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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Un rappel de courgettes ravit les courges des médias

23 Mars 2024 Publié dans #critique de l'information, #Alimentation, #Santé publique

Un rappel de courgettes ravit les courges des médias

 

 

(Source)

 

 

Rappel Conso a publié le 18 avril 2024 un rappel de filets de courgettes de marque Aldi pour cause de dépassement d'une limite maximale de résidus et accessoirement de dose de référence aiguë. Le rappel concernant la France entière – des magasins non limités à une zone géographique bien identifiée – des médias s'en sont donné à cœur joie.

 

 

J'y suis arrivé par MSN, qui a repris un article de 20 Minutes, « Des courgettes contenant trop de pesticides rappelées dans toute la France ».

 

Mais MSN a aussi rediffusé « Rappel produit : ces courgettes vendues partout en France dépassent le taux de pesticides autorisé » du site 750 grammes.

 

Oh, et puis MSN a aussi pompé le « Trop de pesticides dans des courgettes, un rappel lancé dans toute la France » d'Ouest France.

 

Et MSN a aussi tapé dans le Capital, « Pesticides : un lot de filet de courgettes rappelé dans toute la France ».

 

Une recherche montre que les médias s'en sont donné à cœur joie. Il y a probablement une source commune – à voir par exemple une erreur répandue sur la notion de limite maximale de résidus (LMR) – ou un phénomène de panurgisme, avec parfois un effort de se singulariser par le titre de l'article.

 

Citons notamment Doctissimo et son « Rappels de produits : ces courgettes bourrées de pesticides ne doivent pas être consommées ». Car c'est un titre vraiment putaclic : « bourrées de pesticides » ? Ils n'en savent strictement rien !

 

Beaucoup d'autres titres sont aussi putaclics, mais d'une autre manière, en restant dans le flou et en évoquant « toute la France » comme si c'était un désastre national.

 

À cet égard, on peut féliciter chaudement 60 Millions de Consommateurs, qui précise que ce sont des courgettes vendues par un seul distributeur : « Rappel de courgettes chez Aldi dépassant les doses maximales de résidus de pesticides ». Idem pour l'Union.

 

 

Que s'est-il passé ?

 

Rappel Conso a publié le 18 mars 2024 un avis de rappel de filets de courgettes pour cause de dépassement de la limite maximale de résidus (un motif supplémentaire étant un dépassement de l'ARfD, dose de référence aiguë).

 

Que signifie le « France entière » de Rappel Conso dans ce contexte : que ces courgettes ont été livrées à des magasins Aldi de la France entière – tous ou certains d'entre eux, la notice ne le précise pas. Quand les points de vente sont connus, ils sont précisés dans les fiches, comme ici, pour une présence de Listeria monocytogenes (un problème du reste bien plus grave qu'un dépassement de LMR).

 

Les médias se sont donc précipités sur l'« information », sans en demander davantage. Ouest France écrit ainsi :

 

« Ces fruits, commercialisés en filets de 1 kg entre le lundi 4 et le vendredi 8 mars 2024, présentent un taux trop élevé de pesticides, indique le site gouvernemental Rappel Conso. Ils ne doivent pas être consommés. »

 

En fait, Rappel Conso utilise un vocabulaire moins anxiogène, d'ailleurs assez standard en cas de dépassement de LMR : « Conduite à tenir : Détruire le produit ». Du reste, sur le plan de l'alimentation, la courgette est un légume...

 

Capital manie le chaud et le froid, le ridicule et le raisonnable. Selon le chapô, les courgettes « contiendraient des pesticides au-delà du seuil réglementaire ». Non, elles contiennent – ou plutôt contenaient parce que les courgettes ont pour la plupart été consommées depuis qu'elles ont été vendues, entre 10 et 16 jours avant le rappel.

 

Mais l'entrée en matière est tonitruante : « Alerte aux pesticides ! ». On rappellera ici, incidemment, au marchand de pétoche qu'il n'y a pas eu d'informations sur de graves effets sur la santé. Le scribouillard explique ensuite les notions de LMR (très mal, comme bien d'autres l'on fait !) et d'ARfD pour conclure, à juste titre : « Le franchissement de ce seuil ne conduit pas nécessairement à l’apparition d’effets dangereux sur la santé. Le seuil est donc défini selon une approche protectrice de la santé. »

 

 

Aldi m'a dit...

 

J'ai appelé le numéro indiqué par Rappel Conso, ce qu'aucun journaliste n'a vraisemblablement fait. Et j'ai reçu toutes les réponses souhaitées.

