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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les régulateurs devraient tenir compte de l'approbation du génie génétique par le Vatican

6 Août 2023 Publié dans #Biotechnologies, #OGM, #NGT

Les régulateurs devraient tenir compte de l'approbation du génie génétique par le Vatican

 

Henry I. Miller, ACSH*

 

 

Image : Wikimedia commons

 

 

Depuis deux décennies, l'Académie Pontificale des Sciences, qui conseille le pape sur les questions scientifiques, fait des observations judicieuses sur l'importance des techniques moléculaires de modification génétique et sur les approches les plus appropriées pour les réglementer. Le fait que la plupart des pays les aient ignorées constitue un péché capital.

 

 

Il y a quatorze ans, le mois dernier, j'ai eu le privilège de me joindre à un petit groupe d'universitaires et d'ecclésiastiques venus du monde entier à l'invitation de l'Académie Pontificale des Sciences pour une « semaine d'étude » dont le thème était « Les plantes transgéniques pour la sécurité alimentaire dans le contexte du développement ».

 

Conformément aux instructions du pape Benoît XVI, l'objectif était « d'évaluer les avantages et les risques du génie génétique et d'autres pratiques agricoles sur la base des connaissances scientifiques actuelles et de son potentiel d'application pour améliorer la sécurité alimentaire et le bien-être de l'homme dans le monde entier dans le contexte d'un développement durable ».

 

Le résultat fut, surtout pour l'époque, une fusion rare et constructive de la science, de la technologie, de la religion et des principes humanistes.

 

Le document de synthèse de la semaine d'étude commence par réaffirmer et résumer une analyse antérieure de l'Académie Pontificale des Sciences, intitulée « L'utilisation des plantes alimentaires génétiquement modifiées pour combattre la faim dans le monde », établie en 2000 mais publiée seulement en 2004 [lien vers le PDF]. Ses conclusions, très progressistes pour l'époque, étaient les suivantes :

 

« Plus d'un milliard de personnes sur une population mondiale de 6,8 milliards sont actuellement sous-alimentées, une situation qui nécessite d'urgence le développement de nouveaux systèmes et technologies agricoles.

 

L'agriculture telle qu'elle est pratiquée actuellement n'est pas durable, comme en témoignent la perte massive de la couche arable et les applications inacceptables de pesticides dans la majeure partie du monde.

 

L'application appropriée du génie génétique et d'autres techniques moléculaires modernes dans l'agriculture contribue à relever certains de ces défis.

 

Il n'y a rien d'intrinsèque dans l'utilisation des technologies de génie génétique pour l'amélioration des cultures qui puisse rendre les plantes elles-mêmes ou les produits alimentaires qui en résultent dangereux.

 

La communauté scientifique devrait être responsable de la recherche et du développement (R&D) conduisant à des progrès dans la productivité agricole, et devrait également s'efforcer de veiller à ce que les avantages associés à ces progrès profitent aux pauvres ainsi qu'aux habitants des pays développés qui jouissent actuellement d'un niveau de vie relativement élevé. »

 

La semaine d'étude de 2009 a développé ces observations, concluant, en partie :

 

« La technologie des OGM, utilisée de manière appropriée et responsable, peut dans de nombreuses circonstances apporter des contributions essentielles à la productivité agricole par l'amélioration des cultures, y compris l'amélioration des rendements et de la qualité nutritionnelle des produits, et l'augmentation de la résistance aux parasites et maladies, ainsi que l'amélioration de la tolérance à la sécheresse et à d'autres formes de stress environnemental. Ces améliorations sont nécessaires dans le monde entier pour contribuer à améliorer la durabilité et la productivité de l'agriculture.

 

L'amélioration génétique des plantes cultivées et ornementales représente un long continuum de techniques de plus en plus précises et prévisibles. Comme l'a conclu le Conseil National de la Recherche des États-Unis dans un rapport de 1989 : "Au fur et à mesure que les méthodes moléculaires deviennent plus spécifiques, les utilisateurs de ces méthodes seront plus sûrs des caractères qu'ils introduisent dans les plantes et donc moins susceptibles de produire des effets fâcheux que les autres méthodes de sélection végétale."

