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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La faim, la pauvreté et la maladie frappent la population des bidonvilles indiens alors que les objectifs de développement durable sont ignorés

22 Juillet 2023 Publié dans #Inde, #Alimentation

La faim, la pauvreté et la maladie frappent la population des bidonvilles indiens alors que les objectifs de développement durable sont ignorés

 

Ritwika Mitra, Alliance pour la Science*


 


 

Il est plus de 18 heures à Ahmedabad, dans l'État du Gujarat, à l'ouest de l'Inde, lorsque des ouvriers du bâtiment retournent dans les bidonvilles de la partie ouest de la ville.

 

Alors que certains se dirigent vers leurs maisons respectives pour terminer leurs tâches de la journée, quelques-uns se rendent à une réunion organisée par les responsables d'une organisation de la société civile qui les informe de leurs droits dans la ville.

 

 

Des habitants de bidonvilles lors d'une réunion avec des représentants d'une organisation à but non lucratif. [Ritwika Mitra]


 

Une vingtaine de femmes et d'hommes se regroupent et écoutent attentivement l'équipe pendant une heure. La plupart d'entre eux, si ce n'est tous, sont des travailleurs migrants originaires d'autres États indiens.

 

Les travailleurs migrants sont souvent les plus marginalisés parmi les travailleurs informels, qui ne bénéficient pas des prestations de sécurité sociale et restent invisibles aux yeux des décideurs politiques.

 

L'engagement de l'Inde à éradiquer la pauvreté et la faim reste une chimère.

 

L'Inde est signataire de l'Agenda 2030 pour le Développement Durable, mais une étude récente a mis en évidence le fait que l'Inde échoue sur 19 des 33 indicateurs des Objectifs de Développement Durable (ODD), dont la santé, la faim, la pauvreté et l'égalité des sexes.

 

L'Inde est classée 107e sur 121 pays dans l'Indice Mondial de la Faim 2022, alors qu'elle était 101e l'année précédente.

 

Le score de l'Inde est de 29,1, ce qui indique un niveau de faim grave.
 

L'Indice Mondial de Pauvreté Multidimensionnelle 2022 a montré que le plus grand nombre de personnes pauvres dans le monde vivaient en Inde en 2020.

 

 

Un groupe de femmes sur un site où elles vivaient avant que leurs maisons ne soient démolies. [Ritwika Mitra]


 

L'engagement de l'Inde à éradiquer la pauvreté et la faim reste une chimère au niveau local, où les travailleurs vivent dans des conditions déplorables et luttent pour joindre les deux bouts.

 

À quelques tentes de la réunion organisée par l'organisation à but non lucratif Ajeevika Bureau Trust, Naresh, avec l'aide de deux de ses voisins, tente de reconstruire leur maison de fortune en fixant la bâche avant le coucher du soleil.

En 2019, l'Inde comptait 65 millions de personnes vivant dans des bidonvilles, dont 1,6 million dans l'État du Gujarat.

 

« Celle-ci s'est effondrée hier. Si vous posez des questions sur nos vies, il n'y a que des problèmes », déclare Naresh, un travailleur migrant du district de Banswara, dans l'État du Rajasthan.

 

Sa femme Sannu parle des difficultés qu'ils rencontrent dans les bidonvilles – le manque d'accès aux toilettes et à l'assainissement, et le fait qu'ils ont dû quitter la ville pendant le confinement lié à la Covid-19.


 

Manisha, une élève de 9e année qui vient travailler à Ahmedabad lorsque les écoles sont fermées, pose avec son père, Sunil, dans les bidonvilles. [Ritwika Mitra]


 

Le Gujarat compte plus de 4,1 millions de migrants.

 

En 2019, l'Inde comptait 65 millions de personnes vivant dans des bidonvilles, dont 1,6 million au Gujarat, Ahmedabad étant la ville ayant la deuxième plus grande population vivant dans des bidonviles, après Surat.

