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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Agriculture régénératrice : un nouveau venu sur le marché ?

22 Mai 2023 Publié dans #Agriculture régénératrice

Agriculture régénératrice : un nouveau venu sur le marché ?

 

Tim Durham, AGDAILY*

 

 

(Source)

 

 

Je suis un enfant indécrottable des années 80. La plus grande décennie, sans aucun doute. Tout ce qui est associé de près ou de loin à cette époque orne les murs de mon antre : Max Headroom, Scarface, Star Trek (TNG), les dessins animés du samedi matin et les starlettes des années 80.

 

Et bien sûr, la musique. Vous vous souvenez des New Kids on the Block – et de leurs foules de fans adorateurs (généralement féminins) avec d'affreuses coupes de cheveux ? Même moi, à l'époque, j'arborais une coupe mulet qui n'était pas très à la mode.

 

Les New Kids ont défini à eux seuls le passage à l'adolescence de ma génération. Puis, lorsque leur popularité a commencé à s'estomper (d'accord, ils ont un peu débordé sur les années 90), ils ont été reconvertis en NKOTB [l'acronyme de New Kids on the Block] , une version plus branchée qui trahissait l'innocence qui les avait rendus si séduisants au départ.

 

Mais aujourd'hui, 30 ans plus tard, les fans semblent se montrer nostalgiques. À bien des égards, les tendances agricoles sont étrangement similaires au phénomène des boys bands. Ils sont à leur apogée à un moment donné, puis touchent le fond, tout en attendant de faire leur retour sur le devant de la scène.

 

De toute évidence, il en existe une qui a le vent en poupe : l'agriculture régénératrice.

 

Cela semble à la fois convaincant et sensé. J'avais déjà entendu l'expression, mais je n'en savais pas plus. On aurait pu croire qu'il s'agissait d'une stratégie de marque élaborée par des publicitaires astucieux, mais son origine remonte étonnamment aux années 1970.

 

Pour en savoir plus, j'ai eu l'occasion de visionner un court métrage intitulé « L'empreinte de l'agriculteur, un chemin vers la santé des sols et l'indépendance alimentaire » [le lien ne mène pas à une vidéo, mais c'est sauf erreur celle mis en lien ci-dessous].

 

L'agriculture régénératrice est saluée comme étant (apparemment) exempte de produits chimiques, facile à mettre en œuvre, fondamentalement peu ou pas coûteuse et produisant des dividendes quasi immédiats. Mais quelles sont les pratiques qui la rendent si remarquable ? Très peu de détails sont donnés. La santé des sols est mentionnée en passant, mais à part les cultures de couverture multi-espèces (je connais de nombreux agriculteurs locaux qui ont intégré cette pratique, mais n'ont pas adopté la marque « régénératrice »), peu d'autres choses ont été mentionnées. Les vers de terre ont bénéficié d'un temps d'antenne réduit, mais leur rôle dans le cycle des nutriments et le « mélange » des horizons du sol n'a pas été précisé.

 

D'après la vidéo, aucun engrais supplémentaire n'est nécessaire. Et bien qu'il soit suggéré que les agriculteurs s'attendent à un rendement exceptionnel (ce qui est quelque peu contradictoire avec les objectifs de durabilité à long terme cités plus haut), ils admettent que le jury n'a pas encore tranché. Ils n'ont pas encore compilé de données sur les rendements !

 

Un agriculteur a mentionné qu'une exploitation agricole typique perd sept à dix tonnes de terre arable par hect are et par an. Leur hostilité à l'égard des herbicides comme le Roundup (nous y reviendrons) est donc surprenante, car ils ont permis une ère sans précédent de pratiques de semis direct largement approuvées par la communauté des défenseurs de l'environnement.

 

En outre, l'une des exploitations agricoles étudiées avait mis en place une rotation soja/maïs, mais n'utilisait pas de cultures de couverture ! Il s'agit là de l'omission flagrante d'une pratique de bon sens. Sans surprise, une fois la méthode mise en œuvre, la plupart de leurs problèmes ont été miraculeusement résolus. Complètement déjanté.

 

Puis le film bascule dans l'invraisemblable.

 

Le Dr Zach Bush intervient avec une carte du cancer, démontrant une « explosion » comparable à celle de Tchernobyl. Le rôle du glyphosate en tant qu'« antibiotique » est mis en cause. Je me suis offusqué de l'utilisation erronée, constante et déconcertante qu'il fait de ce mot. En tant que médecin, il devrait être mieux informé. Un antibiotique est une substance dérivée d'un microbe utilisée pour traiter des bactéries médicalement importantes chez l'homme. Un rafraîchissement de la terminologie médicale s'impose.