 

Les avantages ont déjà été très importants dans des pays tels que les États-Unis, l'Argentine, l'Inde, la Chine et le Brésil, où les cultures génétiquement modifiées sont largement répandues. [Au cours de la décennie qui s'est écoulée depuis la publication du résumé de la semaine d'étude, les avantages sont sans doute passés d'une "importance majeure" à une importance monumentale, comme le décrivent de nombreuses analyses publiées par les économistes britanniques Graham Brookes et Peter Barfoot.]

 

Ils peuvent également être d'une importance majeure pour les agriculteurs aux ressources limitées et les membres vulnérables des communautés agricoles pauvres, en particulier les femmes et les enfants. Le cotonnier et le maïs transgéniques résistants aux insectes, en particulier, ont considérablement réduit l'utilisation d'insecticides (et donc amélioré la sécurité agricole) et contribué à des rendements nettement plus élevés, à l'augmentation des revenus des ménages et à la réduction des taux de pauvreté (ainsi qu'à une diminution du nombre d'empoisonnements par des pesticides chimiques) dans des secteurs spécifiques de petites exploitations de plusieurs pays en développement, dont l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud et les Philippines.

 

 

 

 

L'introduction d'une résistance à des herbicides peu coûteux et sans danger pour l'environnement dans le maïs, le soja, le canola et d'autres cultures est le trait génétique le plus largement utilisé. Elle a permis d'augmenter les rendements à l'hectare, de remplacer le désherbage manuel éreintant et de réduire les intrants, ce qui s'est traduit par des techniques culturales minimales (no-till) qui ont permis de diminuer le taux d'érosion des sols. Cette technologie pourrait être particulièrement utile aux agriculteurs des pays en développement qui, pour des raisons d'âge ou de maladie, ne peuvent pas pratiquer le désherbage manuel traditionnel.

 

La technologie des OGM peut combattre les carences nutritionnelles grâce à des modifications qui fournissent des micronutriments essentiels. Par exemple, des études sur le "Riz Doré" biofortifié à la provitamine A ont montré qu'une alimentation quotidienne standard contenant ce riz biofortifié serait suffisante pour prévenir les carences en vitamine A.

 

L'application de la technologie des OGM à la résistance aux insectes a permis de réduire l'utilisation d'insecticides chimiques, de diminuer le coût de certains intrants agricoles et d'améliorer la santé des travailleurs agricoles. Cette relation est particulièrement importante dans des régions telles que de nombreux pays européens, où les applications d'insecticides sont beaucoup plus élevées que dans la plupart des autres régions, ce qui peut nuire aux écosystèmes en général ainsi qu'à la santé humaine.

 

La technologie des OGM a déjà permis d'augmenter les rendements des agriculteurs pauvres et il est prouvé qu'elle a généré une augmentation des revenus et de l'emploi qui n'aurait pas eu lieu autrement.

 

La surveillance réglementaire coûteuse de la technologie des OGM doit devenir scientifiquement défendable et fondée sur les risques. Cela signifie que la réglementation doit se fonder sur les caractéristiques particulières d'une nouvelle variété végétale plutôt que sur les moyens technologiques utilisés pour la produire.

 

Les évaluations des risques doivent prendre en compte non seulement les risques potentiels liés à l'utilisation d'une nouvelle variété végétale, mais aussi les risques liés aux solutions de remplacement si cette variété particulière n'est pas mise à disposition.

 

D'importants efforts sont actuellement déployés par le secteur public pour produire des variétés ou des lignées génétiquement améliorées de manioc, de patates douces, de riz, de maïs, de bananier, de sorgho et d'autres grandes cultures tropicales qui profiteront directement aux pauvres. Ces efforts doivent être fortement encouragés.