 

Selon l'indice de pauvreté multidimensionnelle de la National Institution for Transforming India (NITI) Aayog, le Gujarat a un indice de 18,60 %.


 

[Billy Cedeno/ Pixabay]


 

Plus de 40 % de la population est privée de nourriture, plus de 37 % manque d'assainissement et 23,40 % n'a pas de logement décent.

 

L'économiste Ravi Srivastava souligne qu'il est important de considérer la pauvreté multidimensionnelle lorsqu'on parle de pauvreté urbaine.

 

Dans le nord d'Ahmedabad, certaines familles vivent sur les trottoirs après avoir été expulsées des terrains ferroviaires.

 

Pour un pays qui tente d'atteindre ses objectifs de développement durable, les éléments de base sont ignorés et c'est la population flottante, composée de travailleurs migrants, qui souffre le plus.

 

L'accès à la nourriture, à l'eau, à l'assainissement et aux soins de santé est un défi pour eux.

 

Les entrepreneurs qui emploient des travailleurs migrants fixent généralement les conditions de vie.

 

Une étude sur les travailleurs migrants à Ahmedabad réalisée par l'organisation à but non lucratif Ajeevika Bureau Trust montre comment leurs relations avec les employeurs, les entrepreneurs et les groupes de pouvoir locaux déterminent leur capacité à négocier leurs conditions de vie.


 

[Billy Cedeno/Pixabay]


 

« Lorsqu'il s'agit des enfants de travailleurs migrants, un grand nombre d'entre eux ne vont pas à l'école », ajoute M. Srivastava.

 

Manisha, une élève de 9e année, quitte le district de Banswara pour se rendre en ville lorsque l'école est fermée pendant quelques jours, afin de travailler comme salariée journalière.

Lorsque les communautés en détresse se rendent en ville avec leur famille, ce sont les enfants en bas âge, les adolescents et les femmes qui souffrent le plus.

 

« Je vais travailler pendant 10 jours et je retourne dans mon village. La vie est dure en ville. Au village, nous avons une maison », explique Manisha.

 

Son père, Sunil, ajoute qu'en ville, tout le monde doit travailler pour survivre.

 

« Mais manger et vivre correctement reste un problème. Avons-nous des commodités ? Non. Nous devons payer un loyer mensuel de 1.000 roupies (12,15 dollars) pour vivre dans ces conditions déplorables. Nous sommes en ville par obligation », explique Sunil.


 

[Jhensie De Gheest/ Pixabay]


 

Les conditions de vie et le manque d'équipements sont un défi pour tout le monde, mais il est nécessaire de les considérer également sous l'angle du genre, souligne Saloni Mundra, qui travaille avec Ajeevika Bureau Trust à Ahmedabad.

 

« Les femmes ne sont généralement pas impliquées dans le processus de prise de décision lorsqu'elles émigrent vers les villes, alors que la charge supplémentaire du ménage, comme la recherche d'eau, leur incombe toujours », explique Saloni Mundra.

« Nous avons tout perdu lorsque nous avons été expulsés. Les enfants n'ont plus leurs livres. Comment iront-ils à l'école ? »

 

« Lorsque les gens viennent s'installer dans les villes, ils ne veulent vivre qu'à proximité d'un endroit où ils peuvent gagner leur vie et les autres droits fondamentaux comme l'accès à l'eau potable, aux toilettes et à l'assainissement sont relégués au second plan. »

 

Alors que la chaleur est un défi quotidien, il n'y a pas de toilettes dans la région et les travailleurs doivent déféquer à l'air libre.

 

Tout en préparant le repas du soir, Savita, une ouvrière du bâtiment, lève à peine les yeux lorsque son beau-frère parle des inconvénients de la vie en ville.

 

Mais elle ajoute que si elle a réussi à s'accomoder des autres conditions déplorables, c'est le manque de toilettes qui la préoccupe le plus.

