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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

C'est confirmé : des traces de pesticides peuvent tuer un homme

27 Septembre 2015 , Rédigé par Seppi Publié dans #Pesticides, #Ludger Wess

C'est confirmé : des traces de pesticides peuvent tuer un homme

 

Ludger Weß*

 

Comestible !                                                                 Toxique !

 

Les médias allemands ont rapporté cette semaine [1] l'histoire émouvante d'un homme tué par des traces d'un insecticide. Le retraité et son épouse de Heidenheim, Bade-Wurtemberg, avaient mangé un ragoût végétarien préparé avec des courgettes. Les courgettes étaient un cadeau d'un membre de la famille, un jardinier passionné qui avait suivi tous les conseils du manuel du jardinier bio. Elle avait planté des courgettes dans le jardin familial sans utiliser de pesticides de synthèse ni d'engrais artificiels. Elle avait même gardé les graines des récoltes précédentes plutôt que d'acheter chaque année de nouvelles graines des grandes entreprises semencières, quelque chose que les partisans de l'agriculture naturelle recommandent fortement.

 

Mais quand le couple a mangé les courgettes de la récolte de cette année, ils ont dû être admis à l'hôpital quelques heures plus tard. Le visage de l'homme avait viré au jaune, et les deux étaient pris de violentes douleurs abdominales, de crampes d'estomac, de vomissements et de fortes diarrhées. Après avoir souffert pendant près de deux semaines, l'homme est décédé. Sa muqueuse gastrique avait été littéralement écorchée. Sa femme a eu plus de chance et a pu quitter l'hôpital quelques jours avant le décès de son mari.

 

Les courgettes avaient eu un goût amer, que l'homme a ignoré. Après tout, c'était un repas végétarien naturel, et des aliments au goût amer sont recommandés par les sites de santé naturelle comme un excellent moyen de débarrasser naturellement le corps des substances toxiques accumulées dans les cellules. D'ailleurs, il aimait le goût de la chicorée amère, il en avait planté dans son propre jardin. Sa femme, au contraire, n'a pas pu supporter le goût et elle n'a avalé que quelques bouchées.

 

Qu'est-ce qui a empoisonné et finalement tué l'homme ? Les médecins ont rapidement trouvé. Ce que la famille ignorait, c'est que les courgettes avaient été contaminées par un insecticide extrêmement toxique. La substance chimique avait été fabriquée par la plus grande et la plus ancienne productrice de poisons mortels du monde : Monsanto Nature.

 

L'insecticide en question est appelé cucurbitacine, un antagoniste d'une hormone stéroïde d'insectes agissant au niveau du récepteur ecdystéroïde. Ce récepteur est impliqué dans le développement et la reproduction de nombreux insectes, et la substance chimique empêche les chenilles de muer et de croître et les insectes adultes de se multiplier. La substance est fabriquée par les courgettes sauvages et des plantes voisines comme les citrouilles, les melons, les courges ou les gourdes pour repousser ou tuer les prédateurs. Les efforts d'amélioration des plantes ont produit des variants dépourvus de la capacité de se protéger par la toxine – un processus totalement contraire aux lois de la nature qui produit des aliments favorables à la santé humaine, mais dans des plantes qui sont vulnérables à leurs ennemis.

 

Heureusement, les plantes peuvent parfois inverser la mutation qui les prive de défense – un seul gène semble être responsable de l'arrêt de la production de la toxine, du fait soit d'une mutation, soit d'un gène suppresseur. Une pollinisation croisée par des parents sauvages ou des coloquintes (qui ne sont pas comestibles) peut aussi conduire à la réactivation du gène en question. Les physiologistes des végétaux savent aussi que la production de toxines peut être induite ou considérablement augmentée par le stress, qui oblige la plante à produire une plus grande quantité de toxines dans sa lutte pour la survie. Le mécanisme précis par lequel la production de toxines est supprimée ou induite n'a cependant jamais été étudié, car aucune opération de génie génétique n'a été impliquée dans la création des types variétaux.

 

Dans le cas qui s'est produit cet été, le jardinier ignorait que la nature avait doté ses plantes de la capacité de produire une bonne dose de substances naturelles pour se protéger contre ses ennemis. L'efficacité de la protection conférée par la substance chimique de la plante est très grande. Selon un rapport de 2006 [2], la cucurbitacine E, la moins amère, « peut être reconnue à 2 ppm (2 mg/kg) lorsqu'elle est mélangée avec de la pulpe de courge. Si l'exposition aux cucurbitacines provient d'une seule bouchée (environ 20 g) de courge ou de pastèque en contenant entre 930 et 3100 mg/kg, cela correspond à une dose de 18-60 mg de cucurbitacines, soit, chez une personne pesant 70 kg, 0,3-0,9 mg/kg de poids corporel. »

 

Une bouchée environ, c'est la quantité ingérée par la femme, alors que son mari a terminé son repas.

 

Le rapport poursuit : « Les expositions d'animaux de laboratoire aux cucurbitacines peuvent conduire à des effets toxiques aigus. Bien que l'exposition par voie orale donne lieu à des effets moins toxiques que l'exposition par voie sous-cutanée, intrapéritonéale ou intraveineuse, la DL50 orale chez la souris est aussi basse que 5 mg/kg de poids corporel environ pour certaines cucurbitacines (cucurbitacines D et I) . La cucurbitacine E et le glycoside de cucurbitacine E, qui sont les cucurbitacines les plus communes identifiées dans les plantes alimentaires, ont des valeurs de la DL50 orale chez la souris de 340 et 40 mg/kg de poids corporel, respectivement. »

Alors, quelles sont les leçons?

