biotechnologie et la Stratégie Nationale de Modernisation du Système de Réglementation des Produits de la Biotechnologie. Il demande que le Bureau de la Politique Scientifique et Technologique (OSTP) de la Maison-Blanche coordonne et améliore les approches réglementaires fondées sur la science parmi les agences concernées. (Voilà qui est bel et bon, mais le fait est que l'OSTP a été décimé sous l'administration Trump et n'a qu'un personnel restreint.) Enfin, le rapport demande à l'OSTP de créer un forum qui relie les organismes de financement fédéraux aux régulateurs pour que ceux-ci soient au courant des produits biotechnologiques mis sur le marché et puissent accélérer leur commercialisation.

 

 

Mettre le rapport en œuvre

 

En lisant le rapport de l'USDA et ses recommandations en matière de biotechnologie, trois réflexions sur sa mise en œuvre apparaissent immédiatement. Premièrement, le rapport utilise tout le vocabulaire politiquement correct pour discuter de la supervision du gouvernement. Il mentionne la « transparence », la « prévisibilité », « l'efficacité », « les approches fondées sur le risque » et « les approches fondées sur la science » – qui sont toutes des concepts et des principes dont les partisans et les adversaires du génie génétique conviennent qu'ils sont appropriés dans la définition d'une surveillance fédérale.

 

Il indique également que le système de réglementation doit « protéger la santé publique, le bien-être, la sécurité et l'environnement tout en favorisant la croissance économique, l'innovation, la compétitivité et la création d'emplois ». Ce que nous ne savons pas, c'est comment ces objectifs parfois contradictoires seront atteints, quels compromis seront faits en cas de conflit. Dans de nombreux cas, la sécurité peut être améliorée tout en promouvant l'innovation et l'emploi, mais si cela n'est pas possible, la priorité doit aller à la sécurité. L'administration Trump devrait s'efforcer d'exercer une surveillance appropriée fondée sur les risques et ne pas précipiter, dans un zèle de déréglementation, l'élimination des règlements nécessaires pour assurer la sécurité et la confiance des consommateurs, tant au pays qu'à l'étranger.

 

En outre, le rapport de l'USDA suggère que les problèmes avec le système de réglementation disparaîtraient si seulement les trois organismes de réglementation – l'USDA, la Food and Drug Administration (FDA) et l'Agence de Protection de l'Environnement (EPA) – étaient mieux coordonnés. Cependant, bon nombre des problèmes liés à la réglementation actuelle des plantes GM par l'USDA n'ont rien à voir avec les autres agences.

 

Par exemple, un développeur qui introduit un gène codant pour un caractère de tolérance à un herbicide dans une plante de maïs peut ou non avoir besoin d'un permis de l'USDA pour disséminer cette plante dans l'environnement. Cela dépend, presque exclusivement, de la façon dont le nouveau gène est introduit dans la plante. Si le développeur utilise Agrobacterium, qui est un organisme nuisible aux végétaux, la plante génétiquement modifiée sera soumise à une surveillance de l'USDA. Si le gène est introduit à l'aide d'un canon à gènes (qui est un dispositif mécanique) ou CRISPR-Cas9 – ni l'un ni l'autre ne sont nuisibles aux végétaux – la plante GM échappera probablement à la surveillance de l'USDA. Ces trois versions de la même plante transgénique, présentant les mêmes risques potentiels pour l'environnement, sont assujetties à un traitement réglementaire différent.

 

Le système de réglementation de l'USDA n'est ni fondé sur des données scientifiques ni axé sur les risques, et aucune coordination avec d'autres organismes n'y changera quoi que ce soit. Au lieu de cela, l'USDA doit adopter une surveillance proportionnée et fondée sur le risque des produits, de sorte que les produits sûrs et familiers fassent l'objet de peu ou pas de surveillance, et que les évaluations des risques et les autorisations soient obligatoires pour les produits nouveaux ou potentiellement à risques.

 

Enfin, le rapport de l'USDA souligne la nécessité pour l'USDA, le Département d'État et d'autres agences concernées de mieux communiquer avec le public sur les produits biotechnologiques pour améliorer l'acceptation des consommateurs aux États-Unis et à l'étranger. Selon le rapport, « une communication plus efficiente et efficace doit être utilisée pour renforcer la confiance fondée sur des preuves dans la sécurité des produits pour la santé et l'environnement ». Sans le dire directement, le rapport suggère que si les consommateurs connaissaient la vérité sur les plantes transgéniques, ils seraient plus disposés à les accepter. Le rapport ne mentionne pas l'Initiative d'Éducation et de Sensibilisation à la Biotechnologie Agricole de la FDA, qui est censée être coordonnée avec l'USDA.

 

Les informations du gouvernement sur les plantes GM peuvent convaincre certains consommateurs, mais la confiance du public dans le gouvernement est nécessaire pour que cela se produise. Et la confiance dans l'administration Trump est tout sauf élevée. L'acceptation du consommateur est plus probable si les produits GM sont développés par le secteur public ou si les produits ont une valeur claire pour le consommateur. Les consommateurs sont plus susceptibles de soutenir les produits GM s'ils entendent un intervenant respecté (un agriculteur ou un scientifique) parler de leurs avantages et de leur sécurité.

 

Dans l'ensemble, le rapport de l'USDA n'est pas révolutionnaire. Il réitère principalement les politiques et les positions de l'administration Obama. En voyant comment (et à quelle vitesse) les recommandations du rapport seront mises en œuvre, nous saurons quelle sera l'importance accordée à la biotechnologie agricole durant l'administration Trump. Il sera également important de voir comment l'administration équilibre le coût de la réglementation avec la nécessité d'assurer la sécurité publique et de renforcer la confiance du consommateur. Il conviendrait que l'administration Trump ne réduise pas radicalement la réglementation gouvernementale des plantes transgéniques. Au lieu de cela, elle devrait repenser sa surveillance pour la rendre proportionnée, fondée sur les risques et adaptée aux nouveaux développements dans ce domaine en évolution rapide.

 

_____________

 

* Greg Jaffe dirige le projet de biotechnologie pour le Center for Science in the Public Interest (Centre pour la Science dans l'Intérêt Public).

 

Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/biotechnology-and-biosafety-under-trump-administration-devil-will-be-details

 

 

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