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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Provoquer un rejet en agitant la peur : le Corporate Europe Observatory

6 Juillet 2023 Publié dans #Activisme

 

Provoquer un rejet en agitant la peur : le Corporate Europe Observatory

 

David Zaruk (Risk-monger)*

 

 

Crédit : Corporate Europe Observatory

 

 

Le Corporate Europe Observatory (CEO) est l'une des principales voix de la campagne militante contre les semences génétiquement modifiées et les technologies agricoles en général. Au cours des trois dernières années, il a publié 26 rapports ou documents de campagnes contre l'agrotechnologie. Son rapport qui affirme que les nouvelles technologies d'amélioration des plantes ne sont que des OGM 2.0, a été largement cité dans la campagne de 2018 visant à amener la Cour de Justice de l'Union Européenne à statuer que les innovations par édition de gènes devraient relever de la directive restrictive de l'UE sur les OGM de 2001.

 

 

Alors que d'autres ONG se retirent de la campagne contre l'édition de gènes, le CEO devient la dernière voix forte de protestation au sein d'un groupe disparate d'alarmistes propagateurs de fake news. La peur du public à l'égard de l'amélioration des plantes, de l'édition des gènes et de la modification génétique s'estompe à mesure que leur présence depuis trois décennies dans la chaîne alimentaire devient banale (ce que j'ai appelé la « banalisation » des risques communs), de sorte que les ONG militantes doivent devenir plus créatives dans leurs campagnes axées sur la peur.

 

Le Corporate Europe Observatory a élaboré un récit dans lequel les grandes entreprises prennent le contrôle de la chaîne alimentaire à l'aide de « produits chimiques toxiques et de biotechnologies inconnues ». En propageant cette peur, ils envisagent un monde alternatif de petits agriculteurs biologiques qui nourrissent les communautés locales grâce à des semences ancestrales et sans intrants de synthèse.

 

D'après les informations accessibles au public, il semble que le CEO n'emploie pas d'agronomes et ne dispose d'aucune capacité de recherche sur les semences. Leur budget ne comprend pas de consultants scientifiques ni de frais de laboratoire. Les militants qui produisent leurs multiples rapports ont peu de connaissances scientifiques. Leur argumentation contre l'amélioration des plantes et l'édition des gènes n'est pas fondée sur les faits ou la science. Ils se contentent de faire campagne sur le fait que la technologie provient de grandes entreprises ou qu'elle est financée par l'industrie. Leurs innovations, leur science, ne sont donc pas dignes de confiance et doivent être exclues du processus politique.

 

 

L'horreur plutôt que les faits

 

Le CEO a tissé une image de l'industrie qui la présente comme étant vraiment horrible – des sociétés cupides et trompeuses uniquement préoccupées par les profits et heureuses de voir les innocents et les vulnérables souffrir alors qu'elles détruisent l'environnement. Lesquelles ? Toutes !Cette horreur, associée à la victimisation des « gens comme nous », est plus puissante que la peur d'une incertitude liée à un risque potentiel. « L'horreur » crée un sentiment d'indignation, de rejet, qui pousse à agir et à lutter contre l'injustice des entreprises.

 

 

Réminiscence de l'alarmisme viral récent. Crédit : Carola Salvi et al.

 

 

Ce détournement par la peur isole l'argument au niveau politique. Il ne s'agit plus d'agir en fonction des faits et des preuves, mais plutôt de ne pas agir en raison de la nature perçue des personnes et des organisations impliquées. Les gens sont prêts à croire des affirmations ridicules lorsqu'ils sont remplis d'indignation face à quelque chose présenté comme vraiment horrible.

 

C'est ainsi qu'une fausse nouvelle est devenue crédible : une entreprise de taille moyenne comme Monsanto aurait eu des valises remplies d'argent liquide pour payer tous les régulateurs gouvernementaux et les scientifiques universitaires. Cette campagne de création de l'indignation s'est même répercutée sur les procès relatifs au glyphosate, les jurés exigeant des compensations se chiffrant en milliards de dollars parce que le directeur de la recherche de Monsanto n'a pas rappelé un jardinier qui s'était renversé du glyphosate dans le dos.

 

 

Crédit : OpenClipart via FreeSVG via CC0-1.0

 

 

Les attaques malveillantes du CEO ne se contentent pas de diffuser des fausses nouvelles à l'encontre des entreprises. Elles semblent exceller aussi dans l'art de salir la réputation personnelle des scientifiques universitaires qui ont travaillé sur des projets avec l'industrie (ou qui ont même simplement été consultants pour elle). En publiant des articles d'agression contre des scientifiques respectés comme le professeur Alan Boobis, le message du Corporate Europe Observatory est clair : si vous coopérez avec l'industrie, nous vous ferons du mal. Les décideurs politiques et les régulateurs craignent ces pitbulls et ont donc tout simplement cessé de s'engager directement avec les représentants de l'industrie. Lorsque j'ai remporté un succès limité dans la campagne visant à réautoriser le glyphosate dans l'UE en 2016, Martin Pigeon, du CEO, a travaillé avec un universitaire pour que je sois démis de mes fonctions de conférencier à l'université. Je suppose que j'étais vraiment horrible.

 

Le CEO a réussi à créer un rejet par la peur en associant les faibles risques de l'édition des gènes à l'horreur de l'industrie (et de tous ceux qui la soutiennent).

 

 

Protester contre l'industrie... dans les champs

 

L'argument selon lequel la chaîne alimentaire est désormais dominée par de grands groupes industriels ne se limite pas aux grandes entreprises chimiques et semencières. Des groupes d'activistes comme le CEO protestent désormais contre tout développement agricole d'envergure où l'utilisation de la technologie créerait des avantages qui seraient injustes pour les petits agriculteurs (généralement biologiques). L'« agriculture industrielle » est la nouvelle horreur.

 

 

Crédit : Département de l'Agriculture de l'Oregon via CC-BY-NC-ND-2.0

 

 

La nouvelle la plus alarmante de l'année 2022 a été la campagne menée par un groupe de paysans qui s'en est pris aux agriculteurs français construisant des bassins d'irrigation. Face à des années successives de sécheresse estivale, les militants exigent une agriculture moins intensive plutôt que d'investir dans des technologies de base (que les petits exploitants biologiques ne pourraient pas développer). En octobre, des milliers de militants ont attaqué un projet d'irrigation à Sainte-Soline, ce qui s'est traduit par l'hospitalisation de dizaines de policiers et la diffusion de leur message naïf d'un autre mode d'agriculture (sans irrigation).

 

Le détournement par la peur et le discours anti-industrie du CEO ont maintenant alimenté un programme anti-agriculture. Je n'ai peut-être pas la même définition du mot « horrible ».

 

________________

 

David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur Twitter ou la page Facebook de Risk-monger.

 

Sources :

 

Fear Distraction: Corporate Europe Observatory (european-seed.com) (pour le texte)

Viewpoint: How technology-rejectionist fearmongering poisons public opinion against farmers - Genetic Literacy Project (pour les illustrations)

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