– La « Food Babe » a raison : ne mangez pas tout ce qu'un élève de CE2 ne peut pas prononcer, par exemple des « zucchini » (courgettes), sauf si vous voulez nettoyer votre corps.

– Les aliments au goût amer peuvent nettoyer votre corps, avec efficacité et entièrement, par exemple en éliminant sa muqueuse protectrice.

– Un style de vie plus naturel est bon pour la nature, en produisant des plantes ayant des capacités de guerre chimique entièrement naturelles.

– Les pesticides naturels sont tout à fait différents des pesticides de synthèse du point de vue de leur toxicité.

– Le principe de précaution s'applique uniquement aux OGM et aux pesticides de synthèse.

– Monsanto, c'est le Mal.

__________________

* Ludger Weß (Wess) a étudié la biologie et la chimie et a travaillé en tant que biologiste moléculaire à l'Université de Brême avant d'entamer une activité de journaliste scientifique. Il écrit régulièrement depuis les années 1980 sur les aspects scientifiques, économiques, historiques, juridiques et éthiques des sciences et des technologies, principalement sur le génie génétique et les biotechnologies. Ses articles ont paru dans Stern, die Woche et le Financial Times Deutschland ainsi que dans des revues spécialisées internationales. Il a publié un ouvrage sur les débuts de la recherche génétique, die Träume der Genetik (les rêves de la génétique), avec une 2e édition en 1998.

En 2006, il a été un des co-fondateurs de akampion, qui conseille les entreprises innovantes dans leur communication. Ludger Weß a un doctorat en histoire des sciences et est membre de la National Association of Science Writers états-unienne ; il vit à Hambourg.

Vous pouvez le suivre sur https://twitter.com/ludgerwess

Source : http://ludgerwess.com/confirmed-trace-amounts-of-pesticide-can-kill-a-human/

[1] L'article original est daté du 21 août 2015.

[2] http://www.diva-portal.org/smash/get/diva2:701868/FULLTEXT01.pdf

 

Commentaires

 

1.  Cet article très sérieux malgré son ton ironique ne s'en prend pas à l'agriculture biologique en tant que telle, mais aux idéologies.

 

2.  Ce décès aurait aussi pu survenir à la suite d'une production « conventionnelle ».

 

3.  Cet article pointe implicitement vers le déficit d'information, tant chez les jardiniers que chez les consommateurs, particulièrement ceux qui sont tentés par des modes d'alimentation non « orthodoxes ». Les crudivores, par exemple, savent-ils quels sont les fruits et légumes qui sont toxiques à l'état cru ? Combien d'intoxications aux haricots crus ? Les jardiniers doivent être prévenus des risques liés à l'utilisation de graines de cucurbitacées quand on produit (ou simplement laisse pousser) des coloquintes dans les parages.

 

4.  Enfin, cet article est aussi, à notre sens, un signal d'alarme – un appel à la prudence – pour la grande « mode » actuelle des « éliciteurs » ou « stimulateurs des défenses naturelles des plantes ». Pris au hasard [a] :

 

« Le développement et l’emploi des éliciteurs présentent plusieurs avantages dont certains, apparaissent comme prépondérants :

 

[...]

 

« Une toxicité et écotoxicité très réduite -de manière générale-, même si ce n’est pas une règle en soi. En effet, les espèces cibles sont atteintes indirectement à travers la réponse du végétal. Toutefois, il serait bon de vérifier que la sensibilisation du végétal par un éliciteur exogène n’induit pas la biosynthèse de substances indésirables pour une utilisation ultérieure du végétal. »

 

Pourquoi le conditionnel, « il serait bon de vérifier », et un texte plutôt vague ? Si ce n'est que l'idéologie du « naturel donc c'est bon » fait baisser la garde, peut-être pas dans les laboratoires mais certainement dans les écrits ? Écrits qui jouent un grand rôle dans la formation de l'opinion publique... qui influe sur les politiques... qui incite à baisser la garde...

 

5.  Rappelons enfin qu'il y a aussi eu des accidents avec des variétés de plantes cultivées que l'on a créées par des méthodes « classiques » d'amélioration des plantes, dont on a voulu accroître la résistance à des ravageurs et qui se sont révélées toxiques. Un exemple emblématique est la pomme de terre 'Lenape' [b]. Il y a aussi 'Magnum Bonum' [c].

 

6.  Tout cela étant dit, il faut savoir raison garder. Et faisons aussi dans un peu d'ironie : imaginez le tapage médiatique si le décès avait été lié à un OGM...

 

_____________________

 

[a] Fiche technique - Protection des plantes : Stimulation des Défenses Naturelles des plantes - Alter Agri n°95

http://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/documents/pdf/aa95web_p23-26_cle854877.pdf

 

[b] Par exemple :

http://boingboing.net/2013/03/25/the-case-of-the-poison-potato.html

 

[c] http://www.foodsafetywatch.org/factsheets/glycoalkaloids/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Magnum_Bonum

 

 

 

 

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A
juste pour rir, les malades mentaux qui parlent de phytooestrogènes pour pas dire xenoestrogènes, perturbateur endocrinies, ici parlent de la cucurbitacine, si bonne pour la détex définitive<br /> <br /> https://www.lanutrition.fr/bien-dans-son-assiette/aliments/legumes/concombre/pourquoi-le-concombre-amer-est-meilleur<br /> <br /> Loi de Poe... <br /> impossible de différencier un troll et un crétin
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Mais j'avoue ne pas bien comprendre.<br /> <br /> La cucurbitacine est toxique à haute dose. Coloquintes = danger.<br />
J
Excellent article. J'ai appris pleins de choses.
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