 

L'ampleur des défis auxquels sont confrontés les pauvres et les sous-alimentés dans le monde doit être abordée de toute urgence. Chaque année, les carences nutritionnelles sont à l'origine de maladies et de décès évitables. La récente hausse des prix des denrées alimentaires dans le monde entier a révélé la vulnérabilité des pauvres face à la concurrence pour les ressources. Dans ce contexte, les avantages auxquels on renonce sont perdus à jamais.

 

Compte tenu de ces conclusions scientifiques, il est moralement impératif de mettre les avantages de la technologie des OGM à la disposition des populations pauvres et vulnérables qui le souhaitent, à des conditions qui leur permettront d'élever leur niveau de vie, d'améliorer leur santé et de protéger leur environnement. »

 

Les recommandations contenues dans le résumé de l'Académie Pontificale sont tout aussi constructives et importantes :

 

« Améliorer la fourniture d'informations fiables aux régulateurs, aux agriculteurs et aux producteurs du monde entier afin qu'ils soient en mesure de prendre des décisions judicieuses fondées sur des informations et des connaissances actualisées concernant tous les aspects de la gestion agricole en vue de la productivité et de la durabilité.

 

Normaliser – et rationaliser – les principes impliqués dans l'évaluation et l'approbation des nouvelles variétés de cultures (qu'elles soient produites par des technologies dites conventionnelles, de sélection assistée par marqueurs ou de génie génétique) de manière universelle afin qu'elles soient scientifiques, fondées sur les risques, prévisibles et transparentes. Il est essentiel que le champ d'application de l'examen au cas par cas soit aussi important que l'examen lui-même ; il doit également être scientifique et fondé sur les risques.

 

Réévaluer l'application du principe de précaution à l'agriculture, en le recadrant d'un point de vue scientifique et pratique, en rendant les exigences réglementaires et les procédures proportionnelles au risque et en tenant compte des risques associés à l'absence d'action. »

 

La déclaration va jusqu'à rappeler à ceux qui appliquent mal le principe de précaution que « la prudence (phronesis ou prudentia) est la sagesse pratique qui doit guider l'action » et que « la principale composante de la prudence n'est pas la précaution mais la prédiction ». Cela signifie que la principale caractéristique de la prudence n'est pas de s'abstenir d'agir pour éviter un dommage, mais d'utiliser les prévisions scientifiques comme base d'action.

 

Au fil des ans, les conclusions et les recommandations de l'Académie Pontificale des Sciences ont été formulées, réitérées et approuvées par d'autres organismes scientifiques, mais largement ignorées par les décideurs politiques. Largement répandue, une réglementation non scientifique, excessive et dysfonctionnelle a limité les avantages de la biotechnologie à une petite fraction de leur potentiel. Des secteurs entiers autrefois prometteurs – notamment les animaux génétiquement modifiés, l'agriculture biologique et la biorestauration des déchets toxiques – n'ont pas réussi à prospérer.

 

Si seulement les législateurs et les régulateurs pouvaient « comprendre la religion », avoir foi en la science et prendre à cœur les recommandations de l'Académie Pontificale !

 

Une version antérieure de cet article a été publiée par le Genetic Literacy Project en 2019.

 

_____________

 

* Henry I. Miller, MS, MD

 

Henry I. Miller, MS, MD, est le Glenn Swogger Distinguished Fellow de l'American Council on Science and Health. Ses recherches portent sur les politiques publiques en matière de science, de technologie et de médecine, et couvrent un certain nombre de domaines, notamment le développement pharmaceutique, le génie génétique, les modèles de réforme réglementaire, la médecine de précision et l'émergence de nouvelles maladies virales. Le Dr Miller a travaillé pendant quinze ans à la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, où il a occupé plusieurs postes, notamment celui de directeur fondateur de l'Office of Biotechnology.

 

Source : Regulators Should Embrace Vatican’s Endorsement of Genetic Engineering | American Council on Science and Health (acsh.org)

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