Ô mon Dieu, on a trouvé de l'ADN transgénique dans mon sang !
Que penser de ce mème anti-OGM ?
Layla Katiraee*
Tous les quelques mois, les sites Web anti-OGM publient un mème sur la dernière étude qui a « détecté de l'ADN d'OGM dans (insérer ici le nom d'un organisme ou d'un fluide susceptible de provoquer l'inquiétude) ». Oui, de l'ADN d'OGM a été détecté chez les chèvres, les humains, le sang, les organes, le colostrum, etc.
[L'image ci-contre est un exemple visuel.]
Mais ce n'est pas toute l'histoire.
Notre ADN, le « code de notre vie », est rangé bien à l'abri dans le noyau de nos cellules. Cet ADN cellulaire est le canevas des protéines qui sont les composantes de base de nos cellules. C'est cet ADN qui est répliqué quand nos cellules se divisent, et c'est cet ADN qui est hérité.
Dans nos vaisseaux sanguins, il y a un autre type d'ADN, connu comme l'ADN libre (ADNl). On le trouve dans le plasma ou dans l'espace entre les cellules. Il est constitué de notre propre ADN provenant de cellules qui sont mortes, mais aussi d'ADN étranger, y compris d'ADN de virus et de bactéries. Chez la femme enceinte, il y a de l'ADN de cellules du fœtus ; c'est le matériau sur lequel on effectue les tests prénatals non invasifs permettant de tester le fœtus pour la trisomie-21 et d'autres anomalies génétiques. Enfin, il y a l'ADN des cellules de la nourriture que nous avons ingérée. On considère que l'ADN libre est constitué de séquences très courtes et dégradées.
Quand on fait un test d'alimentation GM, il n'est pas rare de vérifier si les animaux nourris avec des OGM ont des fragments d'ADN de la nourriture dans leur sang et leurs tissus. Le test standard qui est utilisé (PCR) ne fait pas de distinction entre l'ADN cellulaire et l'ADN libre. C'est dû au fait que la PCR exige que vous sachiez au préalable ce que vous allez rechercher ; on ne peut donc que tester si le transgène est présent ou non dans l'échantillon, que ce soit dans l'ADN cellulaire ou de l'ADN libre. Pour déterminer s'il est intégré dans l'ADN cellulaire (s'il y a eu transfert horizontal de gènes), il faut savoir où il a été intégré dans le génome, dans l'ADN de la cellule, et concevoir un essai avec cette information. L'autre option est d'examiner tout l'ADN de la cellule (c'est-à-dire séquencer l'intégralité du génome) et vérifier si l'ADN issu de l'alimentation a été intégré dans le génome.
À ce jour, il n'y a pas de preuves à l'appui de la thèse que l'ADN de notre alimentation s'intègre dans l'ADN cellulaire. S'il le faisait, on devrait voir des fragments d'ADN aléatoires dans notre ADN. Cela n'a jamais été observé dans les milliers de génomes humains qui ont été séquencés à ce jour. Dans les milliers de génomes que nous avons séquencés, chez les humains et d'autres espèces, nous avons observé qu'il y a de l'ADN d'autres espèces qui s'intègre dans l'ADN cellulaire (transfert horizontal de gènes), mais c'est généralement le fait de virus ou d'autres micro-organismes. Cet article décrit comment la patate douce est un « OGM naturel » parce que, il y a des milliers d'années, de l'ADN s'est intégré dans son génome grâce à la même méthode que celle que les scientifiques utilisent aujourd'hui pour produire des OGM.
Le fait est que, d'un point de vue biochimique, l'ADN à partir des OGM est identique à l'ADN de tout autre organisme. Il n'est pas toxique, il n'est pas différent, il est composé des mêmes A, T, C et G, que tous les autres ADN. Nos corps ne peuvent pas le distinguer. Donc, l'ADN de notre nourriture a flotté dans notre plasma sous forme de fragments depuis que nous sommes devenus une espèce et que nous mangeons des plantes et des animaux. Je peux dire avec une bonne certitude qu'il y a de l'ADN de mandarine actuellement dans mon sang : il me semble que j'en ai mangé cinq aujourd'hui.
Lorsque mon conjoint a lu cet article, il a dit que « manger Yoda ne ferait pas augmenter votre taux de midichloriens et faire de vous un Jedi ». Je pense qu'il y a une meilleure analogie : « manger des plantes et des légumes ne fait pas de vous un Ent ».
Pour en savoir plus sur l' ADN des OGM et certains des articles que j'ai examiné ou réfuté sur le sujet, voir ici et ici.
Cet article a paru à l'origine sur le blog Frankenfoodfacts de Layla Katiraee ici, et a été republié avec la permission de l'auteur.
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* Layla Katiraee est titulaire d'un doctorat en génétique moléculaire de l'Université de Toronto. Toutes les opinions exprimées ici sont les siennes. Son compte Twitter : @BioChicaGMO