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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Pourquoi cela continue-t-il toujours ainsi ?

23 Mai 2023 Publié dans #Willi l'Agriculteur, #Allemagne

Pourquoi cela continue-t-il toujours ainsi ?

 

Willi l'agriculteur*

 

 

Allemagne, tes paysans the quittent en silence

 

 

Il y a des jours où je suis frustré et où j'ai envie de jeter l'éponge. Aujourd'hui, c'est encore un de ces jours. Nous sommes samedi soir et je n'ai toujours pas d'article pour dimanche. Non pas parce que je suis à court de sujets (j'ai encore plus de 130 articles en mémoire), mais parce que je me demande à quoi ça sert. En dehors de la bulle agricole, est-ce que quelqu'un s'intéresse à la situation des agriculteurs ? Et je ne parle pas tant de la situation financière que des sentiments, des réflexions sur l'avenir que nous avons chaque jour.

 

 

Une politique agricole qui n'a ni queue ni tête

 

Je ne parle pas seulement de la politique du ministère allemand de l'Agriculture, représenté à l'extérieur par Cem Özdemir. La politique est menée par d'autres et il n'y a plus de place pour les agriculteurs conventionnels. Le bio est mis en avant, tout ce qui « a un rapport avec la chimie » est le diable. Avec le BUND, la NABU et le WWF, « on » est d'accord pour dire que CRISPR/Cas (un nouveau système d'amélioration des plantes) ne doit pas exister. Et ce, bien qu'Urs Niggli, ancien directeur du FIBL (Institut de Recherche de l'Agriculture Biologique), estime que l'utilisation des ciseaux génétiques est raisonnable, même en agriculture biologique.

 

J'ai de plus en plus l'impression que la politique agricole se fait contre les agriculteurs (conventionnels). Cela touche particulièrement les éleveurs, qui sont découragés par tous les moyens disponibles. Il y a quelques jours à peine, j'ai eu une conversation téléphonique au cours de laquelle un père m'a annoncé que son fils avait décidé d'abandonner définitivement l'élevage de porcs. Pourtant, les porcheries ne sont pas encore vieilles et n'ont pas encore été payées. Mais si on exige maintenant 0,5 mètre carré de plus par truie que ce qu'offre le bâtiment actuel, l'argent manquera tout simplement pour d'autres investissements. Bien pire encore : il manque la conviction que chaque nouveau règlement s'appliquera également à la période d'amortissement. L'exploitation vient d'en faire l'expérience et le « défenseur des agriculteurs », comme Cem Özdemir s'est un jour appelé lui-même, a beau flûter, personne ne le croit plus parmi les agriculteurs.

 

Mais au niveau européen aussi, la stratégie « Farm to Fork » propose une évolution qui coûterait la vie à de nombreuses exploitations. Si personne n'arrête ce projet.

 

 

Où sont le DBV, la DLG et les autres représentants d'intérêts ?

 

Depuis des semaines, je n'ai plus de nouvelles du DBV (Deutscher Bauernverband – Union des Agriculteurs Allemands). Stop, ce n'est pas vrai : il a récemment fait réaliser une étude sur les effets du SUR (un système de réduction des produits phytosanitaires). Avec pour résultat que les choses iront très mal si les réglementations sont appliquées telles quelles.

 

Monsieur Paetow, président de la DLG (Deutsche Landwirtschafts-Gesellschaft – Société d'Agriculture Allemande), préférerait à une « taxe sur les pesticides » un quota, c'est-à-dire une quantité déterminée de produits phytosanitaires attribuée à chaque exploitation. Donc le principe de la RDA 2.0. Qu'est-ce qui lui a pris pour faire de telles propositions ? Ou bien a-t-il été assis trop longtemps à côté de Cem Özdemir ?

 

Les femmes rurales, les jeunes ruraux ? J'aime beaucoup Mme Bentkämper et Theresa Schmidt sur le plan humain, mais je n'entends pas de véritable opposition. Il suffirait pourtant de dire « non » à la bonne occasion.

 

 

Des perspectives pour les jeunes

 

Que conseilleriez-vous à votre enfant s'il était sur le point de prendre la décision de reprendre l'exploitation de ses parents ? Je fais le tour de l'espace germanophone avec mes conférences, et j'entends trois déclarations.

 

  1. Il/elle aime tellement l'agriculture et nous le/la soutenons. Tout ira bien et on mangera toujours.

 

  1. Je déconseille à mes enfants de reprendre l'exploitation.

 

  1. Nous préparons actuellement la sortie, nous arrêtons et nous louons. Les enfants ne veulent pas s'exposer à la pression croissante de la société.

 

Il y a de bonnes raisons pour chacune de ces trois affirmations et c'est pourquoi le choix de la voie à suivre par la famille est une décision individuelle. Mais il s'agit d'influences très lourdes et, outre la considération purement économique, également émotionnelles, car c'est souvent l'œuvre de générations qui est mise en jeu. Chaque agriculteur le confirmera, les non-agriculteurs ne peuvent souvent pas le comprendre.