 

Il explique ensuite qu'il s'agit d'une toxine « soluble dans l'eau ». La solubilité dans l'eau garantit un temps de séjour court (de résidus déjà insignifiants) dans le corps humain. Préféreriez-vous qu'elle soit liposoluble et qu'elle s'accumule dans les tissus adipeux ? Le Roundup a également un devenir environnemental très bien défini et rapide. Nous disposons de 40 ans de données pour l'attester. Lorsqu'il est utilisé correctement, il n'est toxique que pour les cibles visées. Je vous en prie, arrêtez de rassembler tous nos maux environnementaux dans un seul bouc émissaire chimiothérapeutique. C'est manifestement trop simpliste et c'est un trope usé.

 

Et l'hyperbole ne s'arrête pas là. Saviez-vous que le Roundup « tue tout ce qu'il touche » (dites-le à l'amarante de Palmer et à d'autres mauvaises herbes résistantes...) ? La sélection artificielle est drôle comme ça. Dites-le aussi à Agrobacterium, dont les gènes de résistance au Roundup ont été incorporés dans les cultures Roundup Ready, ce qui permet de contrôler les mauvaises herbes dans les champs, de réduire l'utilisation d'herbicides et de carburant tout en préservant la précieuse couche arable.

 

 

Je suis également curieux de savoir comment E. coli et Salmonella peuvent être qualifiées de bactéries « invasives ». Il s'agit certainement de problèmes de santé publique conjoncturels, en particulier les types pathogènes et hémorragiques d'E. coli. La salmonelle envahit-elle mon intestin lorsque je mange de la pâte à biscuits ?

 

Il y a d'autres cas ponctuels de détournement de vocabulaire. L'expression « méga-agriculture » n'a pas de valeur descriptive significative, tout comme l'expression « élevage industriel ».

 

Le dernier plan du film présente une statistique qui donne à réfléchir : les maladies chroniques touchaient 4 % de la population en 1965, et 46 % aujourd'hui. On sous-entend que cela est dû au Roundup. Une affirmation plus rationnelle et défendable serait l'évolution démographique de l'emploi, le mode de vie sédentaire, la consommation d'alcool et de tabac, et les mauvais régimes alimentaires (en grande partie provoqués par une mauvaise politique gouvernementale !)

 

Après tout cela, quel est le verdict sur l'agriculture régénératrice sans la mise en cause du Roundup (et le recours à d'autres griefs sociaux, à vous de choisir) ? Cela manque un peu de sincérité. C'est un peu comme le mot Lycra – cela s'étire de manière opportuniste pour s'adapter à la situation, ce qui permet peut-être en même temps d'atténuer l'impression d'inaptitude de cette agriculture. Mais, à part l'attrait rétro pour aller à contre-courant, offre-t-on vraiment quelque chose de nouveau en tant que meilleure pratique de gestion ? Qu'en est-il des exclusivités pour les praticiens ? Pour être franc, il n'y a rien. La tentative de la mettre sur un piédestal est prétentieuse et rebutante. Si de nombreuses pratiques méritent d'être applaudies – la santé des sols en particulier –, il y a aussi le côté pop (comme beaucoup de boys bands, désolé pour les fans). Le plus ridicule, ce sont les coups de gueule non fondés contre le Roundup et ses liens supposés avec des maladies chroniques. Plus que toute autre chose, cela entache sa crédibilité scientifique et son pedigree en tant qu'éthique de production.

 

De toute façon, je n'ai jamais compris le besoin de s'associer à un mantra de production particulier. Est-ce l'avènement de l'« agriculture identitaire » ? Comme pour toute opération, il faut choisir ce qui fonctionne pour vous sur la base d'une analyse minutieuse, spécifique au site, des complexités et particularités du champ et de l'analyse du marché. Une approche de l'agriculture à la carte, sous forme de buffet. L'agriculture est trop dynamique pour être cataloguée par des définitions. Il ne s'agit pas d'une agriculture biologique ou plus que biologique, ni conventionnelle, ni industrielle, ni régénératrice, mais d'une approche agricole qui vous est propre.

 

_____________

 

La famille de Tim Durham exploite Deer Run Farm et produit des légumes à Long Island, New York. En tant qu'agvocat, il réfute les discours enflammés avec des faits. Tim a obtenu un diplôme en médecine végétale et est professeur adjoint au Ferrum College en Virginie.

 

Source : Regenerative agriculture: New kid on the block? | AGDAILY

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