 

Ces courgettes présentaient une dose de résidus de flonicamide (utilisé pour traiter contre les pucerons) de 0,75 mg/kg, au lieu des 0,50 mg/kg de la LMR. Cela me laisse un peu perplexe : le délai avant récolte est de... un jour ; une erreur de manipulation peut-être.

 

On est loin – très loin – des courgettes « bourrées de pesticides » de Doctissimo. Et il s'agit sans doute de résidus en surface qui seraient éliminés par lavage (mais tout le monde ne lave pas ses légumes avant de les appréter – c'est un tort).

 

L'ARfD est fixée, tout comme la dose journalière admissible (DJA), à 0,025 mg/kg poids corporel. « Elle a été déterminée en appliquant un facteur de sécurité de 100 à la dose sans effet néfaste observé obtenue dans une étude de tératogenèse par voie orale chez le lapin. »

 

Le document précité nous donne aussi la définition de l'ARfD dans une note de bas de page : « La dose de référence aiguë (ARfD) d'un produit chimique est la quantité estimée d'une substance présente dans les aliments ou l'eau de boisson, exprimée en fonction du poids corporel, qui peut être ingérée sur une brève période, en général au cours d'un repas ou d'une journée, sans risque appréciable pour la santé du consommateur, compte tenu de tous les facteurs connus au moment de l'évaluation. Elle est exprimée en milligrammes de substance chimique par kilogramme de poids corporel (OMS, 1997). »

 

Cette ARfD représente dans notre cas 1,5 mg pour une petite personne de 60 kg... soit 2 kg de ces courgettes à ingurgiter en un seul jour.

 

Mais le laboratoire s'est fondé, selon les informations que l'on ma communiquées, sur un enfant de 14,5 kg consommant 100 g de courgettes ; et là, mon tableur ne trouve toujours pas de dépassement...

 

 

Que faut-il retenir de cet événement ?

 

Premièrement, l'alerte a été lancée par Aldi, qui demande une analyse par mois à ses fournisseurs. Le rappel s'est fait en concertation avec les autorités. Manifestement, on a pris grand soin de la santé publique dans une démarche que l'on pourrait considérer comme un excès de prudence.

 

On peut toutefois regretter, d'une part, que Rappel Conso n'apparaisse pas en tête de la liste des résultats d'une recherche sur Internet.

 

D'autre part, qu'il ne fasse pas de pédagogie pour expliquer le fonctionnement du système de sécurité sanitaire de l'alimentation et pour dissuader, en tant que de besoin, les comportements hystériques ou, au contraire et toujours en tant que de besoin, inciter à la prudence. Il fait pourtant de la pédagogie pour la listériose. Quand on peut expliquer pour des cas potentiellement graves, on peut aussi faire l'effort pour des cas plus bénins.

 

Deuxièmement, si relayer un rappel est une saine et utile démarche, le comportement des médias... hélas...

 

Les articles sur les rappels consos sont devenus des marronniers, non pas annuels mais quasiment journaliers. Il est désolant que les médias n'aient pas de personnel formé à ces questions, capable de plus que la régurgitation des données de Rappel Conso agrémentée de quelques propos trahissant l'illettrisme en la matière – ou du pompage de l'article du copain.

 

De ce que nous avons vu, Ouest France partage le pompon avec Doctissimo. Il écrit en conclusion :

 

« Une étude publiée en février 2024 et relayée par Femme Actuelle a montré qu’en France, entre 2017 et 2021, 73,1 % des fruits et 45,8 % des légumes contenaient des résidus de pesticides. Dans les courgettes rappelées, le taux de ces produits est même supérieur à celui autorisé par les réglementations. »

 

La flemme de citer la source de cette « étude », de Générations Futures bien sûr (c'est mon jour de charité, voici le lien... donné par Femme Actuelle). Et faire un énorme contresens sur les pourcentages de fruits ou légumes présentant au moins un résidu de pesticide et le niveau de ces résidus par rapport aux normes...

 

 

Post scriptum

 

Ah, l'intelligence artificielle ! Monica nous dit, avec un lien non fonctionnel vers l'ANSES :

 

« Risques pour la santé Les pesticides présents dans les courgettes rappelées peuvent être dangereux pour la santé. Ils peuvent provoquer des irritations de la peau, des yeux et des voies respiratoires, ainsi que des troubles digestifs. »

 

Le document cité et non disponible est sans doute un document général, dont le programme a cité un élément en ajoutant une références aux courgettes.