 

 

Pourquoi cela continue-t-il ainsi ?

 

Je ne suis pas le seul à me poser cette question, mais probablement aussi beaucoup d'autres qui n'ont aucune compréhension pour la politique actuelle. Cela continue parce qu'aucun des décideurs n'a le courage de changer quoi que ce soit. J'entends par là tous les partis politiques, en particulier les anciens grands partis populaires.

 

Je ne comprends pas que nos grandes représentations professionnelles ne s'opposent pas au courant dominant. Ce serait si simple. Il suffirait que les personnes investies d'une fonction disent « non ». Est-ce vraiment si difficile ?

 

_______________

 

 

* Source : Warum geht das immer so weiter?` - Bauer Willi

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U
" Il suffirait que les personnes investies d'une fonction disent « non ». Est-ce vraiment si difficile ? "<br /> Le fait est que face à n'importe quel buzz médiatique, plus personne n'ose dire "non". Le premier qui parle avec assez d'aplomb a raison.<br /> Il n'y a donc plus de débat.
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U
à hbsc xris<br /> La fermeture de Fessenheim a été décidée par des politiques, contre l'avis des techniciens. Les hauts fonctionnaires qui étaient contre ont été priés de manger leur chapeau.<br /> Entre les deux se forme toujours un écran de courtisans qui disent à leurs maitres ce qu'ils ont envie d'entendre et tyrannisent leurs subordonnés. Ce phénomène est très ancré en France mais me semble universel. Et est partout catastrophique.<br /> Peut-on y pallier ? Si ceux qui ne sont pas hiérarchiquement subordonnés (politiques ou média) osaient un peu plus dire non ...
H
@un physicien : je comprends parfaitement votre propos qui est cohérent, mais en France le vrai pouvoir est détenu par la haute fonction publique. Les hommes et femmes politiques, même au plus haut, ne font que passer et ne sont pas au courant de bien des réalités du terrain et l'essentiel des manipulations statistiques leur échappe.<br /> <br /> Un exemple : Que pensez vous de la visite d'un "lieu" administratif à Paris par un ministre, précédée de plusieurs semaines de travaux pour rénovation du lieu, et précédée d'une évacuation des campements en façade et dans les rues alentours par les forces de l'ordre, complété par un nettoyage soigneux des voies par la voirie ? J'ai même connu les splendides vasques de fleurs loués pour l'événement, repartant aussitôt le ministre parti et le tri sur site des fonctionnaires présentant le mieux pour recevoir le ministre, après briefing de ce qu'il fallait dire ou pas, bien sûr ?<br /> <br /> C'est en faisant mon métier que j'ai compris un texte étudié en fac d'histoire étant jeune. <br /> On est dans les années précédant la révolution française et Marie Antoinette veut découvrir la France. On lui prépare un itinéraire, on rénove les villages avant son passage, on trie les paysans bien nourris et on les rhabille. Elle trouve que la France est un pays magnifique et riche. <br /> C'est un chroniqueur étranger qui découvre le pot aux roses et raconte cette histoire quelques années plus tard. A cette époque, je m'étais dit "Quelle idiote cette Marie Antoinette !"
U
à hbsc xris<br /> Il y a deux problèmes différents.<br /> Un subordonné dans un système hiérarchique peut avoir des difficultés à dire non. J'ai l'impression que c'est particulièrement prononcé en France, et je pense que c'est une catastrophe nationale.<br /> Je pensais en fait à la sphère politicomédiatique, où je ne me souviens pas qu'une affirmation stupide d'un politicien ait fait l'objet d'une réponse négative catégorique.
H
Pour l'avoir vécu en tant que fonctionnaire à un poste "spécial", dire NON, ce n'est pas si facile que cela. <br /> Dire NON implique à courte échéance de devoir renoncer à son poste, souvent un poste particulièrement intéressant, (on vous enverra dans un placard sinistre sous un prétexte fallacieux), de devoir renoncer à son évolution de carrière, à des primes parfois conséquentes, à différents éléments de confort non négligeables comme un lieu de travail très bien relié aux transports en commun, (on peut vous muter "dans l'intérêt du service" à plusieurs heures de chez vous), ou un place de stationnement réservée les week ends de permanence ce qui à Paris n'est pas rien... Et j'en passe...<br /> <br /> Tout le monde n'est pas Jean Moulin. Il y a des années, un de mes collègues confronté aux mêmes malaises que moi m'avait fait lire un livre d'Alain Minc : "L'homme aux deux visages, René Bousquet, Jean Moulin, itinéraires croisés". Comment on devient Jean Moulin et comment on devient René Bousquet ? Et si c'était juste une histoire de circonstances ?