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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les céréales ukrainiennes inondent-elles désormais le marché allemand ?

21 Août 2023 Publié dans #Ukraine

Les céréales ukrainiennes inondent-elles désormais le marché allemand ?

 

Norbert Lehmann, AGRARHEUTE*

 

 

© IMAGO/Kirchner-Media

Alors que la récolte de céréales stagne dans notre pays en raison des conditions météorologiques, une rumeur circule : du blé bon marché en provenance d'Ukraine serait sur le marché allemand. Les faits ne plaident toutefois pas en faveur d'une importation à grande échelle.

 

 

En pleine récolte de blé, une rumeur fait son chemin. Certains agriculteurs sont inquiets. A juste titre ? Voici les faits.

 

 

La récolte de blé stagne en Allemagne. La raison en est les pluies persistantes. C'est pourquoi les nerfs de nombreux agriculteurs sont tendus. Ils doivent assister, impuissants, à l'affaiblissement de jour en jour de la qualité des blé encore sur pied, à l'origine prometteurs pour la plupart.

 

En cette période de tension nerveuse, une rumeur fait son chemin. La rumeur selon laquelle les importations de céréales bon marché en provenance d'Ukraine évincent le blé local, que les prix des céréales sont sous pression en raison de ces importations. Qu'est-ce qui est vrai dans de telles affirmations ?

 

 

Bruxelles protège les États membres orientaux de l'UE

 

La cause de ces craintes est évidente : peu de temps après le début de la guerre, l'UE a exempté les importations agricoles en provenance d'Ukraine de tous les droits de douane et contingents d'importation pour une durée limitée. Le maïs et le colza peuvent pour l'instant être importés librement sur le marché intérieur.

 

Des quantités plus importantes ont donc rapidement afflué vers les pays limitrophes de l'UE, à savoir la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie. Début mai, la Commission européenne a donc décrété une interdiction d'importation de blé, de maïs, de colza et de tournesol dans les quatre États membres limitrophes et en Bulgarie. Le transit reste autorisé.

 

Par conséquent, on craint depuis lors que les livraisons ukrainiennes arrivent sur le marché des États membres de l'UE situés plus à l'ouest, comme l'Allemagne, au lieu d'être exportées sur le marché mondial.

 

 

Les statistiques commerciales ne font état que de faibles importations de blé

 

De plus grandes quantités de céréales ukrainiennes arrivent-elles vraiment sur le marché allemand ? L'Office Fédéral de la Statistique indique les livraisons chaque mois.

 

Pour la période de janvier à mai 2023 – des chiffres plus récents ne sont pas encore disponibles – les importations de blé en provenance d'Ukraine s'élevaient à 49.980 tonnes. Ce n'est pas une grande quantité, mais elle est nettement supérieure à celle de la même période de l'année précédente, qui n'était que de 1.704 tonnes.

 

« Cette petite quantité n'ébranle pas le marché et n'a pas d'impact sur les prix des céréales », explique M. Peter Haarbeck, de l'Association des Moulins Allemands à la chaîne BR.

 

 

Le maïs et le colza étaient déjà importés en plus grandes quantités avant la guerre

 

Si les exportations de blé ukrainien vers l'Allemagne se poursuivent à ce rythme, cela représenterait environ 120.000 tonnes d'ici la fin de l'année. Ce serait certes presque vingt fois plus qu'avant la guerre, mais toujours pas d'un ordre de grandeur suffisant pour perturber le marché. La récolte de blé allemande de 2022 s'est élevée à 22,1 millions de tonnes.

 

Les exportations ukrainiennes de maïs et de colza vers l'Allemagne sont plus importantes. En 2021, la dernière année avant l'invasion russe, elles ont atteint 755.906 tonnes de colza et 190.191 tonnes de maïs. L'année dernière, les importations de colza ont diminué de près d'un quart pour atteindre 579.593 tonnes. En revanche, les importations de maïs ont plus que doublé pour atteindre 427.234 tonnes.

 

Malgré cela, fin juin 2022, le maïs coûtait 355 euros/t dans le commerce de gros à Cologne, soit bien 50 euros de plus qu'un an auparavant. Actuellement, la cotation du marché de gros tourne autour de 250 euros/t.

 

 

L'UE prolongera-t-elle ses restrictions d'importation pour l'Ukraine ?

 

Certains observateurs du marché attribuent le fait que l'on parle avec insistance d'importations de blé ukrainien à moins de 100 euros/t à une désinformation ciblée. Des sources prorusses répandraient de telles rumeurs dans les réseaux sociaux afin d'attiser l'inquiétude dans l'UE, disent-ils.

 

« Ce sont probablement des usines à trolls russes qui sont à l'œuvre », déclare l'agriculteur Dietrich Treis à la BR. M. Treis vit en Ukraine depuis 1990 et gère une grande exploitation agricole à l'ouest de Kiev.

 

En Pologne et en Hongrie, les gouvernements sont en tout cas sous pression pour poursuivre l'interdiction d'importation de l'UE, qui est limitée au 15 septembre, et ce, dans le cadre des compétences nationales si nécessaire. La Commission Européenne examine encore actuellement si une réglementation européenne de suivi sera mise en place. Le ministre fédéral de l'Agriculture Cem Özdemir s'est prononcé contre la prolongation de la restriction d'importation.

 

 

DBV : des exportations ordonnées sous contrôle de l'UE seraient souhaitables

 

La fin de l'Initiative pour les céréales de la mer Noire (BSGI) a toutefois considérablement accru la nécessité d'exporter des céréales et des oléagineux d'Ukraine par voie terrestre.

 

Les États baltes ont proposé comme solution possible de faire transiter les transports de céréales jusqu'à leurs ports de la Baltique. C'est là que les formalités d'exportation pourraient être effectuées.

 

M. Johann Meierhöfer, de l'Union Allemande des Agriculteurs (DBV), déclare : « Une solution européenne est nécessaire de toute urgence. Il serait vraiment souhaitable que les livraisons par train et par camion soient dirigées de manière ordonnée afin qu'elles atteignent le marché mondial. » Une possibilité serait d'augmenter les capacités de transbordement dans le port roumain de Constanza. Mais cela prendra du temps. La récolte de céréales de 2023 sera alors depuis longtemps dans les silos.

 

____________

 

Norbert Lehmann travaille depuis plus de 25 ans comme journaliste spécialisé. Après des études d'économie agricole à Bonn, le service de presse et d'information Agra-Europe a été sa première étape professionnelle. Il a fait de fréquents séjours à Bruxelles en tant que correspondant. Ensuite, activités au sein du groupe d'édition Handelsblatt, dans les relations publiques scientifiques ainsi qu'en tant qu'indépendant. Depuis 2012, il travaille au dlv, en dernier lieu en tant que chef de la rubrique Management & Markt à la rédaction d'AGRARHEUTE.

 

* Source : Flutet Getreide aus der Ukraine jetzt den deutschen Markt? | agrarheute.com

 

 

 

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