 

Début février 2014, Leclerc a rappelé une série de légumes et de produits transformés. Citant 60 Millions de Consommaeurs, Monica écrit :

 

« Risques pour la santé La consommation de légumes contaminés aux pesticides peut entraîner des problèmes de santé, tels que des troubles digestifs, des allergies ou des cancers. Il est donc important de ne pas consommer les produits rappelés. »

 

Et aussi (lien fonctionnel mais source non pertinente...) :

 

Où trouver des légumes sains ? Pour éviter de consommer des légumes contaminés, il est recommandé d'acheter des produits bio ou de privilégier les circuits courts, comme les marchés de producteurs locaux. »

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A
J'ai bien aimé le terme putaclic, je le ressortirai ...
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J
Sinon, vous avez des épinards bio aux insectes<br /> https://rappel.conso.gouv.fr/fiche-rappel/13594/Interne<br /> Ou<br /> Du potimarron BIO avec phytosanitaires en excès...<br /> https://rappel.conso.gouv.fr/fiche-rappel/13439/Interne<br /> <br /> Curieusement personne n'en parle...
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M
Bonjour, les journalistes sont payés au nombre de mots qu'ils écrivent et non à la véracité de leurs écrits !
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A
Ce ne sont donc pas des journalistes ...
T
Il serait bon de rappeler que le plus grave pb sanitaire a été provoqué par la consommation de bio provoquant 33 morts et plus de 3000 personnes intoxiquées après avoir mangé des graines germées bio
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A
Sur les chiffres, il y aurait eu 55 décès et plus de 800 cas de SHU en Allemagne; Source https://www.persee.fr/doc/bavf_0001-4192_2012_num_165_4_9661
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Mais c'est 53 morts (et 855 personnes atteintes du syndrome hémolytique et urémique et 2.987 de gastro-entérite). Les médias français ont cessé de donner le nombre de victimes quand les soupçons se sont détournés des concombres espagnols pour se tourner vers les graines germées bio.
T
Le circuit court n'est pas une garantie d'absence de pesticide ,bien au contraire car il n'y a aucun contrôle avant la vente
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U
Un média ne peut survivre que s'il donne à ses lecteurs ce que ceux-ci attendent.
H
@Murps, c'est un peu plus compliqué que cela. Je connais un peu le monde de la presse pour l'avoir côtoyé un certain nombre d'années. <br /> D'une part les journalistes sont très majoritairement de gauche ce qui oriente leur pensée et leurs écrits. <br /> Ensuite ils sont en général peu cultivés sur le plan scientifique. Ils ont en majorité fait des études littéraires et juridiques puis une école de journalisme et rien de plus. Donc sur les sujets à caractère scientifique ou technique (et historique également, quelle bande de bouffons !), ils sont très souvent pitoyables et constituent des relais aisés pour les intox les plus niaises.<br /> <br /> Ensuite, lorsqu'on pense journalisme, il ne faut pas penser aux ténors de la presse qui disposent d'une certaine liberté dans leurs sujets et leurs écrits. La très grande majorité des journalistes travaillent "à la commande". Un chef de rédaction ou équivalent leur demande d'écrire X mots sur tel ou tel sujet avec tel ou tel contenu dont X mots clés. La thématique et la conclusion sont connus à l'avance, et il n'est pas question de s'en écarter. Souvent cela se borne à retravailler une AFP ou quelque chose paru ailleurs sans se poser la moindre question.<br /> C'est ainsi que la majorité des journalistes gagnent leur vie, et s'ils s'écartent de leurs "commandes" et bien ils n'en auront plus ou plus guère, donc ils collent aux "commandes".<br /> <br /> Il faut bien comprendre que pour la grande masse des journalistes ne plus avoir de "commandes", c'est ne plus avoir de travail. Et que voulez vous faire derrière, dans le monde du travail, lorsque vous n'avez aucune qualification professionnelle "utile" dans le vrai monde, j'entends par vrai monde, celui où on produit réellement quelque chose ? Se permettre d'être honnête et compétent est un luxe quand vous avez besoin qu'un salaire tombe.<br /> <br /> Il faut aussi bien avoir à l'esprit que ce qui compte dans la presse est rarement la vérité ou l'exactitude des faits mais le nombre de fois où l'article sera lu car cela conditionne les recettes. Or, les gens lisent en priorité ce qui fait peur, ce qui choque, ce qui surprend. Dire que tout va bien et que sciences et techniques sont porteurs de plein d'espoirs n'est donc pas du tout porteur.
M
Les journalistes peuvent être payé au kilomètre de texte et se montrer honnêtes et compétents.<br /> Le problème de ces plumitifs c'est le militantisme et l'ignorance. Il n'y a pas de remède pour ça.