 

Les données du recensement de 2011 montrent que 34 % des ménages des bidonvilles n'ont pas de latrines dans leurs locaux et que 43 % n'ont pas de source d'eau potable.


 

[Billy Cedeno/ Pixabay]


 

Umi Daniel, directeur des migrations et de l'éducation chez Aide et Action International, explique que lorsque les communautés en détresse partent en ville avec leurs familles, ce sont les nourrissons, les enfants, les adolescents et les femmes qui sont les plus vulnérables.
 

« Les travailleurs ont besoin du soutien du gouvernement. La base de données qui enregistre les déplacements des travailleurs migrants dans les villes doit être mise à jour de manière rigoureuse. Les zones urbaines ne sont pas en mesure de prédire la fréquentation et les personnes vulnérables sont exclues de la planification urbaine.

 

« Elles sont généralement reléguées aux marges de la ville. Alors que les travailleurs migrants sont des agents qui contribuent indirectement à la croissance de la ville, ils ne peuvent jamais profiter de l'infrastructure des villes », déclare M. Daniel.


 

Les expulsions font dérailler la vie des travailleurs


 

Un site dans le nord d'Ahmedabad où des personnes ont été expulsées. [Ritwika Mitra]


 

Dans le nord d'Ahmedabad, certaines familles vivent sur les trottoirs après avoir été expulsées de terrains ferroviaires où elles étaient traitées comme des empiéteurs.

 

Ceux qui n'ont pas été expulsés d'autres bidonvilles vivent dans la peur car ils ne savent pas quand l'avis d'expulsion arrivera.

 

Ramila, une femme d'âge moyen, se demande à voix haute comment ses enfants iront à l'école alors qu'ils ne sont pas sûrs d'avoir un logement.

 

« Nous avons tout perdu lorsque nous avons été expulsés. Les enfants n'ont plus leurs livres. Comment iront-ils à l'école ? » demande-t-elle.


 

[Billy Cedeno/ Pixabay]


 

Le groupe de plaidoyer Housing and Land Rights Network (HLRN), basé à New Delhi, a indiqué que le gouvernement central et les gouvernements des États ont démoli plus de 36.400 maisons et expulsé plus de 200.000 personnes dans les zones rurales et urbaines de l'Inde en 2021.

 

Les résultats préliminaires du HLRN entre janvier et juillet 2022 montrent que plus de 25.800 maisons ont été démolies, affectant au moins cent mille personnes.
 

« La société pousse les travailleurs aux marges de la société. Ils sont indésirables dans les villes alors que leur travail est exploité. »

 

Dinesh Parmar, du Centre de Recherche et d'Action sur le Travail, qui défend les droits des travailleurs du secteur informel, souligne que chaque démolition fait reculer les gens.

 

« Les gens doivent réinvestir dans l'éducation de leurs enfants. De plus, ils s'inquiètent toujours de ce qui se passera si les bidonvilles sont démolis pendant qu'ils sont au travail. »

 

« La société pousse les travailleurs aux marges de la société. Ils ne sont pas désirés dans les villes alors que leur travail est exploité », a déclaré M. Parmar, ajoutant que ceux qui viennent travailler dans les villes ne devraient pas en être chassés.

 

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* Source : Hunger, poverty and disease stalk India’s slum population as sustainable development goals ignored - Alliance for Science

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M
C'est abominable, la vue de ces pauvres gamins me rend malade.<br /> Il faut absolument fournir l'accès à l'eau potable, la nourriture, le traitement des déchets, les soins et l'éducation à tous ces gens. <br /> Ce n'est certainement pas la développitude durable et la décroissance qui vont leur venir en aide.<br /> C'est là qu'on mesure la connerie de certains activistes écolos qui bloquent des routes ou massacrent des champs cultivés.<br /> C'est là aussi que je mesure la chance que j'ai d'être assis confortablement dans un canapé avec l'air conditionné...
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